, héros éternel qui inspire quantité d'artistes. Tellement présent dans notre société qu'il est à la fois l'histoire que tout le monde connaît, celle que à créé en 1911, mais également un mythe, celui du temps qui passe et plus grave, un syndrome, l'angoisse de certains à l'idée de devenir adulte et le désir même de rester un enfant.
Peter Pan a été adapté une multitude de fois sur le petit et le grand écran et le 21 octobre prochain nous aurons droit à une énième version du garçon qui ne voulait pas grandir.
En librairie, c'est approximativement entre trois et quatre versions qui paraissent chaque année. Prochainement, certainement sur la lancée du film, deux albums sortiront chez deux grands éditeurs différents, le premier en septembre, c'est Régis Lejonc qui illustra le conte pour les éditions Gautier-Languereau.
Le second, pour Milan Jeunesse, c'est Alexandra Huard qui fera paraître, en octobre, sa version. L'illustratrice confiait il y a quelques mois au blog La mare aux mots sa fascination pour cette mythique histoire : « J'ai réalisé que cette histoire réunissait tout ce que j'avais le plus envie de dessiner : un Londres nocturne, des jeux de lumières avec Peter qui vient chercher son ombre perdue, une île exotique, une forêt dense, des enfants libres et sauvages, les Indiens, les pirates et leur beau bateau… Je voulais absolument illustrer ce texte. »
Maintenant, on peut se demander pourquoi Peter Pan (tout comme Alice au pays des merveilles d'ailleurs) est l'objet régulier de recherches, d'analyse et d'adaptations en tous genres. Nous avons demandé à Geneviève Djénati, psychologue clinicienne et psychothérapeute de nous apporter quelques éléments de réponse :
Peter Pan, comme Alice au pays des merveilles, et comme les contes de Grimm et de Perrault, permet une infinité d'interprétations concernant le personnage et son rapport au monde. Peter est un sujet philosophique qui fait fi des frontières et du temps. Tout comme Peter lui-même qui ne connaît pas de limites : il vole et se moque des obstacles et il maîtrise le temps en refusant de grandir et en oubliant ceux qui acceptent ce temps humain comme Wendy.
Il décide de ses ennemis (ceux qui ne se soumettent pas à sa tyrannie) et en a même besoin pour vérifier son « éternelle » toute-puissance. Tout cela se passant dans un monde imaginaire, il est toujours le maître du jeu comme l'enfant qui se prend pour un héros.
Toute cette stratégie est révélatrice du danger qui guette Peter : celui de perdre ce pouvoir qu'il s'est attribué lui-même et qu'il doit cruellement exercer, sans scrupules et sans attachements, comme un Attila des airs, dans un espace sans fin, qui a besoin de croire qu'il peut anéantir ceux qui ne se soumettent pas.
La mort rôde dans tout le roman en même temps qu'elle est déniée. Elle est bonne pour les autres, ceux qui ont peur (comme le capitaine Crochet ou les enfants perdus) qui sont soumis à l'irrémédiable temporalité qui mettra fin à la vie, symbolisée par le tictac du réveil avalé en même temps que la main de crochet par le crocodile qui escorte le navire et scande le compte à rebours.
Le roman semble dire, entre autres : continuez à fonctionner comme un enfant indifférent à la réalité des autres et vivez dans un présent éphémère, sans liens, qui satisfait vos désirs propres sans concession, sans culpabilité.
L'Amérique qui donne souvent le ton au mode de vie occidental se passionne régulièrement pour Peter Pan, qui doit sa naissance (en 1902 puis en 1911) de mon point de vue à la quête d'un monde idéal au sortir d‘une époque victorienne rigide et surmoïque.
La nostalgie de l'époque des pionniers larguant les amarres et quittant une Europe en détresse, réapparaîtrait-elle au moindre signe de crise ? Suffirait-il d'ériger une nouvelle statue de Peter Pan pour redonner du rêve et du pouvoir à un état qui s'affaiblit ou est-ce simplement le signal d'un danger dans l'inconscient collectif ? Comme dans le roman, chacun y prendra ce qu'il souhaite y trouver, et c'est le principal.
Ce n'est donc certainement pas les dernières versions de Peter Pan que nous verrons ou lirons. Rendez-vous donc le 21 octobre au cinéma pour découvrir sur les écrans Pan avec Hugh Jackman dans le rôle de… Barbe Noire (sic !) et le jeune Levi Miller dans celui de Peter Pan.
Geneviève Djénati est l'auteur de :
- Attends, dépêche-toi - Le temps des parents, le temps des enfants. Éd. L'Archipel
- Et coauteur de : 15 histoires qui font peur pour ne plus avoir peur. Éd. Auzou (parution le 10 septembre 2015)
Élément de la structure psychique qui joue, à l'égard du moi, le rôle de modèle idéal, de juge, de censeur en opposition aux désirs, aux pulsions, et qui se développe dès la petite enfance par identification avec l'imago parentale. http://cnrtl.fr/definition/surmoïque