Sur la couverture de (Dargaud) d'Annie Goetzinger, on voit une piquante brunette aux cheveux courts, qui évoque irrésistiblement Audrey Hepburn !
Dans "Funny face" de Stanley Donen, cette merveilleuse actrice incarne une libraire un peu terne se métamorphosant en une éblouissante cover-girl. Un destin comparable à celui de Clara, personnage principal dans cette élégante et subtile évocation du parcours créateur de Christian Dior. Cette jeune fille issue d'un milieu modeste est une chroniqueuse de mode qui devient mannequin chez Dior au moment où celui-ci invente le "New Look" : l'expression est de Carmel Snow, journaliste au "Harper's Bazaar" et rend bien compte de la façon dont le couturier français tranche sur son époque, au point que certaines féministes américaines l'accusent de passéisme et de retour en arrière.
Elles défilent alors pour clamer leur volonté de porter des pantalons et des jupes courtes qui leur permettent de faire du sport et de travailler sans contraintes. Il est vrai que Dior en revient à la silhouette des femmes début de siècle avec jupe longue et chapeau, autant dire à la mode suivie par sa mère, mais c'est là une volonté de retrouver une certaine frivolité féminine mise à mal par la guerre, les privations, le manque de matières premières de qualité.
Ses robes débordent de tissu, mais sans gaspillage à la fabrication, et si dans un premier temps, ce sont les femmes riches, les épouses des industriels ou des hommes politiques qui sont les seules clientes, Dior au fur et à mesure des années finit par influencer le prêt-à-porter.
Clara suit le parcours typique d'un mannequin à l'époque, d'abord vedette dans les défilés, puis faisant un riche mariage. Dans son sillage, nous découvrons le fonctionnement de la maison, avec ses employées embauchées très jeunes et y faisant toute leur carrière. Sous la houlette de Madame Marguerite, une technicienne hors pair, tout ou presque est fait à la main, car il y a peu de machines, et l'ambiance est excellente grâce à la profonde gentillesse de Christian Dior.
La jeune fille en Dior, sur BDfugue.com
C'est un patron exemplaire qui dote son entreprise d'une cantine où chacun paye selon son salaire. Il participe à la Sainte-Catherine, fait des cadeaux à la fin de l'année, raccompagne chez elle une ouvrière ayant raté le dernier métro.
Ce grand créateur meurt prématurément d'une crise cardiaque en Italie, un voyage que lui avait déconseillé une cartomancienne... Jeune fille en Dior est un livre très touchant et qui fait rêver, mais avec des moments de cocasserie : quand Dior passe une annonce pour recruter des mannequins en vue de son premier défilé, il voit arriver des prostituées disponibles suite à la fermeture des maisons closes !
Aujourd'hui, Christian Dior est une icône, et ses successeurs bien sourcilleux, au point qu'une case de l'album est censurée ! Celle où l'on voit le chauffeur du couturier installé dans le lit de son patron après une nuit que l'on imagine bien remplie : pas question de laisser penser que celui-ci abuse de son petit personnel...
Laissez vous tenter par ce voyage dans un univers ô combien chargé de sens, car la mode n'est pas que légèreté et clinquant, c'est tout un savoir-faire à préserver, et le vêtement, un symbole qui fait toujours débat...