Vous ne connaissez pas les et, pour cause, cette entreprise familiale spécialisée dans les horloges suisses n'existait pas avant qu' ne l'imagine pour les besoins de son nouvel album. Pour le dire en une phrase, chez Bouzon, ce sont de drôles de cocos qui fabriquent les coucous.
Le patron, parfaitement allumé, organise réunion sur réunion et menace de virer ses employés pour les motifs les plus futiles, il leur impose des séances d'aérobic en pleine journée et les encourage à bien des choses, si ce n'est travailler. Les bureaux sont aussi barrés que le patron qui les dirige : le poisson rouge est mort mais flotte encore dans l'aquarium, les chaises sont cassées, les dossiers introuvables...
C'est dans cet univers de fous que débarque Richard, un canard à tête bleue, jeune recrue qui n'en revient pas de se faire embaucher après un entretien aussi court que délirant. Il découvrira bientôt que Guy Monier, l'employé dont il reprend le poste, n'est sans doute pas parti de son plein gré. Enlèvement ? Suicide ? Assassinat ? Les hypothèses sont ouvertes mais rien n'est plus compliqué que de mener l'enquête dans une société où rien ne tourne rond et où les fouineurs sont très mal accueillis. Quelque chose se trame chez coucous Bouzon, mais quoi ?
Empruntant les ressorts comiques de la série anglaise The Office, Anouk Ricard crée une galerie de personnages truculents : allumés, bien sûr, mais aussi agressifs, emplis de mauvaise foi, maladroits et toujours prêts à embarquer dans les projets les plus foireux. C'est désormais la marque de fabrique de ses scénarios, dont on raffole : elle crée un univers référentiel que tout le monde reconnaît (dans le formidable Commissaire Toumi, elle avait choisi une ville et son commissariat), puis elle le peuple de personnages tous plus drôles les uns que les autres et les regarde se débrouiller ensemble comme ils peuvent.
Ne vous fiez pas au dessin naïf, cet album d'Anouk Ricard, comme plusieurs autres, n'est pas destinés aux jeunes lecteurs : ce thriller haletant à la sauce Monty Pythons ravit plutôt les adultes et les grands enfants adeptes du second degré. Sous de faux airs d'albums premier âge, la dessinatrice-scénariste propose de vrais albums tout publics, qui se lisent de 8 à 88 ans au moins.
Bien entendu, ceux qui fréquentent le 9e art pour se délecter de l'anatomie des héroïnes dévêtues et ceux qui recherchent le rendu hyperréaliste d'avions de chasse ou de bagnoles de sport seront un peu déçus par les couleurs basiques, le dessin au trait ultra simple, les visages dépouillés et la perspective rudimentaire. Mais c'est justement par cette simplicité que l'auteure parvient à nous attirer dans son univers perpétuellement décalé et à nous faire aimer ses héros, dont même l'asile ne voudrait sans doute pas.
Osez franchir le pas, vous ne le regretterez pas. « Coucous Bouzons » est une comédie haletante, qui déclenche de vrais fous-rires. C'est un plaisir si rare qu'il faut en profiter.
Comme ce titre d'Anouk Ricard figure dans la sélection du festival d'Angoulême (non pas en sélection jeunesse mais au rayon tout public, bravo au jury !), cela devrait permettre à de nombreux lecteurs de découvrir qu'il y a moyen de divertir en BD autrement qu'en adaptant des blagues de blondes éculées ou en alignant les stéréotypes sur les sports et les professions.
Un vrai coup de cœur à lire et relire en famille !