est l'une des deux auteurs de, entre autres, la série à immense succès Oksa Pollockpubliée par les éditions XO.
Il y a quelques jours, nous avons publié une tribune de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse écrite par Antoine Dole qui expliquait comment beaucoup d'auteurs jeunesse étaient souvent sous-considérés par quelques éditeurs.
Ce texte a beaucoup fait parler et réagir.
Parmi les réactions, donc, celle de Anne Plichota.
« Quand j'avais 10 ans, être écrivain me semblait être un métier de rêve, quelque chose de si formidable, de si parfait que ça ne pouvait être qu'inaccessible. Une sorte de terra incognita qui me faisait fantasmer mais que je pensais m'être interdite.
30 ans plus tard, j'ai révisé mon jugement, juste un peu… C'EST un métier de rêve, formidable et parfait parce que c'est celui que je veux faire, parce que je l'aime, parce que donner du bonheur, procurer des émotions aux autres est précieux, inestimable. Oksa Pollock a déboulé dans ma vie, oh, pas comme ça, pas en claquant juste des doigts, pas parce que je connaissais Untel ou Unetelle. J'ai « seulement » travaillé très dur.
Oui, le facteur chance/bonne étoile/destin/hasard existe. Je ne l'ai jamais négligé. Mais je sais surtout que rien n'arrive sans travail, ce travail acharné, parfois enragé ; chronophage, souvent au détriment de la famille, des amis, de ceux qui sont là, de la vie qui file sans qu'on en profite comme on l'aurait fait avec un autre boulot ; tyrannique, parce qu'il s'accapare la tête, le cœur, le présent, l'avenir.
Je sais ce que cette lettre va susciter, je devine déjà les sarcasmes de certains, les grincements de dents d'autres. Je n'ai pas un esprit militant, mais j'aspire (ô combien naïvement parfois) à un monde plus juste, plus équitable, plus honnête.
Indépendamment du domaine ou du genre que nous avons choisi et au-delà de nos chiffres de vente respectifs, la plupart d'entre nous font ce travail dans le respect d'eux-mêmes, de leur public, de leur métier. Que cela plaise ou non, je m'inclus dans cette large part.
Depuis 5 ans, écrire me permet de vivre et j'en suis immensément heureuse. Je vis plus à l'aise que jamais auparavant. Je n'ai jamais eu de besoins hors de ma portée, pas de goûts de luxe non plus. J'ai connu suffisamment de sales moments pour apprécier le (ré)confort simple d'un frigo plein, d'un appartement bien chauffé, d'une certaine légèreté lorsque les factures arrivent, du plaisir d'aider et de gâter ceux que j'aime.
Je n'oublie pas d'où je viens et surtout je sais que rien n'est acquis, jamais, ce qui me permet de garder le goût du travail, la passion de l'écriture et le bonheur de la reconnaissance.
Jusqu'à ce que je discute avec les uns, les autres, je n'avais aucune opinion sur ce que mon travail me rapportait, financièrement parlant. Impossible de me rendre objectivement compte si c'était peu, pas assez, indécent, correct, généreux.
Mais j'avais toujours pensé que mon pourcentage était la norme, « l'usage » dont parle Antoine Dole. Quelle erreur…
Nous travaillons en duo, tout est donc divisé par deux, et pourtant cela reste nettement supérieur à ce fameux « usage ». Avec un plancher à 12%, progressif jusqu'à 14%, je m'aperçois que je suis une privilégiée, un contre-exemple, quasiment une exception.
Je ne le dis pas par forfanterie ni par provocation. Ceux d'entre vous qui me connaissent savent que mon ego est loin d'être boursoufflé et que ma pudeur n'est pas factice.
Je suis consternée, et parfois scandalisée, par les micro-pourcentages de ceux qui font la même chose que moi. Comment dit-on, déjà ? A travail égal, salaire égal ? Il faut croire que la formule s'applique à tant de domaines…
En écrivant ces mots, je ne souhaite pas rejoindre un combat qui n'est pas le mien, mais contribuer à ce que l'exception que je semble représenter devienne une norme, un usage pour vous tous.
Bien sincèrement.
Anne Plichota»