Cet ne ressemble pas à celui qu'on offre volontiers aux enfants qui apprennent à lire ou aux habiles petites mains brodeuses. Non, il est d'une autre conception, gorgé d'émotions, tout en finesse, empreint d'une tendresse inouïe, chaleureux de bout en bout, d'une grande justesse, sans excès de pathos, à la fois doux et grave, tragique, triste et douloureux mais aussi fort d'espoir et de promesses. Jamais vain.
Et s'il vous mène au bord des larmes, ce n'est que pour mieux ensuite, vous dessiner un sourire, éclairer votre regard, vous emplir de joie. Ce livre fait du bien. Un incroyable bien.
Yann, le narrateur est un garçon de onze ans environ, petit par sa taille mais déjà adulte dans ses rapports à l'autre. Il est le cadet d'une sœur de quatre ans son aînée, qu'il adore et avec laquelle il partage tout. Une relation fraternelle épatante et bienveillante qui l'emplit de bonheur et de fierté. Jusqu'au jour où Zoé, l'être admiré et tant aimé, s'éloigne, se perd et s'isole, « passe du soleil à la nuit […) a tiré le rideau sur sa joie de vivre». C'est cette transformation brutale, incompréhensible, inatteignable que le petit frère raconte à travers l'alphabet intime de sa sœur.
Lettre après lettre, il retrace son parcours, sa lente descente en enfer, les alertes inquiétantes, sa violence incontrôlable ("une bête sauvage arc-boutée en position de lutteuse"), ses provocations au collège ("un cahier de correspondance de plus en plus balafré par les mots des professeurs et du conseiller d'éducation"), ses affrontements avec les parents, l'absence totale de maîtrise de tous ceux qui lui veulent du bien, son irrémédiable autodestruction et l'impuissance si douloureuse à laquelle il est confronté.
Mais il évoque aussi leur complicité formidable, les jeux, les joies, les rêves communs à travers une langue poétique et imagée, douce et tendre, profondément expressive de l'extrême sensibilité qui les relie et les façonne ; sensibilité qui d'un côté meurtrit sa sœur, déchire son être et de l'autre émancipe le narrateur, le fait sortir de l'enfance, lui offre même la possibilité d'une « vie merveilleuse ».
Sans jamais porter de jugement, en essayant chaque fois de protéger sa sœur contre les autres et contre elle-même ("j'avais l'impression d'être son gardien. Je me sentais le devoir de veiller sur elle, d'empêcher les démons de se réveiller"), le narrateur l'attache au lecteur, sans effort, transmet toute son empathie, crée un lien fort et poignant que le lecteur redoute de perdre au fur et à mesure de l'histoire qui défile.
En effet, raconté au passé, le récit laisse pressentir le drame effroyable mais chaque fois, le narrateur préserve le lecteur, le protège de toute brutalité inutile et dit toute sa souffrance avec une grande pudeur, beaucoup de délicatesse et une infinie tendresse.
Et ce que l'on veut retenir alors, c'est l'amour fraternel indéfectible.
A lire dès 12 ans et à transmettre sans limites.