(1891-1969), élève à l’Ecoles des Arts Décoratifs puis professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Dresde et peintre de l’art dégénéré selon les Nazis, vit une partie de son œuvre détruite en 1937 alors que ses dessins, notamment les eaux fortes présentées dans ce livre offrent une vision universelle, saisissante et inoubliable de la guerre dans ce qu’elle a de plus atroce et de plus destructeur, de plus absurde aussi.
L’ouvrage présenté par Gert Krumeich, historien et Frédérique Goerig-Hergott, conservatrice du musée Unterlinden à Colmar, contient l’intégrale des cinquante gravures (Der Krieg) produites en 1924 et témoigne de l’expérience et des blessures profondes de l’artiste envoyé au front en France et en Russie lors de la 1ère guerre mondiale.
Publiée à 70 exemplaires seulement, cette série est un véritable manifeste politique inscrit dans le courant pacifiste initié par l’anarchiste Ernst Friedrich mais elle ne trouvera finalement que très peu d’acquéreurs au sein d’une Allemagne si traumatisée par la défaite qu’elle peine à regarder la réalité et l’horreur vécues.
« J’ai bien étudié la guerre. Il faut la représenter d’une manière réaliste pour qu’elle soit comprise »
En effet, les 50 gravures qui composent ce livre ne mettent pas scène la guerre et les combattants, n’érigent pas en héros les valeureux soldats mais s’efforcent, au contraire de dénoncer avec violence et un réalisme crû, l’ignominie destructrice de la guerre, au risque de choquer, de mettre à mal les acteurs et les victimes.
Elles rendent compte, sans concession, du chaos insoutenable, de l’aspect bestial de la guerre, de sa folie meurtrière. Otto Dix a vécu l’horreur ; il doit en témoigner, raconter les combats et la souffrance, entretenir la mémoire collective mais aussi panser les plaies, exorciser la douleur, expurger les névroses obsessionnelles, réapprendre à vivre.
Sa précision anatomique des corps mutilés sur le champ de bataille, ses portraits de combattants blessés et défigurés, appauvris, rendent compte d’une population condamnée à souffrir, malmènent le regard du lecteur (visiteur), détournent son visage parfois, créent le malaise évident, se passent même de commentaires, percutent sans détours, insoutenables mais témoignent d’une œuvre moderne et engagée, très personnelle, toujours actuelle et d’une portée universelle incontestable.
Les nombreuses références à cette série de gravures dans les programmes d’enseignement français d’Art et d’Histoire le confirment d’ailleurs. Cette œuvre subversive n’a rien perdu de sa force et de sa vitalité. Sublime et nécessaire. Incontournable aujourd’hui encore.