Ce court récit ne décevra ni les inconditionnels de ni les nostalgiques du commissaire . Certes, assez épuré dans l'intrigue, il met en scène cependant des thèmes sociaux chers à Mankell (l'immigration, la vieillesse, la solitude, les violences conjugales…) et convainc sans détours. Il a d'ailleurs inspiré l'un des épisodes de la série de la BBC. Ecrit avant il préfigure la lassitude du héros.
En ce début d'automne, pluvieux et venteux, Kurt Wallander semble fatigué, usé. "Je voudrais me mettre en congé de moi-même, de cette pesanteur que je traîne et qui me mine. Je n'en peux plus". Trente ans de carrière et une envie d'arrêter. "Je deviens trop vieux y compris à mes propres yeux. Trop vieux pour moi, et trop vieux pour mon métier."
Sans entrain, la tête vide, il a néanmoins le projet d'une retraite au calme, loin de l'agitation de la ville. En quête d'une maison à acheter dans la campagne scanienne, il visite une vieille bâtisse appartenant à la famille de son collègue Martinsson, située non loin de celle de son défunt père. C'est là, dans le jardin, enfouis sous des feuilles, qu'il découvre les restes d'une main humaine. Une main appartenant à une femme morte pendue, il y a plus de 50 ans.
Commence alors l'enquête du commissaire, minutieuse mais assez prompte, suivie également de près par sa fille Linda. Un retour sur le passé historique de la Suède, notamment sur celui de la Scanie, région frontalière entourée de pays en conflit pendant la seconde guerre mondiale et terre d'accueil de nombreux réfugiés. Même survolé, cet aspect de l'Histoire suédoise suscite la curiosité et séduit le lecteur. Quant à Wallander, toujours exaspéré par ses pensées noires, amer et désabusé, il conserve notre sympathie et notre attachement, toujours aussi proche, absolument réel.
"Le roman de l'inquiétude suédoise"
Dans la seconde partie du livre, très intéressante également, Henning Mankell raconte l'origine de son personnage, comment, peu à peu, face aux changements inquiétants de la société suédoise, face à la montée du racisme, il a souhaité réagir en mettant en scène un commissaire, en le confrontant à des situations criminelles issues d'une intolérance, d'une peur de l'étranger et s'est montré parfois d'ailleurs, douloureusement visionnaire.
Si Wallander est si proche du lecteur c'est qu'il l'est de son auteur et Mankell raconte comment il l'a façonné, au fil des romans, lui a permis d'évoluer, enquête après enquête, année après année, en s'assurant toujours qu'il ne deviendrait jamais plus important que l'histoire.
Savourez donc ce livre comme une friandise délicieuse et réconfortante, simplement édité pour combler un vide, une absence définitive. Wallander n'est plus. Le regret est bien là, mais assez doux. Le lecteur a su profiter, amplement, pendant près de 20 ans, d'un commissaire profondément humain, simple et ordinaire, presque anti-héros, avec ses doutes, ses failles, ses colères, ses maladresses. Il le garde en mémoire, arrive même à l'imaginer, là-haut, seul avec son chien, embrouillé dans ses souvenirs, fatigué et malade. Comme un ami lointain qu'on n'oublie pas, dont on se remémore les enquêtes, le temps d'une relecture, qu'on admire encore.
Mankell en arrêtant la série opportunément a su préserver Wallander intact dans le cœur des lecteurs. D'une déception initiale sont finalement nés l'acceptation et le vif remerciement à l'écrivain.