Cinq mois de prison. Voilà la condamnation du Tribunal d'Istanbul contre Ragip Zarakolu, éditeur, qui a été reconnu coupable d'« insultes aux institutions de la République turque », le 17 juin dernier. En se basant sur l'article 301 du Code pénal, pourtant contesté par l'Europe et remis en question en ce qu'il oppresse la liberté d'expression, l'éditeur a pourtant été condamné.
Le 4 juin dernier, Ragip avait remporté le Prix international de la Liberté de publier que décerne Union internationale des éditeurs (UIE). Déjà, cible des autorités du pays, il avait subi des confiscations et destructions de livres par le passé, ainsi que d'autres peines de prison.
Pour Miklos Haratszi, représentant d’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui regroupe 56 États, le constat est grave. « Les gens sont toujours emprisonnés pour avoir publié des idées pacifiques », déplore-t-il. Selon lui, « la liberté de débat en Turquie ne grandira qu'à condition que le gouvernement cesse de chercher à le contrôler en permanence. L'Article 301 devrait tout bonnement supprimé ».
Le génocide arménien toujours en cause
Le livre incriminé est celui de l'Anglais George Jerjian, 'The Truth Will Set Us Free', traduit en 2005 en turc. Il raconte le massacre des Arméniens en 1915, durant l'Empire ottoman. La Turquie refuse de reconnaître cette période
Si la peine de l'éditeur est commuable en amende, ce dernier a refusé net de la payer. Il a décidé en revanche de faire appel. Un micmac judiciaire traîne en effet autour du jugement ; l'accusation aurait été placée sous l'ancien article 159, qui permet de ne pas faire appel au ministère de la Justice.
Lutter pour la liberté d'expression
Ragid s'attendait à une telle issue. « Mais ce combat est pour la vérité et il continuera. Je ne me sens pas coupable. Cette condamnation est réalisée pour l'histoire officielle et le négationnisme », ajoute-t-il. Miklos ajoute : « Quel que soit le différend juridique sur ce cas particulier, la publication d'un livre critique sur l'histoire du pays ne doit pas être considéré comme un crime dans une démocratie. » Les principes d'Helsinki, auxquels les pays membres de l'OSCE ont souscrit, Turquie y compris, prévoient en effet la libre circulation des informations et des idées.
L'International Publishers Association (IPA) ainsi que le Writers in Prison Committee of International PEN, ont fermement condamné cette décision. Ils ont d'autre part demandé que l'article 301 soit abrogé, regrettant qu'il y ait clairement « beaucoup à faire avant que la Turquie n'entre en conformité avec les recommandations internationales pour préserver la liberté d'expression ».