Kangni Alem, Gaëtan Noussouglo, Sonia Lawson, Sandra Agbessi

(Delcourt) est bien sympathique. Il est issu d'un blog (un tumblr pour être techno-spécifique) où la Californienne Liz Climo met en scène des animaux divers et variés, et d'autres créatures telles que momies ou machines à laver, affligées de divers tracas. 

chronique BD avec BDfugue

Façon de s'abstraire de son boulot de tous les jours, qui n'est pas banal pour autant : un travail dont vous voyez l'aboutissement dans la série animée "Les Simpson", où elle est en charge des story-boards depuis une dizaine d'années ! Son album, découpé par saisons, présente sur chaque page un simple dessin, ou des strips plus ou moins développés. 

Le ton est humoristique, mais plus varié qu'on peut le penser si l'on s'arrête à la couverture ou que l'on se contente de feuilleter quelques pages. Le trait de Liz Climo est plein de fraîcheur et d'expressivité, ses couleurs douces et délicates, toutes ces qualités mises au service d'un univers trop trop mignon !!! Mais pas mièvre, bien au contraire... 

Sous son aspect de livre pour enfants, Le petit monde de Liz offre plusieurs niveaux de lecture. Assurément, certains gags à caractère familial sont charmants. Juste charmants. Les jeux du papa dinosaure et de son fils, qui reviennent à intervalles réguliers, ne peuvent que rappeler des situations vécues par tout père de famille. C'est naïf et gentil tout plein, ce qui n'est déjà pas si mal. Mais beaucoup d'autres strips sont futés et visuellement percutants, ce qui est remarquable au regard de la simplicité du graphisme. Et certains sont même carrément loufoques !!! 

On y voit des animaux qui, tels des humains moyens, parlent, mangent ou boivent. Ils draguent leurs congénères, organisent des soirées déguisées, élèvent leurs enfants et jouent au bord de la mer ou ailleurs. Tout ça un peu laborieusement, et en ratant souvent leur but. Il y a des jeux de mots un peu foireux et beaucoup de dialogues complètement décalés, parce que sortant de la bouche - pardon, de la gueule ou du bec ! -  d'animaux de toutes espèces. 

Le petit monde de Liz

sur BDfugue.com

En quelque sorte, on s'aventure dans l'envers du décor des livres pour enfants, une sorte d'univers fictif où les comédiens à poils et à plumes interprétant ces histoires destinées à un jeune public ont une vie privée fort proche de la nôtre. J'ose une hypothèse : Liz Climo connaît et aime Gary Larson, et lui rend hommage dans son livre. 

Ah, Gary Larson !!! Il y a une vingtaine d'années, ses albums et ceux de Glen Baxter sont enfin commodément disponibles en France, et traduits aussi bien que possible : je découvre alors les oeuvres de ces maîtres du "nonsense" avec délectation. L'anglais Baxter est un de ces excentriques que le Royaume-Uni semble fabriquer à la chaîne, lorgnant vers Magritte ou Érik Satie en ornant ses petits tableaux faussement banals de sous-titres absurdissimes. 

Mais j'avoue ma préférence pour l'américain Larson, plus grinçant et dont le dessin me fait mourir de rire. Que ses fans me le permettent : Liz Climo se hisse à sa hauteur plus d'une fois !

Certes, avec plus de tendresse et moins de noirceur, mais qu'ils fassent le test d'ouvrir Le petit monde de Liz à certaines pages, une bonne surprise les y attend !!!

On peut aussi retrouver le Tumblr de Liz Climo

L'humour, décliné sous toutes ses formes, chez BDfugue

A la manière de  (Exercices de style), cet ouvrage malicieux raconte de 60 manières différentes l'histoire d'un chat qui essaie d'attraper un oiseau et tombe à l'eau.

60 textes courts et vifs, amusants, très rythmés, à lire à voix haute de préférence pour apprécier pleinement le jeu sur les sonorités.

Avec beaucoup d'imagination et de plaisir, Gille Barraqué décline son texte selon son humeur.

