Vous ne le saviez peut-être pas, mais le 2 avril est depuis 1967, la journée internationale du livre pour enfant. Pourquoi le 2 avril ? Tout simplement parce que c'est la date anniversaire de , le célèbre conteur danois. Pourquoi lui ? Parce que…
Bref, le 2 avril de chaque année, l'une des différentes sections de l'IBBY (environ 75 pays) ou International Board on Books for Young people (association suisse sans but lucratif) est chargée d'organiser cette journée, d'en choisir le thème et surtout demande à un auteur très connu du pays en questions d'écrire un message aux enfants lecteurs et à un illustrateur d'en réaliser l'affiche.
Le but de tout ceci est bien entendu de promouvoir le livre et la lecture.
Pour cette année, le pays choisi est l'Irlande qui, elle-même a choisi pour illustrer l'affiche de l'événement Niamh Sharkey, illustrateur assez peu connu en France (son dernier ouvrage paru La bête vorace date d'il y a une dizaine d'années chez Kaleïdoscope).
Pour le message, l'auteur choisi est Siobhán Parkinson dont le dernier roman traduit en français Le bleu du vendredi est disponible à L'École des loisirs.
Lettre aux enfants du monde entier
Les lecteurs demandent aux écrivains comment ils rédigent leurs histoires – «d'où viennent leurs idées ?» « De mon imagination », répondent-ils habituellement. « Oui mais encore ? Où se trouve-t-elle cette fameuse imagination ? De quoi est-elle faite? Et est-ce que tout le monde en a une ? » rétorquent leurs lecteurs.
« Eh bien, c'est dans ma tête bien entendu. C'est un savant mélange d'images, de mots, mais aussi de souvenirs, de morceaux d'histoires récoltées et d'images qui fusent. C'est tellement riche qu'il y a de la musique : celle des mots qui sonnent, de nos pensées et des bruits qui nous entourent. Elle bouge aussi cette imagination, comme le mouvement des vagues, celui des horizons qu'on fixe au loin. Les mots dansent et forment des arabesques si élégantes. Plus fort encore : elles ont des couleurs et des parfums. Leur souffle est puissant et nous emporte.
Comme dans un kaléidoscope, tout cela tourne autour, chante, flotte, se stabilise et vient nous chatouiller l'esprit.
Bien sûr que tout le monde a de l'imagination ! Sinon, nous serions incapables de rêver. Elle est différente d'une personne à l'autre. Celle d'un cuisinier est probablement composée de goûts, celle d'un artiste est remplie de couleurs et de contours. Quant à celle d'un écrivain, elle contient surtout des mots.
Les lecteurs et les auditeurs de ces histoires, eux, leur imagination est également nourrie avec les mots. L'imagination de l'auteur se déploie: les idées tournent, se sculptent; les bruits, les voix, les personnages et les événements se transforment en histoire. Elle est faite de ces mots, qui, au début, forment des bataillons qui chevauchent les pages. Ensuite, ils atteignent les lecteurs et, enfin, ils prennent vie. Ces mots restent sur les pages, ils semblent encore être en batailles rangées, mais désormais, ils galopent dans l'imagination du lecteur. Ils lui appartiennent : il les façonne, les fait tournoyer. L'histoire prend forme dans sa tête tout comme elle a été dans celle de l'écrivain.
C'est pour cette raison que le lecteur est aussi important que le récit et l'auteur. Trio inséparable. S'il y a qu'un seul créateur pour une histoire, il y a surtout des centaines, des milliers, voire des millions de lecteurs, soit dans la langue d'origine, soit dans plusieurs langues si elle est traduite. Sans l'écrivain, l'aventure n'existerait pas; mais sans les milliers de lecteurs autour du monde, elle n'aurait jamais vécu toutes les vies qu'elle peut vivre.
Chaque lecteur d'une histoire a quelque chose en commun avec tous les autres. Séparément, mais aussi ensemble, ils l'ont recréée avec l'aide de leur imagination. Lire est un acte si paradoxal : privé et public, individuel et collectif, intime et global. Lire est probablement ce que l'être humain fait le mieux
Continuez de lire.
Siobhán Parkinson
Écrivain, éditeur, traducteur
Traduction : Olivia Wu