Nous remercions d'accueillir des tribunes donnant la parole aux auteurs et illustrateurs jeunesse pour parler, non pas de leurs œuvres, mais de leur situation sociale.
La Charte vient d'élire son nouveau bureau à l'issue de l'assemblée générale du 12 juin 2015 : présidente : Carole Trébor, vice-présidentes : Marie Quentrec et Valentine Goby, secrétaire générale : Maïa Brami, trésorière : Florence Vandermalière.
Nous sommes auteurs et nous agissons collectivement pour valoriser la littérature jeunesse, dans ce qu'elle a d'artistique, de novateur, de fondamental.
Et ce combat est indissociable de la défense de nos droits, nous qui amenons la matière première de l'édifice.
L'un ne va pas sans l'autre.
Au nom de quel principe sommes-nous les seuls à ne pas vivre du livre dont nous sommes la source ?
Même ceux d'entre nous qui sont reconnus par la critique, primés, et vendent des dizaines de milliers de livres, ne peuvent pas vivre de leur œuvre.
Au nom de quel principe, les auteurs jeunesse sont-ils si mal rémunérés ? Nous touchons en moyenne 6% de droits d'auteur par livre, contre 10% dans les autres domaines (Bande Dessinée et littérature générale).
Comme nous le disent nos amis libraires, la chaîne du livre est pourtant la même dans tous les genres littéraires. Qu'est-ce qui explique cet écart de rémunération entre les auteurs jeunesse et les autres ? Selon nous, aucune raison, ni artistique, ni économique, ne légitime cette sous-rémunération.
Ne seraient-ce que des raisons historiques complètement obsolètes qui justifieraient ce modèle de rémunération ? Les premières artistes de la littérature jeunesse étaient des femmes, qui défendaient peu leurs droits il y a trente ans.
Plus nous avançons, plus nous sommes convaincus que nous avons le droit de vivre de notre création, d'en attendre une rémunération décente et aussi une protection sociale correcte. C'est notre droit inaliénable, celui de vivre de notre travail, de notre métier.
Nous ne voulons plus séparer la qualité de notre création de la qualité de nos rémunérations. Pour être libres de nous exprimer, pour continuer à écrire des belles œuvres, nous avons besoin de droits d'auteur décents.
Et c'est urgent.
Bien sûr, c'est difficile de mettre du collectif lorsque chacun signe son contrat seul face à son éditeur. Nous sommes isolés par essence.
Mais Marie Desplechin parle de « compagnonnage de la charte », Marie Sellier de « la force de sa base » : ce ne sont pas de vains mots.
Nous créons en solitaire, sans négliger la force du collectif, de « l'agir ensemble ».
Ne l'oublions pas, la vitalité de notre association, c'est aussi la preuve de la vitalité de notre littérature jeunesse.
Nous sommes auteurs, nous posons un regard sur le monde et le partageons avec nos lecteurs que nous respectons. Nous sommes particulièrement attentifs à la montée des fanatismes et communautarismes qui menacent la liberté d'expression et agissons, chacun à notre niveau, auprès des jeunes lecteurs que nous rencontrons si souvent.
Nos livres le disent bien souvent : il n'est pas toujours bon d'obéir.
Nous sommes auteurs, nous ne devons pas être passifs, nous ne pouvons pas tout accepter.
Nous sommes auteurs, nous devons être attentifs à être respectés, nous aussi, autant que nous respectons nos lecteurs, nos passeurs, nos prescripteurs, nos libraires et nos éditeurs.
Nous sommes unis, et nous avons intérêt à l'être de plus en plus devant les changements du numérique, d'Internet, du droit d'auteur au niveau européen… Tant de bouleversements qui ne seront pas sans conséquence
Alors, comme disait Camus, nous ne referons peut-être pas le monde, faisons au moins en sorte qu'il ne se défasse pas.