Il semble las au téléphone, mais il faut incriminer son dernier trajet en TGV : Jacques Chessex, en dépit de ses 76 ans assure les interviews et les relations avec la presse pour Pardon mère (publié cette année chez Grasset), salué assez unanimement par la presse.
Mais l'âge justement, c'est le bât qui blesse : « Il est vrai que j'ai été approché par des membres éminents du Goncourt. Je n'ai pas caché que cette question du couperet du règlement d'âge m'indisposait grandement. »
Et depuis cette décision, les démissions affluent, les rumeurs sourdent et le renouvellement devient urgent. Une brièveté qui n'aurait pas convenu à Jacques. « Je ne me voyais pas, à peine installé à table, devoir cesser mon activité. Je suis quelqu'un qui a beaucoup de peine à travailler autrement que dans la durée. J'ai besoin du temps élastique. Il n'est pas question de céder à une limite arbitraire. Je me sens tellement jeune. Beaucoup plus qu'à 20 ans. »
Un refus essuyé sans perte ni fracas, « parfaitement compris » par les membres actuels, qui « sont aussi des amis » et se sont manifestés « dans une relative discrétion ».
Quant à l'Académie française, puisque l'une et l'autre semblent aller de pair actuellement, le refus est plus tranché. « Faites-moi confiance, je connais bien tous ces règlements. Et je ne suis pas du tout attiré par l'Académie. L'uniforme, l'épée, le bicorne : si je le comprends, je ne l'aime pas. C'est comme les chiens de mes amis, je les aime chez mes amis. Car moi, je suis chat. »
Poète et écrivain de Suisse romande, Jacques Chessex avait d'ailleurs obtenu le Goncourt en 1973 pour L'Ogre et en 1992 le Prix de l'Académie Mallarmé pour Les aveugles du seul regard.