Après des ouvrages comme « Portrait de Raphaël Meltz en président » ou « Mallarmé et moi », Raphaël Meltz, ô surprise, a choisi de donner son nom au personnage principal de son nouveau roman. Et le narrateur de nous conter l’histoire de ce jeune salarié de l’ANPE et de sa rencontre avec Avril, héroïne sportive et élégante, dotée, ce qui ne gâche rien, d’irrésistibles chevilles. Bien sûr, ces deux là se tournent autour, se plaisent, mais le roman ne se limite pas à une histoire digne d’une comédie romantique, non. Raphaël Meltz est certes content que ses deux personnages principaux s’aiment, mais il leur laisse tout de même un peu d’intimité !
D’ailleurs, très vite, c'est-à-dire dès le mois de mars (le roman nous conte les mois de janvier à décembre 2006), il décide d’éluder les deuxièmes et troisièmes rencontres. Trop facile à raconter, simple exercice de style, aucun intérêt. Un verre bu à une terrasse de café, une pensée de l’un vers l’autre, les premières vacances, la première scène de sexe en direct, car, enfin, « un peu de sexe de nuit pas au récit », une cassette vidéo regardée ensemble, et c’est fini, en tout cas pour la première partie du livre. Après, ça se corse. Car Avril a des choses à cacher. Et le Raphaël Meltz narrateur est conscient que le lecteur a le droit de savoir et s’empresse de nous livrer toutes les clés. Toutes ?...
L’intrigue est habilement menée, même si elle ne parvient pas toujours à surprendre. Mais au final, est-ce là vraiment l’intérêt de ce livre ? Car au-delà de l’intrigue, si l’on continue à tourner les pages, c’est parce que l’auteur -le narrateur peut être ? on s’y perd- disons parce que Raphaël Meltz prend un malin plaisir à nous prendre à partie, nous faire sortir de la narration, ou nous entraîner dans des apartés. Comme si le narrateur (auteur ?) avait tellement envie de parler (mais de lui, attention, de ce qu’il pense, parce que bon l’histoire, c’est pas le tout), qu’il ne pouvait s’empêcher régulièrement de prendre le pas sur la narration. Après tout, c’est vrai, l’histoire est inventée, tandis que lui existe pour de vrai, ou peux le laisser croire ; en quel honneur ce qu’il a dire serait –il moins intéressant qu’un récit, une simple fiction ? !
C’est dire si l’histoire n’est presque qu’un prétexte dans ce livre, et que ce que l’on retient surtout, c’est que Raphaël Meltz (pourquoi avoir peur de répéter ce nom ? il est partout) aime les digressions. Et c’est tant mieux, parce qu’il s’en sort plutôt bien ! On peut y voir le summum de l’égotisme, le style peut irriter et en fait un livre à déguster petit bout par petit bout, plutôt qu’à lire d’une traite. Mais on se laisse ballotter de l’histoire à une remarque, du Caire à Kate Moss, en passant par Flaubert. Rien de prétentieux, non, ni de très profond, le but de ce livre n’est pas de se triturer les méninges. Juste d’accorder un peu de temps à écouter Raphaël Meltz, en plus de l’histoire. Il s’en est donné du mal pour écrire se livre, est passé par des remises en causes graves, occasionnées par des paragraphes jugés médiocres, a arrêté de boire pour améliorer son style, a même presque arrêté son choix sur les actrices qui joueront le rôle d’Avril quand le film sortira… On peut bien lui accorder cela.
On n’en ressort pas plus malheureux, au contraire. Plutôt avec le sourire aux lèvres, et l’impression d’avoir regardé un film sympathique à côté d’un ami bavard. Quand celui-ci a de l’esprit, on passe un bon moment, malgré quelques pics d’irritations passagers.
Tout cela donne un livre - le mot roman ne donnerait pas une bonne idée du rendu final- original, divertissant, et plein d’humour. On ne lui prédira pas le Pulitzer, certes, mais un futur prix littéraire serait à coup sûr beaucoup moins amusant !