Parlez avec un éditeur du marché des cessions de droit, et la Foire du Livre de Francfort sera vite citée dans la conversation : le salon international, le plus important du monde, reste un rendez-vous incontournable pour se faire connaître au sein de la profession. Plongée dans la journée d'une éditrice à Francfort avec Adeline Leroy, fondatrice de la maison Nisha Éditions, spécialisée dans la romance et l'érotique.
Sur le stand collectif du Bureau International de l'Édition Française, à Francfort
(photo d'illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Baskets au pied pour plus d'agilité, nous mettons le point final à l'espace qui nous a été alloué sur le grand stand collectif du BIEF, le Bureau International de l'Édition Française. Avec l'aide de la région Limousin, la place ne nous a pratiquement rien coûté, d'autant plus que le Centre régional du livre en Limousin prend en charge 80 % des frais de déplacement et d'hébergement. « Nous », c'est mon équipe et moi, un trio prêt à conquérir la Foire !
8h38 :
Dernières vérifications avant le coup de feu : nous avons réalisé une sélection assez large d'ouvrages à emporter avec nous, soit une dizaine de titres au sein d'un catalogue qui en compte une trentaine. Nous avons sélectionné des titres très différents, car les habitudes de lecture changent énormément d'un pays à l'autre : le BIEF a acheminé une bonne partie de nos ouvrages, mais quelques autres exemplaires et pas mal de catalogues prennent de la place dans nos valises !
9h01 :
C'est parti ! Le planning des rendez-vous du mercredi matin est déjà fixé depuis belle lurette et je commence sur les chapeaux de roues en évoquant les différents livres. Mon objectif : présenter les points forts de chaque texte et m'assurer que l'intention de l'auteur est comprise.
9h25 :
Le premier rendez-vous est terminé, mon interlocuteur est reparti avec un ouvrage et un catalogue. Les ventes ne se réalisent pas immédiatement, bien sûr, mais le contact de visu est primordial pour bien défendre un texte. Et puis, si mon interlocuteur en manifeste l'envie, cela permet également de lui parler d'autres textes que je n'ai pas forcément avec moi, mais qui sont susceptibles de l'intéresser.
10h30 :
La surprise, c'est qu'un titre que nous n'avons pas encore publié, et pour lequel nous avons seulement bouclé l'édito avant la Foire, semble intéresser pratiquement tous nos interlocuteurs. Pour tout dire, nous avions un peu prévu le coup en l'emportant avec nous : le flair de l'éditeur a fonctionné ! Dès notre retour, nous passerons aux corrections et à la traduction de passages pour concrétiser ce premier contact.
11h06 :
La pile de catalogues a déjà bien diminué... Tandis que les contacts s'accumulent, c'est bon signe ! Nous avons envoyé un milliard de mails en amont de la Foire, dès le mois de mai, et il faudra en envoyer presque autant dès la semaine prochaine pour poursuivre le dialogue avec les éditeurs rencontrés.
12h30 :
C'est mon petit creux de la journée : c'est la première Foire de Francfort de Nisha Éditions, et il faut bien avouer que les éditeurs avec lesquels je n'ai pas rendez-vous ne s'arrêtent pas forcément à ma table. Pas de problème, j'en profite pour faire un tour et observer ce qu'il se fait dans le monde sur le marché qui m'intéresse. Tiens, tiens, cet éditeur espagnol a publié cette auteure italienne... Intrigant... Inutile de dire que je prends des notes !
13h35 :
Et soudain... On réalise que nous n’avons rien mangé depuis ce matin ! Alors, pour ne pas perdre de temps, on se contentera du « fameux » hot dog à 3 €, bien connu des habitués de la Foire... Typique !
14h :
Je reprends le fil des rendez-vous, agréablement surprise par l'intérêt que manifestent les interlocuteurs pour Nisha, pour les textes et les auteurs que la maison publient. Même de gros éditeurs, comme celui qui est venu nous rendre visite, écoutent attentivement mes présentations. Certains demandent les couvertures des ouvrages, tandis que tous repartent avec les indispensables extraits des oeuvres traduits en anglais.
14h15 :
Je remercie intérieurement mon développeur pour avoir bossé comme un fou sur l'application que nous préparons pour la fin de l'année. Je peux ainsi la présenter à mes interlocuteurs, ce qui leur permet de se faire une idée plus précise de la capacité d'innovation de Nisha, et de son dynamisme ! Les rendez-vous durent entre 5 et 30 minutes, avec parfois le regret de ne pas avoir plus de temps devant nous pour poursuivre des discussions passionnantes.
14h32 :
Et un nouveau rendez-vous ! Celui-ci s'est fait de manière plus fortuite, alors que j'avais surpris une conversation sur la romance. L'air de rien, j'ai invité la personne à m'accorder quelques minutes. C'est aussi ça la vente de droits, saisir des occasions et peut-être créer des opportunités !
15h :
Pas très loin de ma table, il y a celle de Cristina, agent littéraire de l'agence CGR, qui a accepté de représenter notre catalogue avec ceux d'autres éditeurs : elle enchaîne les rendez-vous sans reprendre son souffle, mais arrive encore à me faire un débrief régulier du déroulé des ventes !
15h30 :
Je profite de quelques minutes pour envoyer une maquette à terminer : c'est que la vie de la maison d'édition ne s'arrête pas lorsque l'on est à Francfort !
16h09 :
Je félicite mon équipe pour avoir réalisé un bon travail de repérage en amont de la Foire : nous avons épluché le relevé des éditeurs du BIEF pour relever ceux qui publiaient des ouvrages proches de notre catalogue. Et, bien sûr, qui étaient susceptibles d'être intéressées par des traductions. Un travail long et fastidieux, mais qui rend les rendez-vous bien plus productifs !
16h44 :
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, on croise rarement les responsables de droits sur les stands des éditeurs à Francfort, tant leur emploi du temps est chargé. Ce n'est donc pas forcément le meilleur endroit pour les rencontrer : malgré tout, je parviens à discuter 5 minutes avec une consoeur éditrice allemande. Ces discussions interprofessionnelles et internationales sont toujours enrichissantes !
17h38 :
Pour une première à la Foire, le bilan est plus que positif, et je suis très fière d'avoir défendu mes auteur.e.s. Je n'avais pas d'objectif particulier en partant, mais, même si aucune vente n'aboutit dans les prochains mois, les contacts pris avec les différents éditeurs sont déjà satisfaisants.
18h01 :
La journée fut très intense, mais elle s'arrête aussi brusquement qu'elle avait commencé. 18 heures, c'est sacré à Francfort, et les bouteilles se libèrent de leurs bouchons. Personnellement, je me dirige vers un hôtel à proximité de la Foire pour une réception organisée par Editis, pour retrouver mon distributeur et diffuseur Interforum, avec lequel je travaille depuis peu, mais qui a changé la vie de ma maison d'édition. Je crois que je suis amoureuse...
20h23 :
Honnêtement, nous n'avons pas beaucoup mangé, mais mon équipe et moi sommes ravies de la soirée, qui permet de faire des rencontres informelles dans un cadre qui change du quotidien. C'est aussi l'occasion de rencontrer en vis-à-vis des personnes avec lesquelles nous échangeons régulièrement par mail !
22h46 :
Nous avons fait la fermeture...
1h15 :
... avant de nous perdre dans Francfort ! Nous rentrons fatiguées mais comblées de notre périple, avec l'envie d'être demain, déjà !