Les recettes d'ailleurs entraînent le lecteur d'Amérique au cercle polaire, jusque dans l'espace. (« Il globait tranquillement à côté de sa soucoupe, près d'un lac d'ammoniaque »). Les recettes gourmandes sont savoureuses par leur double-sens. (Sauce fromage : j'étais en train d'écouter du rock fort. ») Les recettes hier et aujourd'hui mettent le lecteur à contribution (sauce rébus, sauce calligramme, sauce SMS), stimulent son activité cérébrale sans ennui.

Les recettes à la sauce fantasy,  « La gardienne du Görgol.1 »  sont un vrai clin d'œil doucement ironique, à un genre populaire, dont la particularité est de produire des histoires à rallonge. Les recettes expérimentales, attachées à la mécanique du texte, sont ingénieuses et farfelues, rendent hommage à Georges Pérec et aux contraintes littéraires  de l'Oulipo (Crème d'E et Salsa à l'a, i, o, u).

Page après page, le lecteur (jeune ou même adulte) se pique au jeu, se laisse entraîner par une tonalité gaie et moderne, apprend sans contrainte, progresse dans l'art du jeu littéraire, jubile même parfois de la finesse du texte, du ton légèrement moqueur et subtil.

Il a envie, à son tour de s'initier au défi, de proposer sa version et de la partager. Les jeux de langue semblent inépuisables, sans cesse renouvelés, intelligents et astucieux.

Décidemment la langue française est pleine de ressources épatantes et gourmandes, jamais ennuyeuses. A déguster sans modération et à partager en totale convivialité ; le plaisir sera garanti.

Ne pas manquer non plus la page autobiographique de l'écrivain et de l'illustrateur, Gaëtan Dorémus.

Texte adapté au programme scolaire, dès 10 ans.

Tigdal est un Pur. Il a été élevé dans les règles militaires d'un monde souterrain et formaté pour traquer les étranges animaux à l'apparence vaguement humaine qui errent à la surface. Mais au fond de lui, il se sent depuis toujours différent.

Soria vit à la surface. Membre d'une des nombreuses tribus stériles qui survivent sous une chaleur implacable, dans les ruines d'un Paris détruit, elle a appris à se battre pour rester en vie. Jusqu'au jour où le père de la jeune fille est enlevé par les mystérieuses créatures qui s'attaquent régulièrement des membres des tribus. Avec son meilleur ami, Soria se lance à son secours. Tant pis si, là où elle s'aventure, personne n'en est jamais revenu.

Dans , le lecteur suit donc tour à tour Tigdal et Soria, les souterrains et la surface, la science et la croyance. Deux points de vue radicalement différents sur le Paris post-apocalyptique dans lequel ils grandissent. Chacun a été éduqué dans une culture particulière et doit remettre en cause certaines de ses croyances pour avancer.

Le but ultime de ce voyage ? La vérité sur leurs origines. Le récit est entrecoupé de « racontars » intrigants, des légendes tribales contées par un troisième personnage, ami de Soria, et qui permettent de mieux comprendre le monde des héros. Le lecteur s'amuse à reconnaître des lieux familiers - la Tour Eiffel, Notre Dame de Paris, le métro – qui, devenus ruines et abris, se dissimulent entre les lignes. Il s'interroge sur les nombreux mystères qui peuplent cet univers et les recoupe en attendant que les personnages puissent en faire autant.

Une dystopie surprenante et palpitante, sans temps morts, un one-shot pour une fois, même si une suite reste possible, signée d'un maitre de l'imaginaire : Johan Heliot.

Imaginez un monde dans lequel quand on ne se parle, c'est à mi-voix, quand les enfants jouent, c'est en cachette, et quand les gens dorment, ils ne rêvent pas. Quel ennui ! pensez-vous. Mais pas du tout puisque chaque foyer possède une petite boîte carrée qui diffuse des images sans discontinuer. Cependant, dans ce village, une maison échappe à la règle : celle du boulanger, dont la boîte carrée est en panne. Est-ce lié ? On ne le sait pas, mais Guillemette, la fille du boulanger, invente en permanence plein d'histoires.

