Mon cahier d'écriture CP. Edition 2019

Dans beaucoup de blogs « littérature » que je parcours chaque jour les chroniques sontsous la forme :

-- 4ème de couverture

-- Avis.

Cependant, ici, je vous livrerai rarement les 4ème de couverture mais plutôt un petit résumé qui bien sûr ne révèle pas tout ! Pourquoi ? Et bien parce que bien souvent, je ne lis pas les 4ème de couverture ! En tout cas je ne commence pas par ça et il m’arrive même de les lire uniquement à la fin. Et après tout, si on prend un livre en main, celle-ci est bien située en dernier :) .

Vous verrez que je choisis et lis les livres en fonctions de diverses variables qui changent selon mon humeur. Ainsi quand j’ai découvert un auteur qui me plait, je vais lire 5 ou 6 de ses livres de suite !  Mon choix se fait aussi beaucoup en fonction de la collection, de la maison d’édition. Il peut également être fait – ça m’est arrivé souvent - en fonction de la couverture qui me plait – et inversement une couverture qui ne me plait pas peut me bloquer dans le choix d’un livre. Enfin, une simple curiosité, un coup de cœur, un conseil ou une bonne critique peuvent également influencer mes choix.

Voilà maintenant vous savez tout ! A bientôt pour les premières chroniques !

Peut-on raconter en BD l'histoire d'une ado qui sent qu'on lui a assigné à la naissance une case qui n'est pas la sienne ? Au cours de sa dernière année de lycée, P. choisit de sortir des rails tout tracés, de coucher avec des mecs, de porter la jupe, de vivre selon ses envies plutôt que selon les injonctions des autres.

Et pourtant, elle déteste son corps, elle déteste la façon dont les autres la traite, elle déteste la façon dont elle se traite. Elle en parle à son psy, à ses copines, jusqu'à finir par avancer vers une forme d'acceptation, qui n'a rien à voir avec la résignation.

Le dessin de Fumettibrutti paraît approximatif au premier coup d'œil, parce qu'il tient plus de l'esquisse que de la ligne claire léchée, mais il colle assez bien au propos, à la brutalité de cette adolescence trash et crue, à la violence de ces rapports sexuels qui font plus souvent naître la honte que le plaisir. Bref, des traits bruts, mais d'un sincérité sans fard.

Et un jaune monochrome sur presque toutes les pages, sauf certaines planches où la couleur de la banane cède la place à celle de la prune oud e l'aubergine (pour rester au rayon fruits et légumes).

Ce livre (traduit de l'italien par Laurent Lombard) et publié en français par les éditions Massot dépeint sans filtre les cahots qui secouent la route d'une ado délaisse son genre de naissance pour rejoindre l'autre. Le parcours de la transidentité n'est pas de tout repos dans l'Italie encore très machiste et, comme la plupart des sociétés, peu préparée à accepter les individus qui s'écartent des normes.

En bref : un roman graphique faussement naïf, mais fort et brutal. Mon adolescence trans est un album à recommander aux médiathèques qui souhaitent aider les ados en mal de repères et de modèles à trouver leur voie, et à identifier bon nombre d'obstacles pénibles à surmonter.

Dans tous les contes, les belles-mères sont d'horribles marâtres qui font du mal aux enfants de leur nouveau mari. Cendrillon est transformée en souillon par... sa belle-mère, Blanche-neige croque la pomme empoisonnée tendue par... sa belle-mère... Bref, les belles-mères n'ont pas la cote. Et lorsque le papa de Léa annonce qu'il a une amoureuse, c'est la fin des temps! Léa sait bien que Paulette, sa nouvelle belle-mère, porte un déguisement pour cacher son nez de sorcière et qu'elle tente de la tuer dès qu'elle le peut. Mais est-ce vraiment la réalité?

