Estelle Riley, J.-M. Bourthan

À notre époque, le FBI utilise une machine à voyager dans le temps pour protéger des témoins importants de procès en cours. Ils sont envoyés 1898. Chevie, plus jeune agent du FBI, a légèrement raté sa dernière mission et est chargée de surveiller la très inactive machine du . Sauf que, bien sûr, la machine ne reste pas inactive bien longtemps et cette dernière finit par lui envoyer un jeune homme affolé du nom de Riley qui se dit poursuivi par un « tueur sans âme ». 

Il est le  jeune apprenti du grand illusionniste Albert Garrick qui est aussi un assassin très doué et celui-çi souhaite voir Riley suivre ses traces. Lorsqu'il est envoyé dans le futur, Riley n'a aucun doute : où qu'il soit, Garrick va le retrouver. Avec l'aide de Chevie, il tente de fuir par tous les moyens un Albert Garrick génétiquement modifié par le voyage dans le temps, et encore plus dangereux qu'il ne l'était dans son époque.

On attendait avec impatience la nouvelle saga d'Eoin Colfer et on vous le dit tout net elle tient toutes ses promesses. C'est totalement addictif ! Un vrai coup de cœur.

Les aventures de Riley et Chevie ne vous laisseront aucun répit, des aventures effrénées, des courses poursuites, des lieux sombres et mystérieux, de la magie,  des personnages attachants, de l'humour, une histoire entre deux périodes historiques : la nôtre et la victorienne. Tout un programme ! C'est écrit de main de maître. Combiné à un style historique, ce roman offre la possibilité aux lecteurs de s'interroger sur une probable esquisse des travaux d'Albert Einstein sur les voyages dans le temps. Ce n'est pas le premier roman à traiter du sujet, certes, mais cela fait toujours autant rêver…

Les fans de voyages dans le temps et de thriller vont vraiment adhérer. Nous ne sommes réellement pas déçu par la nouvelle saga de l'auteur d'Artémis Fowl et du Supernaturaliste qui ne cesse de confirmer son talent. Vivement la suite !

Au Ve siècle après Jésus-Christ, l'Empire romain est exsangue, il est bien trop étendu pour être administré correctement et est cerné de surcroît par les Vandales. Les croyances anciennes laissent peu à peu place au christianisme. C'est dans cet univers moribond qu'a grandi Thya, une jeune patricienne exilée en Aquitaine, où elle peut dissimuler ses visions et s'épanouir loin de l'influence néfaste de son frère aîné. Mais quand le père de Thya est attaqué par des mercenaires mandatés par son propre fils, la jeune fille est brutalement jetée sur les routes, sur la foi d'une intuition : elle doit à tout prix se rendre à Brog, haut lieu militaire qui a vu le triomphe de son père vingt ans auparavant.

nous plonge aussi bien dans le joyeux chaos des cités gauloises que sur les routes désertes aux pavés descellés de l'Empire : Estelle Faye nous offre une reconstitution historique de qualité, redonnant vie à une période troublée, à une ère de transition qui voit l'avènement d'un catholicisme tout puissant au détriment du panthéon romain et des croyances celtes.

Par petites touches, Estelle Faye nous montre des créatures mythiques désemparées face à la disparition progressive de leur culte et la répression sauvage dont est capable le tout jeune clergé de l'Église catholique. C'est dans ce contexte tendu que Thya s'élance sur les routes : courageuse, mais parfois trop insouciante et bornée pour son propre bien, la jeune fille peut heureusement compter sur deux partenaires de poids, l'ancien militaire Mettius  et le séduisant Enoch, un maquilleur plein de ressources.

Premier tome bien ficelé, mais de facture somme toute classique, La Voix des Oracles – Thya vous plongera dans un monde antique où la magie prend vie pour votre plus grand bonheur. Aventure, Histoire et secret vieux de vingt ans sont au programme de ce roman des plus prometteurs.

Estelle se lève à 5h tous les matins. Durant sa longue journée d’infirmière à la maison de retraite Les Coquelicots, elle jongle entre la vie fantasmée de Madame Thomas, les blagues de Germano, les parties de cartes.

Etre infirmière, c’est aussi faire face : au deuil, presque quotidien, aux rêves inachevés, aux angoisses nocturnes …

« Depuis dix ans, je passe mes journées à m’occuper d’eux. Je les soigne. Je les nourris. Je les lave. Je les fais rire. Je les prends dans mes bras. Et puis d’un coup, ils partent. »

Sans jamais tomber dans l’angoisse ou le voyeurisme, ce poétique récit sur la fin de vie questionne. Un bel hommage aux soignant.es, sublimé dans cette bande dessinée au ton bleu monochrome et au graphisme bouleversant.

