A la manière d'une fable, d'un conte moral et politique, philosophique également, ce court roman de , paru au Québec en 2013 et couronné par le prix des libraires, s'empare avec force de sentiments et de situations propres à la Tragédie classique mais sans jamais s'éloigner d'une tonalité naïve, presque légère, très sobre.
Racontée à hauteur du regard d'un enfant, l'histoire, pourtant déchirante, conserve sa spontanéité, son immédiateté, une juste gravité, sans l'excès de l'analyse ou du sérieux adulte et atteint son public sans détour ni difficulté.
Très contemporaine et en même temps universelle, elle interroge sur la guerre, la vengeance, le sacrifice et le courage, l'amour familial et la culpabilité, la mort, la violence et le fanatisme religieux ; sans longs discours. Cruelle et en même temps bouleversante, empreinte de poésie et d'une fine sensibilité, elle ne chavire jamais dans le pathos, reste digne mais frappe à vif et pour longtemps.
Une lecture incontournable, accessible et nécessaire, précieuse.
Quelque part au Moyen-Orient, sur un territoire de montagnes, "dans un pays où le temps ne peut pas faire son travail", une famille cultive avec soin son orangeraie. Une bombe s'écrase sur la maison, tue les grands-parents. Et la guerre entre en scène.
"La vengeance est le nom de ton deuil."
Qui d'Aziz ou d'Amed, les fils jumeaux de Zahed et de Tamara sera sacrifié pour venger ce deuil ? Ce choix insoutenable, cette décision abominable, imposés par Soulayed, un chef de la région, anéantissent les parents, partagés entre la soumission à Dieu et l'amour pour leurs enfants, disloquent l'harmonie familiale, intensifient la culpabilité et la honte, la peur et la lâcheté mais ne rompent pas la complicité et l'attachement fusionnel entre les deux frères.
Avec une économie de mots, Larry Tremblay parvient à saisir l'essentiel. Sans s'attarder sur l'horreur de la guerre ou l'aliénation religieuse, il décrit avec précision les sentiments d'une mère, ses agissements désespérés, éperdus mais légitimes, le point de vue du père, plus pragmatique mais non moins rationnel et parvient à rendre compte de l'innocence et de la spontanéité des deux frères, confrontés eux-mêmes à un choix dont ils ne maîtrisent pas l'absurdité ni la folie.
Des personnages puissants, mais dont la simplicité et le naturel pénètrent aussitôt le lecteur. Authentiques et en même temps d'une intensité allégorique, soumis à des retournements de situations, ils offrent au récit aussi bien la saveur et la couleur des tragédies classiques que des drames modernes.
Une précision pour les enseignants : parfaitement adapté aux usages scolaires, le roman pourrait trouver sa place dans les programmes de littérature avec, de surcroît, l'assurance de plaire à un large public, lecteur occasionnel compris.