Si vous avez lu " (2009), vous n'aurez sans doute pas oublié le bain quotidien de Fredrik Wedin en mer baltique, l'ancien chirurgien reclus sur une île de l'archipel suédois. Le rituel balnéaire se poursuit donc avec ce roman, publié à titre posthume. propose une suite indépendante mais, hélas, n'offre pas la même intensité ni la même lumière à ce récit.
Composée d'une intrigue assez molle et fade, presque sans surprise, heureusement ravivée par les souvenirs d'enfance du narrateur (proches sans doute de ceux de l'auteur) qui s'y mêlent en abondance, l'histoire réussit à conserver un intérêt romanesque et se lit sans peine, sans véritable ennui. Mais sans grande joie non plus. Comme une impression de déjà lu.
“Quelqu’un qui a tout perdu n’a pas beaucoup de temps. A moins que ce ne soit l’inverse […] Avais-je encore l’énergie de voir une autre perspective que la vieillesse et la déchéance ?
De trouver une nouvelle volonté de vivre ”.
Fredrik Wedin a soixante-dix ans. Chirurgien retraité, il vit seul sur son île. Une nuit, il est réveillé par des flammes et assiste, impuissant, à l'incendie de sa maison. Il a tout perdu. Un drame qui le confronte à sa solitude et à la vieillesse, le mène à revisiter son existence, l'approche davantage encore de la mort. Mais le retour de sa fille Louise, la rencontre avec une journaliste, Lisa Modin, pourraient peut-être contrebalancer son désespoir, raviver son désir, modifier le destin qu'il s'est réservé.
L’histoire et les différents événements qui la composent, les relations entre les différents personnages manquent de profondeur pour convaincre véritablement le lecteur. Assez prévisibles, ils ne parviennent pas à s’ancrer véritablement dans une réalité. Pourtant l’auteur a toujours la volonté d’évoquer la société suédoise et ses dérives, dénonce encore les attitudes de repli identitaire, exprime la nécessité d’ouverture culturelle mais de manière plus feutrée, plus désenchantée peut-être aussi, comme si ce combat n’était plus le sien désormais.
“Le vieillissement était une nappe de brume qui s’approchait en silence.”
Mais, lorsqu’il évoque la vieillesse de son personnage et son rapport à la mort, son désenchantement, lorsqu’il décrit l’archipel, ses lumières et ses couleurs, son ambiance hivernale et le temps qui passe, lorsqu’il s’approche de l’intime, devient plus mélancolique aussi ; dans ces instants-là, le livre attache sans détours.
Lucide et amer, sans complaisance avec son personnage (et lui-même ?), Henning Mankell exprime avec justesse la difficulté de vieillir et d’aimer, le rapport au corps, les regrets, la peur de la maladie, de la perte d’autonomie (“vision repoussante, effrayante” du déambulateur), de la démence sénile. La douleur et l’angoisse mais aussi le courage et l’espoir qui animent son héros, imprègnent alors le lecteur, quel que soit son âge, l’amènent à saisir, le temps de quelques pages, l’âge ultime. Sans fracas ni illusions. Sobrement et avec sincérité. Inquiétude aussi.
Des instants de lecture précieux à retrouver notamment dans Sable mouvant (Seuil, 2015), son dernier livre, “Fragments d’une vie”.
Et surtout, lisez “Les Chaussures italiennes”.