L'expression qui ne fiche pas le camp
On pense généralement que « ficher le camp » est la forme atténuée de « foutre le camp ». Ce serait une façon de rester poli. Pourtant, selon Duneton, dans La puce à l'oreille, dans cette expression « ficher » serait arrivé avant « foutre ».
Il relève que la première apparition de l'expression dans les textes au XVIIIe est bien sous la forme de « ficher le camp ». Ainsi dans la Pipe Cassée en 1755 :
L'heure de retourner au gîte Venant pour eux un peu trop vite Il fallut payer sur le champ, Et, comme on dit, ficher le camp : C'est sans dire adieu, ce qu'ils firent, Et de très bonne humeur sortirent.
Il faut noter aussi que dans ce texte l'expression est expliquée avec « C'est sans dire adieu », ce qui indique qu'elle n'était pas encore d'un usage très répandu. Voilà qui semblerait mettre fin à l'hypothèse de la politesse.
Depuis le XIIIe siècle, le verbe « ficher » avait le sens de planter. Et nous pouvons trouver de grandes similitudes dans des expressions qui utilisent ces verbes. Par exemple « qu'est-ce que tu fiches là ? », « Pourquoi es-tu planté là ? ». Dans notre expression, il semblerait bien que « ficher » ait ce sens. Maintenant reste à élucider la question du camp. Probablement un camp militaire par ailleurs.
Il est probable que lorsque les premiers à dire « ficher le camp » en situation furent des déserteurs. Ils auraient dit ficher le camp dans le sens de le « planter là », c'est-à-dire partir précipitamment sans prendre la peine de le démonter. Par opposition très certainement avec le « lever de camp », qui est la façon normale de quitter un camp pour une garnison.
Enfin si l'hypothèse de Duneton, qui me paraît être la plus crédible, se trouvait être juste, « foutre » serait arrivé plus tard comme une façon d'accentuer le propos. Les utilisateurs du verbe « foutre » se laissant abuser par le parallèle qui existait déjà entre ces deux verbes. De plus l'emploi de ce deuxième verbe dans cette expression n'est attesté qu'à la fin du XVIIIe.
10/04/2008 - 15:00