Entre les collages et les mélanges de crayons et de techniques numériques, les visages se transforment et traduisent bien la peur de Léa. Quant au texte, très simple, il retranscrit avec une grande justesse les craintes injustifiées de la petite fille. Pas de doute, après avoir lu de Catherine Lepage, les préjugés s'envoleront et rejoindront le pays des contes!

Hellboy, créé par Mike Mignola et scénarisé en collaboration avec John Byrne, est bien plus qu’un simple album de bande dessinée. Publié pour la première fois en 1994 (2002 pour sa traduction en France, par Anne Capuron et Nick Meylaender), il pose les bases d’un univers à la fois riche et sombre, devenu culte dans le monde des comics indépendants. Et Delcourt en propose une édition spéciale pour le 30e anniversaire de la parution…

Le style graphique de Mignola a été mille fois loué, commenté : il est immédiatement reconnaissable, marqué par des traits anguleux et une utilisation magistrale des ombres et des aplats noirs. Ces éléments créent une ambiance mystique et inquiétante, parfaitement en adéquation avec le ton des récits. Les influences de Mignola, notamment celles de HP Lovecraft et d’Edgar Allan Poe, se ressentent dans la profondeur narrative et l’horreur occultiste qui imprègnent chaque page.

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Quant aux scénarios de John Byrne, qu’ajouter ? La quête identitaire de Hellboy, tiraillé entre ses origines démoniaques et son humanité adoptée, se décline en de multiples illustrations : tragique et sublime, constamment en balance…

Il s’agit tout bonnement d’une série incontournable pour les amateurs de comics et de récits fantastiques. Son succès a non seulement engendré une multitude de séries dérivées et d’adaptations cinématographiques, mais a également consolidé la place de Mike Mignola parmi les grands noms de la bande dessinée contemporaine.

Un album à découvrir absolument pour son univers unique et son ambiance inimitable.

Il existe quelque part une île couverte d'immeubles sur laquelle il pleut tout le temps. Ses habitants sont des chats très distingués. Bien habillés, ils ne sortent jamais sans leur parapluie : pas question de se mouiller ! En face de cette île s'en trouve une autre où il ne pleut jamais et où la nature est luxuriante. Un jour, un habitant de cette seconde île se rend sur la première. Quelle joie pour lui de sauter dans les flaques, pêcher des poissons et les croquer goulument, dormir à la belle étoile. Mais les autres chats s'offusquent de tout ce laisser-aller. Ils ne peuvent tolérer une vie si simple, loin de leurs convenances et conventions. Il est grand temps d'éduquer ce sauvageon ! Mais rien n'y fait : impossible de lui inculquer les bonnes manières. Une seule solution : le chasser de l'île. Et pourtant ! Si ce chat sans éducation pouvait leur venir en aide...

Il n'est pas facile de s'accoutumer aux habitudes des autres et de tolérer les différences. Les chats guindés de l'île pluvieuse le découvrent avec l'arrivée dans leur morne quotidien d'un chat plein de joie de vivre et de naturel. On peut pourtant tant apprendre de l'autre et de ses différences, comme nous le rappelle avec justesse .

Avec leur dominante de gris et de bruns, les jolies illustrations de Florian Pigé reflètent toute la morosité de la vie de ces chats si austères. Heureusement que le doux sourire du joyeux chat de l'île voisine va venir égayer ce triste univers et donner le sourire à tout le monde.

Une île sous la pluie, un album salutaire pour expliquer aux enfants qu'il ne faut pas avoir peur de l'autre, même s'il ne vit pas comme soi.

Le poète argentin Roberto Juarroz est peu connu en France. (J’extrapole, avec cette affirmation, à partir de ma propre ignorance) Julio Cortázar le considérait comme “un grand poète d’instants absolus”, et ses vers (nombreux dans cette imposante édition bilingue), semblent des héritages renouvelés du romantisme XIXe siècle.

Je suis en train de perdre les zones intermédiaires.

Je ne perçois plus que le proche 

ou le très lointain.

