Orphelin de père deux mois avant sa naissance et de mère à peine quelques jours avant son troisième anniversaire, Jonathan Adler Makhurst II est recueilli, après moult péripéties avec les services sociaux, par le père de cette dernière : Jake.
Celui-ci, après une vie débridée, s'est installé dans un ranch où il distille un tord boyau, le « Râle d'Agonie » dont la recette lui a été donnée par un indien en train de mourir et dont il semble être le seul à supporter la puissance alcoolique…
Et si l'arrivée de son petit-fils, Titou, lui donne un sens des responsabilités que sa vie d'errances, ses mariages nombreux, ses bagarres et soûleries, son insatiable indépendance et ses parties de poker n'avaient encore jamais eu l'occasion de mettre à l'épreuve, ce n'est pas pour autant qu'il a mis fin à cette production illégale auto-consommée.
Titou, lui, a certainement souffert de la disparition de sa mère mais il était bien petit alors et l'attention de Jake finira par l'apprivoiser même si leurs caractères s'avèrent à l'exact opposé l'un de l'autre. Par exemple, alors que Jake a toujours eu la passion de la liberté, de l'absence de frein à sa vie et à ses déplacements, Titou, lui, construit frénétiquement des clôtures, au demeurant des œuvres d'art que les voisins envient, sur les terrains de son grand-père.
Clôtures qu'un énorme sanglier prend un plaisir évident à détruire la nuit en défonçant grillage et piquets, en ouvrant des trous béants là où Titou avait soigneusement enfoncé un pieu.
C'est d'ailleurs dans un de ces trous de dévastation qu'un jour, Titou découvre un caneton au bord de l'agonie dans la boue.
Ce roman est un peu l'histoire d'une rédemption. Celle d'un homme à la vie mouvementée qui va prendre son rôle de grand-père avec beaucoup de sérieux même s'il est loin d'être certain que les services sociaux considèreraient très orthodoxes ses méthodes, son langage, ses attitudes et l'amour assez peu maternel dont il entoure son petit-fils.
Et pour ce dernier, c'est une bénédiction que d'échapper au souvenir, d'entrer dans une vie à part entière dans laquelle il trouve son équilibre, son plaisir, ses petits bonheurs.
C'est écrit comme un conte, non pas pour enfants mais pour adultes car, comme l'écrivait Pagnol, il ne faut pas dire aux enfants que les petits bonheurs côtoient d'immenses chagrins. Et de ce point de vue, ce conte-là est bien adulte pour les adultes même si le fait que Jake puisse penser être devenu immortel à consommer son « Râle d'Agonie » pourrait laisser imaginer autre chose.
ne prétend donner aucune leçon . Point n'est besoin, comme semble vouloir le faire le traducteur et rédacteur d'une érudite postface, de raccrocher ce texte à d'illustres (ou pas) modèles ou inspirateurs. Il vit tout seul, et bien ! Il nous entraîne dans un pays imaginaire, où bien des esprits indiens doivent se retrouver, y compris dans cette relation très particulière à la nature.
Loin d'un ouvrage immense, voilà une longue nouvelle rafraîchissante et profondément humaine peut être notamment du fait des étranges animaux dont ces pages nous font croiser le chemin.