Depuis lundi et l'ouverture des coffres de la banque zurichoise d'UBS, les manuscrits de Kafka n'ont jamais autant passionné la presse. Et pour cause : dix coffres renfermant, on le sait désormais, un manuscrit inédit, et des archives, qui étaient destinés à être brûlés, selon la volonté du romancier, ce n'est pas tout à fait banal.
Sauf que la situation serait presque trop simple pour être vraie, s'il n'y avait pas les contraintes judiciaires qui pèsent lourdement sur cette histoire. Une affaire que Kafka aurait pu aisément écrire, d'ailleurs, et qui fait sourire, quand on pense que la vie réelle s'inspirerait presque de ses romans.
Car l'oeuvre de l'écrivain tchèque est sous le coup d'un procès opposant Eva Hoffe et Ruti Wisler, détentrice de la succession, qu'elles tenaient de leur mère, laquelle la tenait de Max Brod... Ce qui, pour poser la situation, donne déjà un vertige généalogique intéressant.
Pour le moment, l'ensemble des documents n'a pas été communiqué, et hormis ce fameux manuscrit, on n'en sait pas beaucoup plus. Sauf que tout le monde attend impatiemment des révélations sur ses méthodes des travail, son style et la manière de construire son imaginaire.
Et pour le coup, tant que le tribunal israélien qui doit trancher n'aura pas dénoué la question qui est le propriétaire légitime de cette collection et de ces archives, on risque de patienter un moment avant d'en prendre connaissance. La bibliothèque nationale d'Israël les revendique au titre de patrimoine culturel, alors que les soeurs Hoffe estiment que le fonds leur appartient, par succession.
Et pourquoi Brod avait-il placé ces textes dans une banque suisse ? Était-il inquiet de l'image qu'ils donneraient du romancier tchèque ? Dévoiler plus largement les éléments de sa relation avec Dora Diamant, son dernier amour ? En l'occurrence, les deux soeurs avaient fermement demandé que les coffres ne soient pas ouverts et les documents pas dévoilés, faisant valoir que leur propre dignité et leur intimité seraient menacées si leur contenu était dévoilé.
Le juge de Tel-Aviv, Talia Koppelman, avait balayé cet argument. Et nous en sommes là aujourd'hui.