fait certainement partie des illustrateurs qui traversent les années sans que jamais leurs dessins ne prennent une ride. Aprés plusieurs succès en France, notre champion s'attaque à l'un des symboles, encore vivant, de l'Amérique : Mohamed Ali. Interview... punch !
Bonjour, François. Mohamed Ali – Champion du Monde est paru il y a quelques semaines. Comment ce projet s'est-il monté avec Jonah Winter ?
En fait, je ne connais pas Jonah Winter. C'est une commande d'un éditeur américain. Je l'ai fait il y a longtemps, il y a deux ans et demi. J'étais très surpris que l'on fasse appel à un Français, un « p'tit blanc », pour un tel personnage américain, historique, presque mythologique…
J'avais le texte de Jonah Winter qui est assez simple et qui se concentre sur une partie de la vie de Mohamed Ali, quand il devient champion du monde pour la première fois, quand il perd son titre et qu'il le regagne…
Je crois que c'est la première fois, pour un album jeunesse, que tu t'attaques à une personnalité. Comment t'es-tu préparé à évoquer une partie de la vie de Mohamed Ali par tes dessins ?
Une personnalité aussi importante, oui, c'était la première fois. Pour me « préparer », je me suis plongé dans les documents, photos, articles de presse, sur l'époque et sur lui, il n'y en a pas beaucoup… Mais ce qui m'intéressait moi, c'était le monde de la boxe, c'est un peu comme la corrida. C'est visuellement très beau, et c'est vrai que ce ring, cette scène, ces éclairages, la foule autour et ce combat… c'est ce côté très théâtrale qui m'intéressait beaucoup !
Dans l'album, il y a un mélange de réalisme et de stylisé…
Oui, c'est un réalisme stylisé, ce n'est pas de l'hyperréalisme. Je suis parti de photos pour composer les images. Ne serait-ce que dans les personnages de foule. Normalement dans les photos de ring, c'est assez flou. Là, il fallait travailler sur chaque personnage, chaque visage et émotion, chaque spectateur. C'est l'un des albums qui m'a pris le plus de temps, environ six mois. En plus les Américains sont très pointus sur les crayonnés, sur le processus. D'habitude, en France, j'ai plus de liberté dans les albums. Là, c'est beaucoup plus contrôlé, c'est validé par des séances, des comités… Ils sont tellement longs à faire un livre, j'ai fini les images il y a un an et demi. Il était prêt, fini, bouclé presque un an avant sa parution….
Il y a donc une vraie différence entre travailler pour la France et les Etats-Unis ?
Oui, il y a une vraie hiérarchie dans l'édition, tout est respecté à la lettre. En France, les éditeurs au bout d'un certain temps font confiance. Ce n'est pas les mêmes relations…
Est-ce que là-bas, tu es aussi reconnu qu'en France ?
Non, aux Etats-Unis, je débute. C'est mon deuxième album. J'avais fait 21 éléphants sur le pont de Brooklyn qui est sorti il y a deux ans maintenant. C'est intéressant d'avoir différentes expériences…
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Le travail est-il le même quand il s'agit d'un personnage réel comme Ali et d'un personnage de conte comme l'Homme-Bonsaï par exemple ?
Il a plus de contraintes quand c'est un personnage historique, réel. Ne serait-ce que pour la ressemblance. C'est vrai que Mohamed Ali a une « super gueule », il ne fallait pas la rater, et il est très charismatique. Ce n'est pas le même travail, c'est plus comme un documentaire, vu que je me base sur des faits réels, des combats réels, des scènes réelles… Il m'est arrivé parfois de faire des montages de combat où ce n'est pas le corps de Mohamed Ali et où je rajoute sa tête pour le mouvement. L'illustration ce n'est pas la photo, il faut transposer…
Comment fais-tu pour traduire un geste sans faire comme dans la bande dessinée ?
La BD c'est avant tout du trait avec le style de dessin, on peut donner du mouvement. La peinture a tendance à figer surtout quand on travaille en réalisme. Ce n'est pas du tout la même approche. C'est vrai que le problème de ce que je fais c'est vraiment le mouvement, traduire le mouvement, c'est « léché », il n'y a pas de flou… c'est vrai que c'était dur quand il y a du combat où il faut que l'on sente le coup qui part et qui est reçu…
Comment définirais-tu ton style d'illustration ?
Réaliste, avec de la peinture à l'huile.
Tu ne travailles qu'avec la peinture à l'huile ?
Oui, depuis quelques années. C'est là où je suis le plus à l'aise…
Tu as commencé ta carrière en tant que peintre, est-ce que l'illustration est complémentaire ou est-ce pour toi le même exercice ?
C'est vraiment deux choses différentes. L'illustration, c'est par rapport à un support du texte. C'est plus un travail d'auteur d'image qui correspond à un texte. Quand je refais une toile, pour le plaisir, j'ai beaucoup de mal à revenir vers des choses que je faisais il y a quelques années. J'ai maintenant une déformation d'illustrateur dans l'anecdote, la narration… Je dirais qu'une image de couverture se rapprocherait plus d'une peinture. C'est plus simple, l'idée est moins forte, il y a moins d'anecdotes.
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Dans tes illustrations, il y a un peu du Edward Hopper (peintre américain, 1882-1967), qu'en penses-tu et quelles sont tes autres inspirations ?
Pour Mohamed Ali, c'est très photographique. Il y a du Hopper, parce que Hopper prenait tout ce qu'il voyait dans l'architecture et dans le reste. Et du coup, je suis reparti également sur l'architecture pour certaines images. Mais sinon mon inspiration vient de la peinture, des peintres anciens et de l'illustration américaine diverse et variée.
Tu es assez régulier, tu sors entre un et deux albums par an. Quels sont tes prochains projets ?
Le prochain s'appelle « Soleil Noir », il sortira en octobre prochain. C'est la suite de l'avant « Cheval Vêtu » qui est sorti il y deux ans et demi et l'on n'avait pas le début. C'est dans les classes que l'on me demandait : « Mais qu'est-ce qui lui est arrivé au maître de Cheval Vêtu ? » On fait un peu comme au cinéma, une « préquelle », l'arrivé de Cheval Vêtu, qui s'appelle Soleil Noir, avec son maître en Amérique du Sud et tout ce qui lui arrive là-bas…
Merci beaucoup, François.
Merci.