Faustine est une adolescente de 15 ans comme les autres. Elle vit depuis le divorce de ses parents avec sa mère, son beau-père Ivan – un grand fan de musique des années 70-80 – et Mat, le fils de ce dernier, avec qui elle entretient des relations que l'on peut qualifier d'inexistantes (mais qui vont prendre une nouvelle tournure quand Mat tombera amoureux). Au lycée, il y a les deux super copines, Élodie et Mina, les copains, Quentin et Zyed, et surtout le beau Jo, dont elle est éperdument amoureuse. Mais il sort avec le cauchemar de toutes les filles : une « blonde, grande et incroyablement mince ».

Heureusement, pour s'évader du quotidien, Faustine a l'écriture : elle écrit des slams, sans que personne ne le sache, même pas ses deux meilleures amies. Jusqu'au jour où elle fait un pacte avec Niilam : son talent en échange de l'amour de Jo. Mais était-ce vraiment nécessaire pour conquérir son grand amour ?

Au début de , on se dit : « Oh non ! encore un livre sur les déboires sentimentaux d'une adolescente ! ». Puis une touche de mystère fait son apparition : qui est ce chien au rire démoniaque ? Il est vrai que le prénom de notre héroïne aurait dû nous mettre sur la piste : avec un tel prénom, n'est-elle pas prédestinée à vendre son âme au diable ?

Car c'est bien le diable qui se cache derrière ce beau chien et Niilam (le Malin à l'envers, comme l'auront compris les plus perspicaces d'entre vous), cette magnifique rousse qui croise régulièrement la route de Faustine. Ce texte de Fanny Abadie est un joli roman sur l'adolescence ponctué de slams et de références musicales.

Qui peut adorer la mort ? Ce ne peut être qu'un démon, un être venu des profondeurs de l'Enfer, qui peut s'exclamer ainsi. Et en effet Clémence découvre soudainement qu'elle n'est pas une humaine. Tout commence lors d'un coma éthylique un soir de beuverie. En réalité, une éternité avant cette soirée, Clémence naît dans un monde entouré par les flammes.
Reprenons dans l'ordre. Clémence est une démone. Aujourd'hui, elle se retrouve dans le corps d'une adolescente obèse au visage ravagé par l'acné. Et en ce moment, elle raconte son histoire à un journaliste bien étonné – et effrayé – d'entendre son étrange récit.
Ce roman est captivant ! Qui n'a jamais rêvé d'être doté de pouvoirs ? Et qui, au fond, n'a jamais souhaité pouvoir faire exploser la tête d'une personne détestée ? Chacun pense quelquefois à faire le Mal et Clémence assouvit pour nous toutes nos pulsions. Les scènes sont irrésistibles : certains seront peut-être effrayés, d'autres se réjouiront. Quoiqu'il en soit, les descriptions gores des péripéties, prises au second degré, sont à savourer car elles procurent une indéniable délectation.
Ce roman est, en plus, très bien écrit : les phrases sont magnifiquement orchestrées, la construction de l'histoire est très travaillée et les figures de style sont nombreuses. Chaque lecteur trouvera en plus des références cachées dans le texte ! Avis de chercheurs de symbolique, ce texte fourmille de détails à décrypter.
Nous vous souhaitons à tous la plus inquiétante et captivante des lectures ! Espérons que pendant que vous vous torturerez l'esprit, un être du Mal ne viendra pas faire de même avec votre corps...

Retrouver Vendetta, neuf ou d'occasion

Si j'avais des ailes, je volerai jusqu'à toi, mon cher père pour tenter de te ramener dans notre « maison en dure », celle avec des murs et un toit. Celle que tu n'as jamais supportée et que maman a pourtant choisie, pour moi, mon avenir, notre avenir, Papa.
Mais si toi tu ne veux revenir, quel sera mon avenir ?

Même si tu as peur des mots que j'aime tant, tu as d'autres richesses, tu as tous ces souvenirs de voyages et de « vie d'avant » à me raconter. Et puis ces mots, ces phrases, ces livres, je pourrai te les apprendre. Tu pourrais les comprendre, j'en suis certain comme tu as su apprendre et comprendre l'univers de ce cinéaste, Tony Gatlif. Lui qui a su dompter à travers sa caméra, les tziganes que nous sommes restés, libres et fiers. Libres et fiers, Papa !

