Quatre saisons. Florilège

Li Bai est un des grands poètes de la Chine ancienne. Dans le VIIIe siècle de la dynastie Tang, il vécut une vie de bohème, souvent arrosée d’alcool. Ses poèmes, entre rêve et le plus matériel, sont limpides comme l'eau d'un ruisseau de montagne au printemps. La nature et ses émotions s’entremêlent. Gallimard nous en propose un florilège : 

Ce soir je loge au temple du Sommet ; 

Je tends la main, les étoiles s’arrêtent.

À haute voix je n’ose point parler ;

Les gens du ciel, j’ai peur qu’ils s'inquiètent.

De la poésie ou des contes, des mythes et légendes, afin de mieux comprendre, qui est la Chine. 

Sa sagesse n'est pas axée sur l'idée de vérité absolue, comme c'est souvent le cas dans la pensée occidentale. Elle valorise l'harmonie, l'équilibre et l'adaptabilité, suggérant que la réalité est en constante évolution et que nous devrions nous efforcer de naviguer dans cette réalité changeante de manière souple et respectueuse.

Un prince vit paisiblement dans son petit royaume avec son chien noir et son char qui lui permet de transporter n'importe quoi n'importe où. Il s'occupe de ses arbres lorsqu'un grand oiseau tombe du ciel: quelqu'un lui a décoché une flèche! Et il faut absolument que le travail de l'oiseau soit effectué! C'est ainsi que le prince va remplacer le grand oiseau dans sa tâche: il va emporter le soleil dans sa tournée des douze étoiles. Sur chaque étoile, une aventure l'attend.

Légende coréenne, cette histoire est pleine de suspense et de rebondissements. Nous suivons avec attention ce jeune prince courageux et pouvons observer son parcours grâce aux grandes illustrations en pleine page de , inspirées des mandalas bouddhistes. Les douze étoiles, symboles des saisons, incitent au voyage et à la rêverie, et à la fin, une page explique quelles sont les coutumes rattachées à chaque époque de l'année. Le chariot des saisons propose un merveilleux voyage dans le temps et les lieux: embarquez-vous!

Un bel objet de collection pour le prince-roi, en même temps, des poètes, à l'échelle internationale et intemporelle, Arthur Rimbaud. Grand livre d’Une Saison en enfer pour les 150 ans de sa publication, avec des photographies, textes et dessins de sa plus grande fan, la légende du rock Patti Smith.

Elle a même intégralement élaboré cette édition collector, où elle juxtapose les poèmes d'Une saison en enfer à des épisodes de sa propre vie. 

«J'avais seize ans quand je me suis sentie attirée par lui pour la première fois, par l'image de son visage et par ses poèmes qui me déconcertaient et me séduisaient à la fois. Plongée dans leur charme enivrant, j'en ressortais tremblante, sans vraiment me souvenir de ce que je venais de lire. Pourtant, ses mots se gravaient dans mon cerveau, s’enroulaient comme un cordage sur le pont d'un navire fantôme naviguant dans une brume mortelle. Une saison en enfer a été pour moi une drogue de jeunesse, comme un concentré de haschisch, ou une bonne dose d’alcool. »

Long poème en prose, édifiant du poète maudit, Une saison en enfer est une plongée vertigineuse. Écrit en 1873 par un clochard de 19 ans en quête d'une rédemption, entre rêveries, souffrances et révoltes. Il quitte la plume pour toujours, rien à ajouter.

« Ma journée est faite; je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes poumons; les climats perdus me tanneront. »

« J'ai compris que j'avais eu tort de me vanter de cette infamie; que la liberté dans la douleur est la seule condition de vie pour l'homme supérieur. »

« J'ai seul la clef de cette parade sauvage. » « L'amour est à réinventer, on le sait. »

S'il y a bien un objet qui est passé entre toutes les mains, c'est le Bic à quatre couleurs. Vous voyez lequel ? Le modèle traditionnel qui permet l'écriture en vert, rouge, noir et bleu. Celui avec lequel vous avez joué pendant les interminables heures de cours. Celui avec lequel vous avez gribouillé dans les marges de vos feuilles. Celui dont le cliquetis répété irritait vos voisins de banc... Voilà qu'un tout jeune auteur de bande dessinée lui offre ses lettres de noblesse. Blaise Guinin déploie toutes les ressources graphiques offertes par cet outil dans son troisième album, Quatre couleurs graphiquement très réussi.

