Il y a quelque temps nous vous faisions part de notre coup de coeur pour le travail de Jean-Marc Godès. Nous avons pris contact avec lui et le photographe des livres a bien voulu répondre à nos questions. Quel est votre parcours ? Plus précisément qu'est-ce qui vous a amené à ce projet « Photolivre » ?
Jean-Marc Godès : Le lien entre mon parcours et mon langage artistique actuel, je le cherche encore. Je suis né en 1958 en Guadeloupe, où j’ai vécu ma petite enfance, d’un père d’origine russe et d’une mère pied-noir. D’emblée moi et les miens étions « des étrangers ».
De l’âge de 16 ans à ces dernières années, ma vie professionnelle a été entièrement tournée vers les dispositifs d’éveil et de construction des personnes ; animateur de centres de loisirs et de classes d’environnement, formateur, conseiller en insertion. En gros, j’ai essayé de savoir comment fonctionnent les autres et les groupes humains organisés. Apprivoiser et être apprivoisé.
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Les livres se sont substitués à la guidance que je n’ai jamais eue.
Ils m’ont montré des chemins »
Le livre et la lecture ont marqué ma vie. Littérature, histoire, poésie… J’étais l’étranger partout où je suis passé. Sans racines liées à un territoire particulier, ma vie prenait un tour universel. Ce lien, cette recherche de raison d’être et d’équilibre, je l’ai trouvé en partie grâce aux livres de nombreux auteurs de différentes nationalités que j’ai dévorés. Ils m’ont permis de passer du singulier au pluriel en découvrant, au travers des fenêtres que leurs livres m’ont ouvert, la condition humaine dans sa diversité, la révolte, l’espoir, la mort, l’amour. Les livres se sont substitués à la guidance que je n’ai jamais eue. Ils m’ont montré des chemins.
C’est cela que j’essaie, à mon humble niveau, avec des moyens dérisoires, de restituer. Avant la réalisation des photolivres, je n’ai presque pas photographié. La photo m’ennuyant un peu. Je n’y trouvais pas là un plaisir essentiel. Photos de famille, d’animaux, de paysages, ce n’était pas pour moi.
L’an dernier, après y avoir beaucoup réfléchi, je me suis fixé le défi de créer mon propre langage en partant de mon amour pour les livres et de mon admiration pour les écrivains, pour les poètes et les musiciens.
« Ma démarche est déterminée par le ressenti d’images qui me viennent chargée d’émotions »
ActuaLitté.com : Dans votre Blog, on peut lire que vous êtes un artiste intuitif. Pouvez-vous nous dire comment se définit un artiste intuitif selon vous ?
Jean-Marc Godès : Artiste car j’essaie de déclencher chez l’autre ainsi que chez moi une réaction émotionnelle en composant des scènes, des tableaux numériques, mêlant réalité et irréalité, en pénétrant dans le champ symbolique, en puisant dans l’onirisme et l’imaginaire. Parce que je construis photo après photo les contours mouvants d’une vision d’un monde dominé par la poésie à l’intérieur duquel « l’homme, la vie et le réel » ont une place centrale.
Intuitif pour dire que ma démarche est déterminée par le ressenti d’images qui me viennent chargée d’émotions que j’essaie de restituer par la photographie. L’intuition chez moi l’emporte sur la raison. Ce qui est beau, émouvant, vient forcément du plus profond. La technique photographique, le calcul, la raison, ne sont que des moyens contribuant à la restitution de cette image mentale. L’intuition autorise l’expression d’une dimension créatrice pleine et entière. Elle est une vision chargée d’émotion qui nous situe en dehors d’une totale maîtrise, d’une totale compréhension de nous même en prenant, sans en connaître la portée ni les conséquences, le risque d’être soi.
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Je ressens une grande proximité, une sorte de fraternité avec le monde du livre
qu’il soit de musique, poésie, romance…
Je ne ressens rien de tel avec le monde de la photographie.
Il m’est encore inconnu »
ActuaLitté.com : Pourquoi ce projet ?
Jean-Marc Godès : Je ne sais pas écrire, je suis intimidé et je manque d’idées dans ce domaine. Par la « photolivre », ce langage particulier que j’essaie d’affirmer et d’affermir, je tente de faire un clin d’œil et de tendre la main aux femmes et aux hommes de cette communauté universelle qui conservent, entretiennent et alimentent notre mémoire collective ; les écrivains ! Je ne me sens franchement pas photographe. Je ressens une grande proximité, une sorte de fraternité avec le monde du livre qu’il soit de musique, poésie, romance… Je ne ressens rien de tel avec le monde de la photographie. Il m’est encore inconnu.
Ce projet, c’est ma façon d’écrire une histoire imagée et de rendre hommage aux auteurs passés, présents et à-venir. Mais la vraie réponse, en toute honnêteté, est surtout que je n’en sais rien mais que j’aimerai qu’il en soit ainsi !
Les titres des photos de cette page sont :
En haut de gauche à droite: Apparition photo N° 129 et Le marcheur d'eau photo N° 112 sur le blog.
En bas de gauche à droite : Ombre et lumière photo N° 128 et Mouvements photo N° 130 sur le blog.