Coralie Trinh Thi, pornostar… c’est la première image qui m’est venue à l’esprit en recevant et découvrant ce livre. Comme tout le monde, je me pose des questions sur le milieu, je lis le teasing du dos du livre… une biographie qui plus est. Incroyable! Cette jeune femme n’a pas encore vécu la moitié de sa vie qu’elle se complaît à la raconter en 800 pages. Il semble que ce soit l’ambition de tous aujourd’hui: télé-réalité, sportifs de haut niveau, pornostars, tous se racontent et vendent leur histoire.
Finalement, je revois très vite mon jugement et me rends compte que nous sommes tous imprégnés des normes sociétales… d’accord, Coralie a fait du porno et alors, elle l’a fait pour elle sans contrainte ni violence. Passons. Autant l’avouer tout de suite, j’ai aimé ce livre. Il est incroyable de vérités sur tout ce petit monde qui nous entoure, les relations que chacun entretient avec l’autre, etc.…
Coralie a une façon bien à elle d’analyser son rapport à l’image. Elle touche d’ailleurs un point fondamental récurrent aujourd’hui: comment concilier l’image que l’on donne et la propre perception de soi-même. Son humeur, son caractère, ses coups de gueule se ressentent dans son écriture. Un jour, par exemple, elle rencontre un de ses fans et se rend compte que « ses oeuvres pornographiques » entraînent une certaine idolâtrie… voire peut-être de l’obsession.
L’image qu’elle véhicule, le fait de prendre un certain plaisir devant la caméra fait justement que ce qu’elle affiche est remanié et approprié par son public, quitte à être déformé. Elle ne s’en rend que trop compte. Le don par l’image, c’est ce qu’elle offre. Mais elle ne sait pas recevoir, c’est bien là le problème. Ce qui à mon sens l’empêche de s’accomplir personnellement, de se réaliser... en dehors ce qu’elle a choisi de faire dans ce milieu. Tout ça se répercute forcément, d’une manière ou d’une autre, dans son quotidien.
On apprend aussi qu’à force de donner, à travers son image, l’argent, une certaine notoriété, pour ses proches n’est pas non plus la solution. Non pas qu’elle cherche à “acheter” ses amis, bien au contraire, on y retrouve une certaine notion du “faire plaisir”. Sauf que plus on donne, plus les personnes réclament … comme un dû.
Autre cas intéressant: la controverse du film Baise moi sorti en 2001. Qu’on y adhère ou pas, le fait est que l’on ne peut interdire toute forme d’expression. En lisant le livre, j’ai pensé d’une certaine façon au film de Milos Forman, Larry Flint, c’est exactement la même idée. À partir du moment où nous vivons dans un État qui repose sur la liberté d’expression, toute forme d’art peut et doit être exprimée fut-elle extrême. Après, chacun est libre de son choix, regarder cette oeuvre ou non, l’ignorer, en parler ou la critiquer. Là réside la liberté de tout un chacun. Mais en aucun cas, il ne serait concevable de l’interdire, car là nous toucherions aux bases qui font de notre société une démocratie. Mais laissons là cette parenthèse.
Coralie écrit intelligemment les épisodes de sa vie. C’est là que je revise mon jugement du début: un livre ne suffirait pas à restituer une vie. Ponctuée par les arcanes du tarot, l’histoire de Coralie met en exergue ses peurs, ses questionnements, mais aussi ses colères. Parfois, elle va très loin, rejetant les personnes qui l’entourent, d’autres qui la critiquent. Alors, elle se sent incomprise… elle oublie que chacun est libre de ses opinions comme évoqué plus haut. Depuis quand faut-il émettre des jugements contre ceux justement qui vous jugent ? C’est là le point dommageable du livre plus quelques longueurs et répétitions ainsi qu’un certain complexe qui se traduit parfois par une description bête et naïve d’elle-même.
Pourtant, c’est un livre qui se lit aisément, très bien écrit dans son genre et qui donne vraiment envie de découvrir et de pénétrer les pensées de Coralie.