C’est la plus surprenante des réincarnations littéraires de ces dernières années. En 2005, Anne Rice, l’auteure internationalement reconnue de The Vampire Chronicles, a publié le premier opus de sa série sur la vie du Christ. À en juger par les volumes initiaux, Out of Egypt et The Road to Cana, son œuvre est à la fois un triomphe spirituel et imaginatif.
Nous avons tous lu des centaines de versions romancées de ce qu’Hollywood a un jour appelé « La plus grande histoire jamais contée », depuis le complexe remaniement littéraire et théologique des prix Nobel Nikos Kazantzakis (ah ! La Dernière tentation...) et José Saramago, aux restitutions pitoyables de la vie des saints par les éditeurs baptistes américains. En clair, Jesus est le personnage préféré des romanciers.
Le coup de maître d’Anne Rice est d’habiter la conscience du Christ grâce à une narration à la première personne. Dans Christ the Lord: Out of Egypt, elle nous détaille un Jésus de sept ans revenant sur la Terre promise après son exil à Alexandrie. Dans The Road to Cana, elle nous décrit le Yeshua de trente ans (il parle désormais l’araméen) vivant à Nazareth avec sa famille au sens large : parents, oncles, tantes, cousins et son demi-frère Jean.
Quelques mots sur l'histoire
Ce Jeshua cherche encore le chemin de la complète compréhension de sa divinité. Dans le premier roman, il apprenait l’histoire de la Nativité de la bouche de Joseph et Marie et découvrait les pouvoirs de la résurrection qui lui avait permis de ressusciter un garçon qu’il avait involontairement maudit et de permettre à un homme de retrouver la vue. Ici il commence son entreprise de guérison, renvoyant les esprits du mal loin de Marie-Madeleine qui, dans un percutant aperçu préévangélique, n’est pas cette catin décrite par la tradition de l’église mysogine, mais une riche veuve rendue folle par la mort de son mari et de ses fils.
Dans la suite du roman. Yeshua est baptisé par Jean-Baptiste, tenté par Satan et appelle ses premiers disciples ; tous ses épisodes sont tout simplement et fidèlement rendus par la prose claire d’Anne Rice. La propre imagination de Ms Rice de l’acceptation des souffrances de Jésus est d’autant plus percutante qu’il ne connaîtra jamais l’amour physique après le refus de la belle Avigail qui lui préfère son parent, Ruben. Leur mariage conséquent, auquel on assiste au premier miracle connu de Yeshua, changeant l’eau en vin, contribue à l’ambiance adéquate du livre.
Rice, dans toute sa splendeur
Les lecteurs des précédentes œuvres de Rice n’auront aucune surprise de la bonne compréhension de la période et de quelques passages de dialogues grinçants. Tout cela réussissant à créer un monde historique vibrant et convaincant. Ce qui est le plus remarquable est qu’elle le combine avec une compréhension du Christ très moderne.
Ce n’est pas par hasard si le roman s’ouvre sur une scène horrifiante où deux adolescents lapidés par les Nazaréens pour avoir supposément commis « une abomination » , et qu’il continue ensuite avec une fille enlevée, rejetée par son père, car supposée être « impure ». Le fait que de telles atteintes rappellent ce qui prévaut dans certaines parties du monde aujourd’hui est la preuve que le portrait imagé de Yeshua et du futur Jésus d’Anne Rice est aussi d’actualité qu’opportun.
NdCorrecteur : Il conviendrait de rendre Yeshua par Jesus en français, mais nous avons préféré conserver le nom du personnage ainsi qu'Anne le nomme.