Roland Kelts un conférencier américain sur les manga et auteur du livre Japanamerica : How japanese pop culture has invaded the U.S (que l'on pourrait traduire par Japanamerica : Comment la pop culture japonaise a envahit les Etats-Unis) est revenu sur les derniers événements qui ont secoué le monde du manga.
Selon lui : « Dans les annales du manga, un média qui a près de 60 ans,et un des principaux moteurs du poids lourd qu'est la pop culture japonaise, l'été 2010 a été révolutionnaire ». Et cela pour deux points principaux, la tentative de régulation de la pédopornographie et la lutte contre le piratage.
Face à des affaires de pédopornographie, le gouvernement métropolitain de Tokyo avait annoncé vouloir mettre sur pied une législation pour protéger les enfants de la violence et de la sexualité. Ainsi, un projet de loi prévoyait la disparition des jeunes dans les manga.
Seulement, des doutes sur les motivations politiques derrière cette loi et un texte dont le langage et les buts n'étaient pas clairs ont conduit à une mobilisation des mangaka. De grands maîtres comme Tetsuya Chiba (auteur entre autres d'Ashita no Joe), Fujiko Fujio A (ou Motoo Abiko de son vrai nom), Moto Hagio (qui a reçu récemment un Inkpot award à Comic Con) et Rumiko Takahashi (Maison Ikkoku, Mermaid Forest, Ranma 1/2...) ont donné une conférence de presse pour lancer une pétition contre cette loi.
Finalement, elle a été rejetée et tout le monde a respiré un grand coup même si des éditeurs, des artistes et des traducteurs ont affirmé officieusement à Kelts qu'il fallait faire quelque chose contre le nombre croissant de manga érotique et particulièrement ceux impliquant des personnages à l'apparence vraiment jeune. Le gouverneur de Tokyo, Shintaro Ishihara ne compte pas rester sur cette défaite et promet de mettre au point un nouveau projet de loi.
La crise du manga
Autre point, très important de ces derniers temps, la lutte contre les scantrad. Selon Kelts, les ventes de manga an Amérique du Nord ont chuté de 17 % entre 2007 et 2008 et de 20 % entre 2008 et 2009, pour un total de perte entre 2007 et 2009 d'un tiers.
En ce qui concerne le Japon, Yukari Shiina de l'agence World-Manga parle d'une perte totale sur les ventes de manga en 2009 de 6,6 % et de 9,4 % sur les ventes de magazine. Cela dit, on notera que les ventes de manga sur téléphones portables et d'animes (particulièrement en Blu-ray) ont augmenté au Japon.
Selon elle, la crise économique mondiale et la sursaturation du marché sont des facteurs importants de cette crise du manga mais elle n'oublie pas non plus le versant numérique et plus particulièrement les scantrads.
La lutte contre les scantrads
Elle affirme : « Je ne suis pas sûre de la part que cela prend dans la baisse des ventes, mais les scantrads sont un problème. Je n'accorde plus de crédit à l'argument des groupes de scantrads selon lequel ils font la promotion du manga en général. Cela pourrait être vrai avec quelques obscurs titres, mais ne peut pas l'être avec des hits comme Naruto ».
On l'a vu cette préoccupation a conduit à la création d'une coalition d'éditeurs japonais et américains. Ensemble, ils avaient averti les plus gros sites agrégateurs de scantrads que s'ils ne cessaient pas leur activité, ils devraient faire face à des poursuites. Trois des plus gros sites de scantrads, One Manga, MangaFox et MangaHelpers ont très vite répondu en fermant.
Ce combat sera-t-il suffisant pour que les ventes reprennent la pente ascendante ? Selon Kelts dans un marché qui se transforme très vite, il ne faudra pas évoluer progressivement mais faire des révolutions par salves.