Ce changement radical des sens 

ou peut être la manifestation d’un sens nouveau 

confirme mon soupçon 

que c’est uniquement aux extrêmes 

que réside le réel.

L’infini n’est pas également partout infini.

En ses points les plus intenses 

les plus grandes distances se résorbent.

La leçon majeure de l’infini 

c’est de cesser parfois d’être infini.

7e poème des 11e Poésies verticales, parues en 1988.

Enfin !

Enfin Beatrice Alemagna a droit à un catalogue digne de ce nom. Mieux, une étude approfondie, fouillée, intelligente, menée par des fines connaisseuses et fins connaisseurs de l'album jeunesse (Sophie Van der Linden, Martino Negri ou encore Giovanna Zoboli). 

Si d'ordinaire je trouve le format abécédaire peu convaincant en ce qu'il présente un non-choix de classement pour des articles parfois anecdotiques agencés dans un fourre-tout, ici, au contraire, c'est une brillante réussite.

Les entrées dialoguent entre elles et trouvent même, conceptuellement, une certaine cohérence chronologique. Les articles sont précis, savants mais accessibles, courts mais denses, allant à l'essentiel. Ils brossent un tableau très juste de l'œuvre fascinante d'Alemagna, alternant des entrées à tonalité esthétiques et d'autres approches narratologiques ou thématiques (on y trouve même une étonnante incursion de l'autrice elle-même au detour d'un texte bref mais savoureux).

Il se dégage de l'ensemble le sentiment d'avoir vagabondé dans les détails des œuvres de l'autrice, découvrant et comprenant dans ces paysages riches les divers motifs qui composent un panorama aussi hétéroclite que cohérent. 

Fort heureusement, l'iconographie est riche et abondante (images, carnets, inédits etc) : elle donne à voir la pensée en image qu'élabore Alemagna et qui accompagne merveilleusement bien la pensée en mot qui prend corps dans ces dessins. 

Alphabet Alemagna est un indispensable pour les amoureux de l'album jeunesse, mais plus largement aussi pour tous les amateurs de dessin, d'études sur le dessin, d'essais parvenant prendre de la hauteur pour plonger au cœur de l'image, pour sonder la poétique si singulière qui unit et accorde une œuvre foisonnante.

« Mon attirance, ou plutôt mon obsession pour la peur générée par le surnaturel doit remonter à mon enfance. Je ne crois pas que cette obsession soit liée à un évênement particulier. Au contraire, je pense que cette attraction est une manifestation particulière d’un besoin naturel chez beaucoup d’enfants, sans qu’aucune explication ne soit nécessaire. » Richard Corben.

Avec cette édition intégrale, les éditions Delirium complètent leur travail de publication des adaptations de nouvelles et de poèmes d’Edgar Allan Poe par Richard Corben. Réalisé entre 2012 et 2014, il considérait lui-même ce recueil comme l’un de ses meilleurs travaux.

On y retrouve notamment une histoire inédite, L’Homme des Foules, parue en 2019, peu avant la disparition de Corben — ainsi qu’une nouvelle couverture signée par le Grand Prix d’Angoulême 2018.

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« En fait, je dois préciser que mes adaptations ne sont que l’interprétation des visions suggérées par Poe dans ses textes et ses poèmes. On ne peut même pas les considérer comme des mises en images de ses textes. Mes adaptations sont la formalisation de mes propres pensées telles qu’elles sont inspirées par les créations de Poe. Cette approche permet une multitude de variations pour chacun des thèmes qu’il aborde, et aucune ne peut être considérée comme une “vraie” adaptation. »

Des versions tous magnifiquement illustrées et colorée des œuvres emblématiques de Poe telles que La Chute de la Maison Usher, Le Masque de la Mort Rouge et Le Corbeau. L’ensemble fut traduit par François Truchaud, aujourd’hui décédé, ainsi qu’Alex Nikolavitch pour L’Homme des Foules.

Une perle rare, indispensable pour découvrir autrement le maître américain.