La comparaison sera faite une fois et une autre entre le monde de la musique et l'industrie du livre électronique depuis que le Kindle fut sacré iPod des livres, et chacun a regardé vers les modèles économiques établis pour comprendre les dégâts causés par les supports numériques. Et aujourd'hui, on met des DRM sur des ebooks, redoutant que la piraterie ne cingle le monde du livre. Mais la guerre de Troie n'aura pas lieu.
Le téléchargement de musique, dans des offres dites légales, n'est venu à l'esprit des majors dans un éclair génial de lucidité, ni même à cause de l'écosystème iTunes bâti par Apple. Non. C'est parce que les usagers avaient la possibilité de pirater les contenus que l'industrie a dû réagir. Et l'industrie du livre est loin d'être confrontée à ce problème d'accès technologique simplifié aux ouvrages. Très loin...
Certes, on constatera d'autres problèmes : les gens ne lisent pas, les ventes baissent donc, les chaînes prolifèrent, les petits en pâtissent. Tout cela est bel et bon, enfin, non, mais tout cela est du moins. Sauf que les actuels lecteurs ne disposent pas de sources comme il s'en est développé - eMule, Napster, Kazaa et autres - pour simplifier l'obtention gratuite de fichiers. Aujourd'hui, si l'on veut partager un livre (ces réseaux s'appellent bien peer 2 peer, non ?), les fichiers manquent et l'on se contente de donner son livre papier à son voisin.
Le piratage ou la poule en premier ?
L'industrie du disque ou du film s'est en effet confrontée à un problème majeur : les gens pouvaient d'eux-mêmes créer des fichiers encodés à partir de leur source, les mettre en partage, et roule l'aventure. Pour ce qui est des livres, les moyens de pirater un document... feraient presque défaut, pour qui réfléchit réellement à la notion de piratage de livres. Tout le monde ne dispose pas chez lui de l'appareillage de Google ni de Gallica II pour ce faire. Alors qu'avec un ordinateur, on génère un fichier MP3 en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Ou tout juste.
Inquiétudes largement anticipées
Pour les éditeurs, publier un ebook représente encore un danger, que l'on croit contourner en le truffant de verrous électroniques. Lesquels seront brisés en moins de temps qu'il n'en faut pour créer un fichier MP3, d'ailleurs. Et si le piratage de CD est arrivé, c'est parce qu'il est devenu la conséquence de la numérisation du support, lui-même découlant de l'analogique. Sans CD, pas de pirates. Ou alors, avec des moyens vraiment artisanaux.
En fait, et conformément à la réflexion commune, également tenue par Paolo Coelho, on pourrait envisager que le moyen de parvenir à promouvoir l'ebook serait d'encourager le piratage. Parce qu'il forcera l'arrivée d'offres légales entre autres, et qu'il stimulera l'industrie. Laquelle aura pris soin d'anticiper la situation en ne se mettant pas dans une position où les fichiers vendus sont trop chers, par exemple.