Au départ, une idée très bête : deux copains décident d'échanger leur identité pour être certains de réussir au moins un cours. Grégoire Legrand étudie l'histoire de l'art et déteste la géo ; Pierre Petit, son meilleur ami, étudie la géo et n'a aucune envie de suivre le cours d'histoire de l'art qui lui est imposé. Ils décident d'échanger leurs places respectives pendant toute l'année, le temps d'un seul cours, s'entend. Sauf qu'en cours il y a des filles, des profs, et que tout se complique un peu. Il y aura donc quatre filles, comme les quatre couleurs du Bic, et une morte, pour ne rien arranger. Ce qui devait n'être qu'une banale histoire de triche se transforme bien vite en love story et en enquête policière.

L'histoire se déroule alors chapitre par chapitre, entre les salles de cours, les terrasses de café, la piscine et la bibliothèque. À chaque fois, une couleur de base sert à lancer le narrateur, Grégoire Legrand, dans le récit de ses exploits de Don Juan pas toujours heureux en amour. Celle qui lui court après n'est pas celle qu'il veut, celle qui lui donne cours ne devrait pas être celle qui finit dans son lit, et ainsi de suite. On croit d'abord assister à un exercice formel un peu gratuit, mais c'est une fausse impression : l'histoire tient debout et le quiproquo finit par entraîner le récit dans des recoins plus tordus qu'on ne l'aurait imaginé dans les premières planches.

Un bouquin plein d'hommages

Blaise Guinin ne s'est pas contenté d'avoir une bonne idée, il parvient à l'exploiter au mieux. La pauvreté des moyens mis en œuvre (un bête Bic à quatre couleurs, vous l'avez compris, maintenant) est largement compensée par une virtuosité visuelle et de nombreux clins d'œil à l'histoire de l'art, depuis la Vénus de Boticelli jusqu'aux buveurs solitaires de Hopper, en passant par Picasso, Van Gogh ou encore Lautrec.

La colorisation et le trait sont entièrement réalisés avec les quatre stylos bille aux couleurs tranchées et pourtant le dessinateur parvient à jouer de la nuance, à trouver des envolées de mise en scène, une dynamique de plans et de perspectives qui rendent l'histoire à la fois ultra lisible et surprenante.

Retrouver un extrait de Quatre couleurs

Une fois de plus, les éditions Vraoum ont déniché un nouvel auteur qui vaut vraiment le coup. On avait parlé il y a quelque temps de Sylvain Mazas et de son premier album virtuose, le deuxième tome vient de sortir, il est beaucoup plus poussif et décevant, sans renouveler sa recette, il nous ressert les mêmes plats sans qu'on ne parvienne à sortir de l'impression de... réchauffé (« Ce livre devrait me permettre de résoudre le conflit au Proche-Orient, d'avoir mon diplôme et de trouver une femme », Vraoum, 2014, 12,20 EUR). Espérons que Guinin rebondira mieux pour son prochain projet, que j'ai déjà hâte de découvrir.

Aujourd'hui, j'inaugure une nouvelle catégorie de chroniques, parce qu'on parle pas que littérature mais aussi culture !

Hier, je suis sortie ! Dis comme ca, ca fait un peu exploit historique ! Mais ceux qui me connaissent savent que ça ne m’arrive pas souvent ! Mais rassurez-vous, quand je dis que je suis sortie je ne suis pas allée dans une boite ou boire des verres dans un bar branché ! Non je suis allée au pestacle ! Oui, je sais j’ai écrit pestacle au lieu de spectacle, mais on s’en fiche parce que vous avez très bien compris ce que je voulais dire !

Hier soir, c’était la soirée gratuite pour l’ouverture de la saison 2011-2012 à Château Rouge, la génialissime salle de spectacle de… Annemasse. Oui j’avoue, là ça casse tout… Mais en vrai c’est une salle vraiment bien car petite (1500 places max) avec une très bonne programmation.

Donc hier soir, pour la première fois de l’histoire de Château Rouge – ça fait plus impressionnant dit comme ca non ? - la soirée n’était pas consacrée uniquement à la musique !

Nous avons donc pu admirer un très bon extrait d’une pièce de théâtre, un spectacle de danse où je n’ai rien compris et un super concert !