À travers ce court récit intimiste, un jeune tzigane, vivant désormais dans une « maison en dure », allant à l'école et aimant lire, s'adresse à son père, parti sans laissé de nouvelles depuis plus de quinze jours. Et à travers cette parole adressée à son père, résonne l'histoire encore vibrante de tous les tziganes, comme un chant, une plainte à écouter.

, auteur de nombreux ouvrages poétiques, nous offre dans Si j'avais des ailes, une vision de la vie et de la différence qui et peut parfois s'installer entre générations d'un même peuple. Ici un passé fait d'aventures plus ou moins heureuses face à un présent ou la nouvelle génération, semble vouloir vivre autrement sans pour autant renier ses traditions.

À l'approche du festival de Cannes, Philippe Dupuy sort son dernier album, J'aurais voulu voir Godard. Pour ce livre, le dessinateur a rencontré le réalisateur...ou pas...enfin peut-être...on sait pas vraiment...et peu importe...on s'en fiche bien, finalement, de savoir si les deux hommes se sont vus, car indéniablement, Philippe Dupuy dialogue dans cet ouvrage avec Jean-Luc Godard.

Et plutôt que dans un café, cette conversation s'ancre dans les écrits et films de ce dernier, dans son œuvre dont la modernité résonne encore avec autant de force. L'auteur s'interroge à travers le prisme de ce réalisateur unique, à travers la fascination qu'exercent sa liberté de création et l'articulation de sa pensée.

Cette rencontre n'est pas tout à fait fortuite et survient alors que l'auteur semble en pleine introspection sur sa pratique artistique. En effet, celui qui a débuté en démontrant une pleine maîtrise du récit classique ne cesse de déconstruire les supposées ontologies du médium pour développer une pratique singulière qui tend vers le sensible.

Il l'écrit lui même dans ce livre : "Je rêve d'une bande dessinée INSTANTANÉE que je dessinerai sur le même fil temporel que mes pensées", ajoutant plus loin "mais peut-être qu'il faudrait moins la lire que la ressentir". Abrogeons alors le conditionnel car justement, dans ces pages et dans ses albums précédents, Philippe Dupuy parvient justement avec une grande finesse à mettre en oeuvre des expériences de lecture singulières qui mêlent réflexions sur le fil et expérimentations graphiques dans une parfaite synchronie.

Il bouleverse alors notre rapport à la lecture et au récit de bande dessinée, mais n'est-ce pas ce que l'on cherche aussi, dans une œuvre d'art : être bousculer dans nos certitudes pour redéfinir voire redécouvrir notre perception du monde.

Le dessin est libre, beau, vivant, incarné, il ne s'épuise jamais et se ressource sans cesse, et l'on se plaît à imaginer des albums entièrement composés de ces interludes graphiques qui racontent autant que les planches de dialogues, juste différemment.

Gilbert Keith Chesterton, c’est l’art du paradoxe, serait-il le philosophe des philosophes ? Sa manière : prendre une idée apparemment simple et la tordre jusqu'à ce qu’elle révèle sa vérité profonde, toujours avec cet humour britannique sans sourire. Le credo de cet anglais romantique : passer par le banal pour émerveiller, étonner du moins.

Parmi ses œuvres les plus célèbres, citons les histoires du Père Brown, un détective prêtre qui résout des mystères non pas par une logique rigide, mais sa compréhension de la nature humaine. Moins célèbre, mais tout aussi intéressant, son personnage de Monsieur Pond, un gentleman dilettante et raisonnable qui bascule de manière impromptue dans le paradoxe.

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Ses amis, le charmant et audacieux Capitaine Peter Gahagan, et le respectable Sir l'ambassadeur Hubert Wotton, disent qu’il parle de philosophie pour ne pas parler de sa vie… Un « obscure fonctionnaire » en tout cas. Exemple de paradoxe : « Ils parvinrent à un tel accord que l'un tua l'autre. »

Des récits réunis par Noir sur Blanc, avec toujours un arrière-fond politique, la légèreté et distinction britannique pour parler de meurtre, et pour le plaisir, des paradoxes dont la vérité sera prouvée par Monsieur Pond à la fin d'une histoire : « Lorsqu'une chose est manifestement fausse, ce n'est manifestement pas un mensonge. » « Un homme dit toujours le fond de sa pensée, surtout quand il le cache. » « Un acte est irréfutable, même quand il est indéfendable. »

Et pour finir, une réflexion d’esthète : « Difficile de résister au plaisir de se faire calomnier. »