Bercé au son des cloches de Saint-Germain l’Auxerrois dont le carillon a mis en marche le massacre de la Saint Barthélemy, Pierre Tison est entré de plain-pied dans cette période trouble qui a vu se succéder massacres confessionnels indistinctement professés.
La vision de ces horreurs l’ayant impressionné jusqu’à déclencher en lui un mutisme total qui allait le handicaper pendant des années, Pierre Tison s’enferma alors dans les livres, étudiant la théologie mais également le maniement des armes au sein de la soldatesque dont son père faisait partie.
C’est autour de la chapelle de la Sorbonne qu’il a rencontré celui auquel il va s’attacher et qui va devenir son maître spirituel, Jean Boucher, prédicateur immense et enflammé, recteur de la Sorbonne. Puis, après le temps du noviciat, il serre sur l’habit des Capucins la corde qui accompagne son engagement de loyauté par serment. Serment écrit faute de pouvoir le prononcer.
Aux côtés de son maître et de ses invectives violentes à l’égard d’Henri III et de ses "mignons", se dessine alors le durcissement religieux qui conduit tout droit à la Ligue et au "Conseil des Seize".
C’est donc en suivant le parcours chaotique et enfiévré d’un ligueur prosélyte que décline une nouvelle lecture de ces périodes agitées qui ont accompagné l’assassinat d’Henri III et l’arrivée sur le trône de France d’Henri IV qu’une adroite conversion au catholicisme a rendue possible, à lui, le huguenot.
Les prêches véhéments, pleins de haine et de fureur qui ont résonné dans les églises, du haut des chaires, lancés par des religieux aux accents plus guerriers, vengeurs et intolérants qu’on ne devrait l’entendre de ces messagers d’un Dieu prétendument d’Amour, ponctuent ce roman de toute la noirceur des crimes qu’ils ont incités, provoqués voire ordonnés.
Vécue de l’intérieur, cette période où quelques illuminés à la foi ravageuse menaient Paris à la baguette, condamnant et tuant sans merci, sans justice et selon des codes et des raisons particulièrement douteux, n’a étonnamment aucune difficulté à prendre du relief, du réalisme dans une lecture actuelle.
Quand Pierre Tison s’insurge devant cette obligation perçue comme inique, faite aux religieux de partager le pouvoir avec le gouverneur de Paris au motif que "le prêtre n’est-il pas également juge et soldat", la posture est tellement d’actualité qu’elle ne présente aucune difficulté à être visualisée dans sa réalité historique. Le fanatisme d’un côté, l’obscurantisme de l’autre, avec pour terreau la peur, la jalousie, l’ignorance et la crédulité sonnent avec un réalisme tout particulier.
Que ces agissements s’avèrent utilisés, manipulés par toute une ribambelle de noms illustres et ambitieux, portés par des désirs de pouvoir insatiables mais funestes contribue à rendre ces épisodes sinistres totalement lisibles par leur actualité.
Que peut, face à cela, un peu d’amour frais, candide, profond mais malheureusement contre nature ? Rien ! Car pas plus que la pensée alternative, l’époque ne peut accepter des mœurs contraires aux canons !
Le message positif reste quand même que le fanatisme, sans être éradiqué, a été écarté du pouvoir. Certes il aboutira à la monarchie absolue de Louis XIV mais on ne peut pas gagner sur tous les tableaux ! De là à paraphraser l’avertissement bien connu : "toute ressemblance avec des personnages ou des situations qui existeraient dans le futur serait purement fortuite"….. !