L'apparition d'internet a modifié grandement la donne dans la littérature et dans le rapport des auteurs à l'écriture. Quatre personnages des lettres étaient venus en témoigner, en la personne de Laurent Terry, Xavier Malbreil, Henry Loevenbruck et... William Gibson. Si on ne présentera plus le maître du cyberpunk, les trois autres n'en ont pas moins eu leur mot à dire.
Coutumier de l'introduction d'élément high tec dans ses livres, Henry présentait justement Le Rasoir D'ockham, qu'il a voulu « débarrassé de tout élément technologique, ce qui représentait un défi pour un thriller. Aujourd'hui, dans n'importe quel livre écrit voilà une vingtaine d'années, le moindre téléphone portable foutrait en l'air toute l'intrigue. L'introduction de la high tec dans la littérature a complètement changé la donne, c'est évident, et particulièrement dans le domaine du thriller. »
Pour Xavier, qui travaille bien plus dans la recherche de forme et de style, alternant entre la mise en ligne et l'édition papier, ce qui prime « c'est l'émotion qui se dégage d'un texte. Le support [m'] importe peu en fait. » D'ailleurs, tout ne mérite pas d'être publié sur papier selon lui, même si certains sites offrent des éléments très intéressants. Et Gibson de préciser que « les arbres ne méritent en effet pas de mourir pour la publication de certains livres... »
Du blog numérique au livre papier
Quant à Laurent, qui présentait Manipulé, son cas est « à part ». Il a été hier récompensé par le prix des blogauteurs, faisant de son livre une véritable création évoluant au fil des commentaires, tant des lecteurs que de Plon qui est devenu son éditeur. « Sur mon blog, je discutais sans cesse avec d'autres internautes qui partageaient mon espace de création et m'épaulaient de leurs conseils. » Un élément primordial pour Henry également : « L'internet n'est pas ce que ces sociologues décrépis ont décrit, comme un espace d'isolement. Au contraire, les gens se rencontrent sur internet et franchissent ensuite le pas dans la vie réelle. Internet est devenu un élément d'échange et de rupture dans la solitude, qui permet de prendre contact avec les autres. »
Pour M. Gibson, qui vécut dans un village minuscule du sud des États-Unis, et qui aurait adoré qu'internet et les blogs existassent à cette époque de sa vie, la relation au net est privilégiée. « Quand un de mes livres sort, je tape sur Google pour voir les réactions des internautes. Elles sont bonnes ou mauvaises, mais elles sont là. Et ce retour est passionnant, rendant compte de la diversité des lectures possibles d'un livre. » Lui qui croyait auparavant à la mystique de l'auteur seul chez lui, qui n'a de contact qu'avec son éditeur, il est entré de plain-pied dans le monde du net. « Mais je ne voulais pas avoir internet chez moi, tant que les enfants et les chiens ne pourraient pas envoyer d'email. » Presque un pied de nez, pour celui qui a quasiment conçu la toile et le réseau dans ses livres...
L'appui et le soutien des lecteurs sur la toile
« C'est exactement ça, appuie Laurent. Les lecteurs témoignent et sont même intervenus dans le processus de création pour mon livre. On est demandeur de ce genre de comportement. » Et Henry de renchérir : « On en devient presque le lecteur de ses lecteurs, quand on scrute leurs commentaires, leurs avis, leurs impressions. Cela fait partie de notre vie, désormais. »
Mais alors, le piratage de livres ? « Cela ne touche pas encore trop profondément la vie éditoriale dans l'industrie du livre, intervient Gibson. Mais le piratage est en quelque sorte un impôt sur la célébrité. Les éditeurs vont devoir de toute façon trouver de nouveaux modèles économiques pour continuer. » Pour Henry, « dans tous les cas, oui, c'est certain, le net et la high tec ont changé la vie, tant dans nos créations que dans notre rapport au public et aux lecteurs. Et c'est réellement ce qui compte le plus : les lecteurs et ce qu'ils nous renvoient. »
Longue vie à la communication, tous supports confondus, donc...