Il est assez rare pour nous de parler du travail d'un confrère, en bien, en mal nous nous abstenons.
Nous sommes juste tombés hier soir sur un article de l'excellent site , titré : Publicité clandestine pour littérature enfantine.
Déjà le terme littérature enfantine était mal choisi (ou pas… dénigrement ? à voir…)
Dans l'article, la journaliste Marine Landrot se fait le porte-parole d'une bibliothécaire qui a découvert, mais quelle horreur ! qu'une marque s'était subrepticement glissée dans l'un des passages du roman : Les secrets de l'immortel Nicolas Flamel, L'enchanteresse, tome 6(Pocket jeunesse).
En effet, nous raconte l'article, le personnage au nom imprononçable, Tsagaglalal, se nettoie le visage avec du savon « au beurre de karité de l'Occitane ». Marine Landrot rajoute « Si les romans pour adultes ne se privent pas d'allusion commerciale aux objets utilisés par les personnages […] elles viennent souvent apporter une indication sur le caractère ou l'environnement des protagonistes ».
Notre question est : pourquoi ne serait-ce pas la même chose pour les romans ados ?
Même si l'on sait qu' effectivement, les lecteurs adolescents sont souvent plus « sensibles » aux publicités, les auteurs doivent-ils gommer pour autant les références d'une époque et / ou sociales ?
Certains éditeurs français, comme Mélanie Decourt des Éditions Talents Hauts, demande toujours aux auteurs de supprimer les références explicites : « C'est parfois compliqué quand on parle de marques qui sont devenues des noms génériques usuels. Je pense par exemple à un smartphone avec une pomme dessus. Quand l'auteur utilise une périphrase pour ne pas citer la marque, dans la bouche de personnages adolescents notamment, ça sonne parfois un peu bizarre, un peu moins vrai. Mais je préfère ça à la publicité. »
Et donc, dans un livre pour jeunesse, est-ce que la publicité est plus choquante que dans un autre ? Mélanie Decourt, rajoute : « Je m'insurge contre l'argument disant que dans la littérature « pour adultes », les allusions commerciales sont justifiées donc ne posent pas de problème, alors que dans la littérature de jeunesse, ce serait injustifié. Dans l'exemple cité, qui est issu de la littérature jeunesse, l'allusion commerciale ne sert pas à grand-chose, mais on trouve mille exemples dans la littérature générale où une marque est citée sans aucun intérêt pour l'intrigue ou la connaissance du personnage. »
Glenn Tavennec, ancien éditeur chez Pocket Jeunesse, aujourd'hui chez Robert Laffont répond : « En général, je laisse les marques si ça apporte quelque chose à l'action ou au personnage. Dans le cas présent, en France, c'est vrai que ça n'apporte rien, mais comme c'est un texte américain est que l'Occitane est une marque française, ça a certainement plus de sens dans la version originale… » et il ajoute « En ce moment, je travail sur un texte anglo-saxon et, à un moment, le personnage dit « c'est aussi bizarre qu'un McDo sur la Lune. » Dois-je mettre à la place « sandwicherie américaine » ? »
Le problème, s'il y a problème, n'est donc peut-être pas la présence d'une marque dans un roman jeunesse. Le vrai problème de la journaliste, c'est peut-être cette « légère » distinction qu'elle fait entre littérature ado (enfantine ?) et littérature adulte…