On n'en a jamais assez de Fabcaro. Son «Zaï zaï zaï zaï» n'en finit plus de se faire réimprimer, puis primer tout court (Prix Ouest-France à Quai des Bulles, Prix Landerneau et BD RTL du mois de mai) et il mériterait largement de remporter un fauve à Angoulême en janvier prochain. Mais ce serait une erreur, pour autant, de passer sous silence l'autre album qu'il a sorti au même moment, « Talk Show », un projet monomaniaque, où chaque planche est composée de huit cases de taille égale qui retracent une interview télé où la sempiternelle présentatrice interroge son invité du jour. Fiasco garanti, grâce à un procédé narratif aussi simple qu'hilarant.
En voici un exemple, particulièrement d'actualité en ce 3 novembre 2015 :
Pas besoin d'énumérer les sources de gags auxquelles Fabcaro va puiser : quiproquos, grossièretés, dialogues de sourds, invités plus inintéressants les uns que les autres, tout y passe et rien ne se passe comme il faudrait. Les stars du Talkshow, avec leurs prénoms composés improbables et leurs têtes de courges forment un véritable défilé de carnaval des abrutis, pour le plus grand bonheur des lecteurs. Et les questions de la présentatrice n'arrangent rien, bien entendu.
Deux micros, une table, deux personnages, il n'en faut pas plus au cerveau bouillonnant de Fabcaro pour nous dérider. Le dessin, très différent du parti pris faussement réaliste de « Zaï zaï zaï zaï », est plus caricatural et expressionniste : il réduit les effets à quelques mouvements de bras, un accessoire parfois, une moue ou un regard.
Plutôt qu'un long discours, mieux vaut un bon exemple :
Dispositif minimal
La bande dessinée répétitive n'est pas une nouveauté. Il y a plus de vingt ans, Lewis Trondheim faisait ses classes avec « Monoliguistes » . Ses cases presque identiques de gros plan sur la tête d'un personnage permettaient aux bulles de délirer en roue libre. Le processus a été réutilisé bien souvent, notamment par Bastien Vivès sur son blog, qu'on peut retrouver en version papier chez Delcourt (comme ActuaLitté vous le signalait ici), avec cette même obsession pour le dessin qui varie à peine, où toute la force naît des dialogues et, dans son cas, de leur impertinence.
Pour s'en tirer avec un procédé aussi minimal et faire rire à presque toutes les planches, il faut être un scénariste hors pair, à la fois drôle, bien entendu, mais aussi suffisamment varié et imaginatif dans l'écriture pour ne jamais lasser. C'est évidemment le cas de Fabcaro, qui confirme ainsi qu'il est sans aucun doute l'un des scénaristes les plus époustouflants et les plus drôles du moment. Ses interviews font rire même quand les personnages se taisent.
On voudrait vous proposer tous les gags ou presque ici. Il y a sans doute un bien meilleur moyen pour que vous les lisiez ans en louper un seul : foncez chez votre libraire et réclamez-lui « Talk Show » de Fabcaro (paru chez Vide-Cocagne) en même temps que le prochain exemplaire de « Zaï zaï zaï zaï » que vous achèterez pour offrir à vos amis. Vous ne le regretterez pas.