Paysages de nuit

20h. Tandis que l'obscurité de la nuit engloutit la ville petit à petit, la lune majestueuse fait son entrée en scène. 21h35, le dîner terminé, il est temps de fermer rideaux et volets et de se laisser bercer par les bras de Morphée. Pour les chauves-souris, ces demoiselles de la nuit, le petit déjeuner est servi. Le tourbillon d'insectes éblouis par la lumière d'un réverbère fera l'affaire. Et tandis qu'à 22h30 une fête bat son plein, quelques heures plus tard une lectrice passionnée ne peut se résoudre à reposer son roman.

Bienvenue dans le vaste univers de la !

Les albums sur la nuit mettent le plus souvent l'accent sur les inquiétants mystères qu'elle renferme. Qu'elle révèle des monstres cachés sous les lits des enfants ou des bruits cauchemardesques venus de nulle part, la nuit inquiète. Mais ici, il n'y a aucune raison d'avoir peur. Simon Hureau nous livre une observation simple et réaliste de ce qui nous entoure lorsque le soleil a terminé sa journée. Il focalise son point de vue sur la couleur du ciel et sur les activités ordinaires des hommes et des animaux. Un gardien qui veille sur les trésors d'un musée, un renard qui traverse la route sous les phares d'une voiture, des éboueurs qui se mettent au travail, autant de simples actions qui invitent le lecteur à déambuler dans un univers pas si terrifiant que ça. Présenté dans un format à l'italienne, Ronde de nuit est construit un peu à la manière d'un carnet de voyage où chaque nouvel événement est associé à une heure précise.

À travers un jeu d'ombre et de lumière absolument fascinant et maîtrisé, de 20h à 7h30, Simon Hureau, à la fois auteur et illustrateur, nous entraine dans sa fabuleuse et poétique ronde de nuit.

Bobby, le narrateur, est un jeune délinquant irlandais. Pour l'éloigner de ses mauvaises fréquentations, sa mère quitte Dublin et s'installe à la campagne, dans un hameau isolé. Bobby n'a qu'une envie, repartir à Dublin pour voler des voitures et les brûler, saccager, boire, se droguer, s'amuser comme il dit. D'autant plus que la maison qu'ils louent a une histoire pour le moins inquiétante : le précédent locataire est parti sans laisser de trace, une petite fille étrange y a été assassinée. Une voisine leur explique qu'il est essentiel de laisser un bol de lait et des gâteaux, à l'extérieur. Pour ne pas susciter la colère des fées.

Et pourtant, malgré ce cadre propice au fantastique, ce n'est pas l'essentiel de l'histoire écrite par .

Créature de la nuit est totalement centré sur Bobby, sa colère permanente et sa violence, son mal être et son amertume.
J'ai beaucoup aimé ce portrait dur et sans concession de cet ado agressif et de sa mère complètement perdue, accablée de dettes, immature. Pas de sensiblerie, pas de résolution miraculeuse. Et pourtant, une rédemption est possible, on le sent. Bobby est infect, mais il est surtout très touchant.
Une belle lecture.

CE PRINTEMPS D’HIVER MÊLA AUX TERRES DE NOËL LA RARETÉ DE BRANCHES SANGUINES QUAND AU VALLAT DE MONTREUIL CÉDILLE ACCORDA SES TRESSES UNIES DANS LE MÊME ACCÈS PORTANT DIFFAMÉE SA SEULE ÉTOILE AU BERGEMENT DES RIVES TOITURES CONVEXES ET SIÈGES HAUTEMENT CONVOITÉS PAR LES AMBULANTS D’ICI AVEC SES MOTS NATURELS DANS LE SENS DE BRAS MUSCLÉS COMME ÉTIRANT LE PLUS FORT ET LA MUQUEUSE AVIDE A SOI DES LANGUES DE DRAP PARMI DES MOTTES DE CIEL NOCTURNE NOMBREUSES FOIS COLLÉES AUX JOUES PASSAIT PAR LES OUIES BLANCHES DES TULLES UN SILENCE HATÉ VERS L’OUVERTURE OÙ NOUS SOMMES ENTRÉS DANS L’ÉTAT DU NOMBRE UNIQUE AUX CORPS INTERNES AUX ORGANES DITS DE VOIX DE VOYELLE AFIN D’ALLÉGER NOS PUDEURS ET LES SÉQUELLES DU VOYAGE CREUSÉ DANS NOS VEINES UN SANG DE HALEUR TIRA DES PASSEMENTS ÉQUITABLES POUR TOUS ET PRIT L’HEURE AU MEILLEUR DE SA SAISON.

***

Je marche.

