Difficile de faire plus efficace que le premier tome de « Lucifer Sam » en matière de thriller satanique : deux pages suffisent à intriguer le lecteur, les suivantes le happent dans un tourbillon qui s'accélère puis le laisse, aux abois, à la fin du premier tome. L'éditeur en annonce trois. Il va falloir s'armer de patience pour tenir le coup après cette mise en bouche haletante.
Syd Frazier est fils d'une romancière à succès américaine, auteure d'une série de romans satanistes vendus à plusieurs millions d'exemplaires. Syd a tout juste dix-huit lorsque sa mère lui offre un voyage à Paris, clef en main. L'avion, la tour Eiffel... comme si cela ne suffisait pas, voilà que le gaillard rencontre à l'aéroport Sylvie, un top modèle qu'il connaît par le calendrier Pirelli et qui se révèle être fan... des romans sataniques de Liz Frazier. Elle prend carrément la liberté de venir s'asseoir à côté de Syd, dans l'avion qui les transporte vers la France. Trop beau pour être vrai ? Bien entendu, le rêve ne va pas tarder à se transformer en cauchemar.
Michelangelo La Neve a peaufiné un scénario diabolique, où les événements s'enchaînent implacablement et les horribles retournements de situation entraînent petit à petit son héros vers... l'enfer. L'auteur n'hésite pas à faire appel aux animaux pour appuyer sa cause. Les lecteurs se souviendront longtemps d'une meute de dobermans déchaînés, et bien plus encore des chats qui passent la porte de la cellule où le héros se retrouve enfermé.
Étonnamment, c'est à la fin de la lecture que j'ai découvert que l'album était traduit de l'italien. Je ne l'avais pas du tout pressenti au cours de la lecture. Bravo à Hélène Dauniol-Remaud, la traductrice, qui a accompli un travail remarquable. Le texte français est d'un naturel parfait.
Au dessin, Marco Nizzoli a choisi une représentation très réaliste et glacée, qui tranche avec la fièvre de l'histoire. Les personnages semblent un peu raides, parfois trop figés ou impassibles. Il parvient pourtant à se déchaîner dans quelques scènes d'action.
C'est la colorisation de l'album – signée par le custom Art Studio Chenxin – qui est la plus inégale. Certaines planches sont très réussies, brûlant d'une ardeur quasi maléfique, tandis que d'autres, trop ternes viennent alourdir le trait déjà raide de Nizzoli.
Ces petits défauts ne suffisent pas à entamer l'efficacité du récit : on reste scotché par la noirceur qui s'empare de l'histoire et par la machination redoutable dans laquelle le héros semble avoir mis le pied bien malgré lui... depuis très très longtemps. Vivement la parution du tome 2 pour qu'on entrouvre un peu plus les portes de l'enfer !