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Arnaud Bouaniche

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Bergson

S'il n'y avait qu'une seule chose à dire de Bergson, ce serait celle-ci : l'expérience du temps, qu'il appelle la "durée", est le coeur de toute son oeuvre, ce dont il est parti, ce à quoi il est inlassablement revenu et qu'il invitait à toujours retrouver sous peine de manquer l'essentiel de sa pensée comme de notre vie. Mais de cette intuition centrale du philosophe on a fini par faire une antienne, et presque une banalité, en oubliant qu'elle fut, d'un bout à l'autre de son parcours, une source d'étonnement continue. Car ce fut par hasard, et à la faveur d'un véritable choc, que Bergson découvrit la durée. Ce fut aussi sans l'avoir voulu, et même à contrecoeur, que, d'abord séduit par le mécanisme, il se trouva contraint de reconnaître la contingence et l'imprévisible impliqués dans la compréhension rigoureuse du temps. Et ce fut encore sans s'y attendre, sous le coup d'une surprise, qu'en 1907, dans L'Evolution créatrice, à l'occasion d'une critique de la biologie de son époque, Bergson vit surgir la nouveauté comme cet aspect ultime de la durée qui enflamma littéralement les enjeux critiques et métaphysiques de sa pensée. Philosopher "en durée", ce fut toujours pour lui avancer de manière expérimentale, en se mettant à l'écoute du réel, sans jamais rien considérer comme acquis. Aimer Bergson, ce serait aller en le lisant, comme il a pensé, de surprise en surprise.

03/2022

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Philosophie N° 150, juin 2021

La conférence d'Emil Lask "Hegel dans son rapport à la conception du monde des Lumières", traduire et présentée par Emmanuel Chaput, clarifie le rapport ambivalent que Hegel entretint avec les Lumières. Pour Lask, l'idéalisme allemand (dont Hegel fait aussi partie) est l'héritier des Lumières, pour lesquelles la réalité donnée doit être subordonnée à une valeur rationnelle absolue, mais à la différence de Kant et Fichte, Hegel refuse de penser cette valeur comme un simple devoir-être (Sollen) ou un idéal asymptotique. Lask dépeint ainsi Hegel comme un penseur non pas de la Restauration, mais de la valeur contre la simple norme ou le simple devoir-être. En faisant des monades les particuliers de base de son système, Leibniz propose une métaphysique concurrente, rivale de celle défendue par Strawson dans Individuals. Dans "P. F. Strawson et la critique des monades , Paul Rateau montre que les critiques soulevées par Strawson reposent sur deux interprétations contestables : l'assimilation de la notion complète de la substance individuelle à une description exhaustive en termes généraux, et la réduction de la monade à la conscience pure. B répond aussi au reproche qu'il adresse à Leibniz d'introduire des considérations extra-logiques dans son traitement de la question de l'individuation. Dans "Bergson et le schématisme cinématographique de l'intelligence", Arnaud Bouaniche élucide le rôle du cinéma dans le quatrième chapitre de L'Evolution créatrice de Bergson, à la lumière d'un rapprochement précis avec la doctrine kantienne du schématisme des concepts purs de l'entendement. Il dégage la thèse selon laquelle le cinéma n'est pas seulement pour Bergson une machine à produire de l'illusion (l'illusion du mouvement) mais cet "art caché", désormais rendu visible, qui commande notre connaissance spontanée du réel. Dans "Levinas : la sensibilité ou la vie de la raison", Paula Lorelle éclaire l'ambition lévinassienne d'un élargissement de la rationalité. Sous les termes de raison et de rationalité, il est aussi bien question d'une raison suspecte qui ne survit qu'en ant l'altérité, que d'une raison nouvelle qui s'ouvre en son épreuve. B s'agit dans Autrement qu'être de comprendre cette autre rationalité comme une raison sensible, décrite en termes d'éveil dans Entre nous et De Dieu qui vient d l'idée ; l'équivocité du terme raison désigne les deux moments d'un seul et même procès d'endormissement et d'éveil de la raison. Dans "Texte de l'espace — espace du texte", Ai Maeda détermine l'expérience spatiale propre à la littérature à partir d'une analyse phénoménologique de l'acte de lecture, qu'il reformule ensuite selon les axiomes de la topologie, et il replace son analyse de l'espace vécu au sein de la représentation littéraire de la spatialité concrète qu'est l'espace urbain moderne. Ce faisant, sa démarche théorique se double d'une critique culturelle de la modernité japonaise. On peut ainsi lire la spatialité pensée par Maeda comme l'une des premières réponses, de la part de la pensée critique contemporaine japonaise, au basée de Kitarô Nishida et des philosophes de l'école de Kyôto. D. P.

06/2021

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