En premier lieu, un extrait de la pièce « Les Chevaliers » montée et jouée par la compagnie Nöjd. Normalement, il s’agit d’un texte joué par quatre personnages principaux, les chevaliers. Ils sont accompagnés sur scène par d’autres personnages secondaires. Hier soir, nous avons assisté à une version toute particulière de cette pièce. Guillaume Baillart, auteur et metteur en scène de cette pièce était assis à une table et nous faisait une lecture très expressive. Afin que le public puisse bien suivre les changements de personnages, le lecteur levait une main à chaque changement, et finalement, on imaginait des chevaliers à la place des mains. En tout cas moi, je visualisais très bienla scène, comme si elle était joué devant moi ! Le texte est vraiment très drôle, « un grand moment de jubilation comique » (description de la brochure de présentation), ou l’absurde et le grotesque se mélange au comique ou à la philosophie. Pour vous donner une idée, les chevaliers, souhaitant contacter Dieu, lui écrivent une lettre, où chaque mot écrit par le rédacteur de la lettre est soumis à un débat complètement loufoque ! Finalement, la lettre est rédigée mais en guise de pigeon voyageur, les chevaliers n’ont qu’un poulet mort. Qu’importe, Dieu est omnipotent et le contact est établit !

Ensuite, nous avons assisté à un extrait du spectacle de danse de la Compagnie Malka. Je ne vais pas m’éterniser sur la danse. Malgré l’explication de la brochure (une jeune femme perdue après la mort de son père), j’ai compris à peine un tiers de ce que j’ai vu. C’est pas pour rien qu’on n’a pas choisi de danse dans la programmation de l’année !

Passons maintenant à la musique. Tout comme les autres représentations, il devait s’agit d’un extrait de 20 minutes de la prochaine tournée de … Debout sur le Zinc. Leur nouvel album La fuite en avant sort le 3 octobre et leur tournée commence dans la foulée. Du coup, ils viennent de passer une semaine en résidence à Château Rouge pour leurs dernières répétitions. Nous avons donc servi de cobaye à cette nouvelle tournée. Et les bons cobayes font des expérimentations pendant plus de temps. Les 7 chanteurs et instrumentistes (accordéon, clarinette, trompette, violon, contrebasse, basse, guitare) nous ont donc offert la totalité d’un concert ! Eux ont trouvé qu’ils avaient encore beaucoup de travail, moi je n’ai pas vu énormément de défaut ! Il faut dire que cela fait 15 ans que les 7 copains de lycée et fac roulent leur bosse sur les routes de France et de Navarre, alors quand un truc ne va pas, ils savent le gérer sans que le public (non connaisseur) ne voit rien.

Si vous ne connaissez pas debout sur le zinc, un petit tour par là http://www.deezer.com/fr/music/debout-sur-le-zinc devrait vous convaincre ! Personnellement je connais de réputation et de nom mais je n’avais jamais vraiment écouté ! Et je n’ai pas été déçue ! Seul petit bémol, j’ai parfois trouvé la musique un peu trop forte et comme je ne connaissais aucune chanson, j’ai eu du mal à comprendre toutes les subtilités des paroles ! Je rattrape ça en écoutant les albums !

Tout cela n’augure que du bon pour la suite de la saison ! Je vous ferais partager mes avis sur les différents concerts et pièce de théâtre que nous iront voir tout au long de la saison ! Et le programme est chargé avec 16 spectacles réservés et des noms qui donnent envie : Yaël Naïm, Aldebert, Sanseverino, Christophe Alévêque, l’Ecole des femmes, du cirque et plein d’autres choses !

« Toi, tu creuses… » Le monde n’a guère changé depuis le film de Sergio Leone : ceux qui ont une mine et ceux qui y travaillent. Et creusent, donc.

L’auteur de thriller JR Ellory a jeté son dévolu sur le nord-est du Canada, au sein d’une communauté minière isolée. Ici, les secrets meurent avec ceux que la mine engloutit.

Jack Devereaux a fui sa ville natale, avec l’espoir de ne plus jamais y revenir. Mais le coup de fil d’un étranger l’en conjure : Jasperville l’attend. Mais ce bled porte la marque de la mort. Celle de son frère Calvis, laissé pour mort par un homme, voilà vingt ans. Celles des filles disparues, sans que l’on ne sache jamais pourquoi.

Or, sur la glace, le sang laisse toujours des traces… Et le froid emporte les secrets, jusqu’au redoux…

« On aime à dire des saisons de l’Archimonde qu’elles sont comme les différentes phases d’une seule respiration. Je préfère, pour ma part, les regarder comme une danse, comme un déroulé de geste répétitifs mais chaque fois dissemblables. Des petits pas dans un sens, des petits pas dans l’autre, nous toutes emportées dans les vastes bras du temps. »

La porte est ouverte : L’Archimonde, univers qui accueille des peuples magiques, des animaux doués de parole, des êtres malicieux, des enfants pleins de courage, des créatures effrayantes ou attendrissantes…

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Notre aventure débute avec Patito, jeune naufrageur de Grouille : amateur de farces et d’histoires drôles, bagarreur sans peur (quoique), encore doté de l’innocence de son âge. Débarque Syzygie, une géante cabatique ; bien que son apparence peut d’abord faire peur, sa personnalité vient adoucir le tableau – si bien qu’on oublie vite ses grosses paluches et ses dents pointues. Autre détail : sa voix d’or… Une voix dite magique, qui attire l’attention d’individus mal intentionnés.