J’ai de tout temps conçu mes moindres reculades. La vie d’épis de blé aux fenaisons violentes ; mes amis partagés, ici comme ailleurs, à l’aune des paroles intimes. Leurs voix que je pressens ce soir comme mauvais un talus au bord du chemin et qui me devancent et se ferment sous les pas. Un livre parachevé d’accords approximatifs, de mots halés sur le pont avec un courage de noyé.
Je marche aujourd’hui pour reconnaître ; pour lire au dos des feuilles ce qu’elles savent de l’hiver, à leurs nervures tièdes, leur sagacité d’arbre aux pendus, dans ce qu’elles ont gardé du métier d’écorce.
Parfois je marche dans la nuit. Plusieurs lumières atteintes en direction des faubourgs, encore violettes sous les candélabres Dervaux, qui dessinent de fortes contusions sur le chemin plus avant.
De mémoire, je marche depuis toujours vers cette ville invisible. Je n’ai trouvé jusque là que gîtes détestables, et des hommes sans ombres, plus surs que des saisons.

PATRICE CAZELLES

Patrice Cazelles. Poète et performeur, il associe la poésie aux pratiques sonores et à l’oralité. Il fait des lectures publiques à voix dilatée et avec accompagnement d’objets sonores. Il dirige des Ateliers de Création Poétique pour enfants et auprès des publics écartés (Halte Fontenaysienne).
Publications: Matière/Manière : 2010. Hélices Poésie Edition
www.myspace.com/lemurdufond
www.helices.fr

D'un seul coup d'œil, le toit envisage les forces
et les faiblesses du terrain qui se présente à lui

Tous ces cris éteints au-dessous:
la terre contrôle tout
Elle n'est jamais muette, plus d'un million d'années
prend une seule de ses paroles
et la conserve bien au chaud

Où gisent nos connaissances
détachées du monde ?
Se sont-elles perdues?
Où vivent nos enfants ?
Ensevelis sous un drap moelleux de syllabes -

Tous vont et viennent du même sang de la nuit
aux soleils c'est le choix du dieu
C’est le dieu qui distribue
le piment rouge de la parole

Et le visage des anciens,
imprimé sur les toits, au-dessus des manguiers, trace
des lignes de splendide consolation
pour la colombe à queue noire, le chevalier solitaire,
et autres survivants clandestins

Emmanuel Berland http://www.helices.fr

Emmanuel Berland est un poète français né en 1957 à Nogent-sur-Marne. Auteur de nombreux recueils, il anime la revue Esprits poétiques ainsi que le groupe de lecture Poètes ensemble pour le collectif Hélices poésie qu'il a fondée en 1993. Emmanuel Berland est également auteur-compositeur-interprète.
• Nu et son fantôme, Hélices, 2006.
• Ecorce visionnaire, Donner à voir, 2009.
• Dans la cabane du philosophe, L'Harmattan, 2009.
• L'Utopie des oiseaux, L'Harmattan, 2010.

Dignes paupières s'ouvrent des fleurs au bout des planches
Se lèvent comme la scène sur le feu
De la fureur dans la poussière
De la joie écrasée dans le creux des poings
Pas de trêve pas de costume
Ca vient du ventre et des absences
De l’éclosion et du manque de pain
Ca passe par les larmes et par la pluie des miroirs
Ceux qui réfléchissent et ceux qui se brisent
C’est toi c’est elle c’est lui
Du bassin minier de Gafsa à Sidi Bouzid
de la place de la Kasbah à la place Tahrir
L'heure de la maturité spontanée
L’heure du tout à venir
Où les souks et les rues boivent le désespoir des Mohammed Bouazizi
C'est assez tournent et tournent et tournent de Pékin à Lhassa
Des femmes de la place de Mai aux femmes de Téhéran
Les murmures qui deviennent des cris puis des rires
Les yeux au sortir des cavernes
La voix intime du contre-ordre
Bouffez-en jusqu'aux racines
Des œillets des roses des tulipes du cèdre et du jasmin
Le raphia des portables et des navigateurs
De loin en loin forme ses bouquets

Christophe Forgeot http://www.helices.fr

Christophe Forgeot est né en 1966. Comédien professionnel de 1989 à 1994, il est aujourd’hui responsable de formation dans un centre d’insertion sociale et professionnelle.
Il est l’auteur de plusieurs pièces de théâtre et de recueils de poèmes.
• Le Carquois des résistances, Encres Vives, 2007.
• Murmures d'Eros, Ed. Wallâda, coll. Le Voile d'or, 2008.
"Porte de la paix intérieure", L'Harmattan, coll. Témoignages poétiques, 2009.