trouve ses personnages romanesques dans l'Histoire. Après le Montespan, Charles IX ou la Jegado, voici, racontée sous sa plume, l'histoire absolument incroyable et tragique d'un couple mythique, aux prénoms indissociables à l'instar de Roméo et Juliette ou de Tristan et Iseut. Nul besoin en effet de forcer l'imaginaire, la destinée de Héloïse et Abélard, regorge d'anecdotes et de détails croustillants, d'épisodes mouvementés suffisamment insolites, souvent plus charnels que mystiques, pour captiver le lecteur, l'amuser comme l'étourdir, le distraire comme l'instruire. Toujours avec verve et sans vulgarité.
Car, aussi étonnant que cela puisse paraître les romans de jean Teulé restent fidèles à l'Histoire, érudits et denses, extrêmement bien documentés. Seuls la tonalité et le style, propres à l'auteur, le rythme assez trépidant, l'humour et la légèreté omniprésents leur confèrent une vocation plus divertissante que purement savante. Et ce nouveau roman confirme cette intention qui fait aujourd'hui le succès de Jean Teulé.
Dans un Paris moyenâgeux, Abélard, 38 ans passés, philosophe et dialecticien brillant, est admiré par ses élèves. Destinée à devenir archevêque, « d'une quasi-chasteté de pape potentiel », il devient le précepteur de la nièce du chanoine Fulbert, Héloïse, une toute jeune femme instruite au couvent d'Argenteuil. Rapidement les leçons d'astronomie, de latin ou de rhétorique se transforment en apprentissage érotique et sexuel. Le couple s'aime ardemment et librement, dénué de toute retenue ou moralité. « Tout ce que tu me fais, je te le fais ». L'un et l'autre s'éveillent à l'amour avec une imagination assez perverse, en cachette de l'oncle, assez naïf, jusqu'à ce que ce dernier ne découvre la supercherie et condamne les deux amoureux à vivre séparés l'un de l'autre jusqu'à leur mort.
Sans jamais se dessaisir de la réalité historique, Jean Teulé raconte ces destinées, les malheurs des deux amoureux, la naissance de leur fils, Astrolabe, leur fuite en Bretagne, le supplice d'Abélard, l'entrée au couvent pour Héloïse, la soumission à Dieu, le Paraclet, les soupçons d'hérésie sur Abélard, les lettres échangées, etc., dans une langue gouleyante et imagée, proche de Rabelais, innovante et parfois crue, fidèle aussi ça et là à la langue de l'époque, extrêmement vivante. (« hurtebiller », « béluter », « enchifrener »,etc.)
Un mélange de poésie et de raillerie, des expressions riches et expressives, des formules détonantes capables de rythmer le récit avec vivacité, d'apporter de la bonne humeur à l'ensemble du roman sans pour autant combler entièrement le lecteur.
En effet, la première partie qui décrit avec détails les expériences sexuelles des deux amoureux, absolument désinhibées et libres, s'étire jusqu'à occuper près de 100 pages. Le lecteur, certes émoustillé par les premiers chapitres, amusé par les pratiques érotiques et lubriques du couple et la verve de l'auteur se lasse pourtant assez rapidement, ennuyé par le côté répétitif des scènes, s'échappe presque de l'histoire jusqu'à ce que l'auteur ne commence vraiment à raconter la destinée des deux personnages. Là l'intérêt rebondit jusqu'aux lettres échangées et aux retrouvailles, où, une seconde fois, il semble vouloir s'essouffler un peu mais c'est sans compter le langage gourmand, grivois et poétique de Jean Teulé ; juste irrésistible, difficile à lâcher même lorsque l'histoire fléchit !