Premier tome d’une série de dix. Oui, DIX.

Mille saisons s’annonce comme une belle épopée haute en couleurs, avec des personnages attachants et la plume de Léo Henry, toujours aussi intelligente et délicieuse.

Quand Lewis Trondheim fournit un scénario à Ville Ranta pour (Dargaud) il y a quelques années, cela donne un joli coup de pouce en termes de notoriété à un artiste peu connu en dehors de son pays, et accessoirement rapporte des sous à ce jeune dessinateur finlandais, car les grands éditeurs ont les moyens de payer correctement les auteurs ! 

chronique BD avec BDfugue

Mais ce n'est qu'une expérience, l'occasion pour Ranta de travailler dans un format de quarante-huit planches, traditionnel dans la bande dessinée française. Ville Ranta, par goût personnel et fort de ses études de lettres, préfère écrire en même temps que dessiner ses histoires. 

Lorsqu'il fait paraître L'exilé du Kalevala (ça et là), mon œil s'allume : grand amoureux de la musique de Sibelius, qui puise à intervalles réguliers dans l'épopée nationale finlandaise du Kalevala, je m'attends à lire une scrupuleuse biographie d'Elias Lönnrot. C'est ce médecin lettré qui est à l'origine du recueil de poèmes chantés retraçant les aventures de Lemminkäinen, Pohjola et bien d'autres. 

Mais au-delà de ce personnage historique, parcourant la campagne pour noter les chants et poèmes que se transmettent par tradition orale les paysans, Ranta nous montre comment un petit intellectuel de province s'efforce de préserver sa liberté de conscience malgré les pesanteurs sociales.

Le poids des interdits dans cette société luthérienne, le feu des sentiments couvant sous la glace, on les retrouve dans Sept saisons (ça et là) qui nous arrive aujourd'hui. Dans ce beau et long roman graphique, nous ne sommes plus à Kajaani, la petite bourgade située à l'intérieur des terres, où se déroule l'histoire de L'exilé du Kalevala, mais à Oulu, sur les rivages de la mer baltique. En 1840, c'est une ville qui s'enrichit en exportant le goudron de bois pour les chantiers navals d'Europe. 

A cette époque, le mouvement politique et culturel qui vise à obtenir l'indépendance de la Finlande se développe, et les deux principaux personnages de Sept saisons sont à l'unisson de cette volonté d'émancipation. Le premier, Hans Nyman est veuf depuis peu, avec deux filles en bas âge dont il lui faut s'occuper. C'est un enseignant apprécié, et un apprenti journaliste qui peine à se faire publier : il n'y a guère d'argent pour un journal ouvert aux idées progressistes.

Ambitionnant d'être désigné comme pasteur dans sa petite ville, il doit être inattaquable sur le plan de la moralité, mais la frustration sexuelle provoque chez lui des hallucinations ! N'en pouvant plus, il tombe dans les bras de sa servante, qui ne demande pas mieux que de le consoler. Une situation difficile à gérer, alors que les commérages vont bon train...

Sept saisons

sur BDfugue.com

Le second personnage est une femme, Maria Piponius, qui revient d'un voyage de trois ans autour du monde en compagnie de sa sœur.

C'est une piétiste, comme un certain nombre d'habitants d'Oulu, mais son attitude extravertie et même provocante semble en contradiction avec la pruderie rétrograde que l'on cultive dans ce petit cercle religieux. 

Et elle semble aguicher Hans Nyman, qui n'est certes pas insensible à ses charmes... 

Entre les débats intellectuels et les pulsions sensuelles qui agitent les nombreux protagonistes, le récit avance vers un dénouement à la fois dramatique et porteur d'espoir pour l'avenir.

Sept saisons conjugue une belle profondeur dans les sentiments évoqués, et une grande intensité dans les scènes d'amour physique. Les dialogues sonnent très justes, et si le dessin fait souvent penser à celui de Joann Sfar, toujours lisible et délicatement mis en couleurs !!!