Malheureusement, ses sornettes ne sont pas du goût de tout le monde et les clients commencent à déserter la boulangerie. Guillemette décide alors de partir sillonner la planète pour voir ce qui s'y passe. Jusqu'à ce qu'elle découvre, au beau milieu de la grande forêt d'Âme-à-Zombie, la machine qui nourrit en histoires les petites boîtes carrées du monde entier…

Gwendoline Raisson s'attaque, dans , aux méfaits de la télévision. Si les livres et les histoires développent l'imaginaire et favorisent les relations entre les gens, la télé restreint l'imagination et renferme sur soi. Heureusement, Guillemette n'est pas prête à rentrer dans le carcan et, après être elle-même passée dans la petite boîte carrée, elle parvient à se faire entendre des gens qui se laissent contaminer par sa rêverie et sa fantaisie.

Les illustrations de Sandra Poirot-Cherif, qui mêlent scènes réelles et personnages inventés par Guillemette, invitent aux voyages – couleurs vives, horaires de train, pages de cahiers d'écoliers… – et s'allient au texte poétique et plein d'inventivité de Gwendoline Raisson pour nous rappeler qu'il n'y a rien de mieux que de se raconter des histoires.

Qu’offrir de plus beau et de plus inspirant que « la première biographie illustrée d’un monument des lettres », celle que viennent de publier les éditions Perrin et signée Agnès Sandras (même si nous ne mettrons pas totalement de côté le Victor Hugo d’Arnaud Laster publié en 1984 aux éditions Belfond.

Publié en partenariat avec la @labnf ce magnifique ouvrage revient sur l’œuvre de l’homme illustre, ses convictions politiques, ses amours, ses drames … et son talent de dessinateur venant mettre lui-même sa vie en lumière. 

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Victor Hugo reste aujourd’hui encore l’homme de lettres français par excellence, celui qui sauva Notre-Dame de Paris grâce à l’histoire d’une bohémienne et d’un bossu, et dont les représentations qu’elles soient peintes ou photographiées, dégagent toujours un énorme charisme… un homme qui n’en finit pas d’impressionner. 

Victor Hugo est de fait un monument à offrir !

Alex a quelques amis parmi les gamins en marge de sa classe. Ce qui le rend différent, lui, ce sont ses origines : il est taïwanais, « même si personne n'est capable de dire où ca se trouve ni ce que c'est ». En ce moment sa vie est particulièrement mouvementée : il y a Sybille qui s'accroche à lui depuis qu'elle s'est disputée avec ses copains, son père à l'autre bout du monde qui ne donne plus de nouvelles et récemment ces insultes racistes écrites au Tipp-ex sur le banc du parc où il mange chaque midi : « Alex bol de riz », « Alex tronche de nem ». Aidé par Sybille, le jeune garçon recherche l'auteur du forfait pour le confondre.

Dans ce récit aux chapitres brefs, met en évidence toute la brutalité de l'impact et les remous intérieurs que peuvent provoquer des insultes racistes. La gratuité des coups portés font naître en Alex un profond sentiment d'injustice, alimenté par ce père qui prend de plus en plus de distance.

Il y a beaucoup de force dans le portrait psychologique du personnage principal ; ses émotions et leur évolution ont un écho universel : blessé, Alex se révolte, il en vient à mentir sur son père, il se confronte ensuite aux autres avant de devenir résilient et de pardonner. Le banc ne donne pas la formule magique pour rabibocher des familles qui se déchirent ou pour juguler un racisme primaire ; à travers une belle histoire de vie, il apporte toutefois aux jeunes lecteurs des clefs indispensables pour une prise de conscience.

PrixFrontieres2024 – Le détachement militaire du col de Roca Pelada, situé dans la cordillère des Andes à une altitude de près de 5000 mètres, domine un paysage désolé et minéral, peuplé de quelques espèces résistantes et de rares autochtones. Deux postes de garde frontaliers, chacun appartenant à un pays différent, se font face dans ce milieu inhospitalier, caractérisé par des conditions extrêmes telles que des orages magnétiques et des pluies de météorites.

La vie quotidienne des soldats est marquée par la monotonie, leurs activités se limitant principalement à l'observation de l'horizon et à la maintenance des bornes frontalières.

L'équilibre précaire de cette routine est bouleversé par l'arrivée d'une nouvelle commandante, la capitaine Vera Brower, remplaçant le commandant Gaitan à la tête de l'un des postes. Ce changement inattendu introduit une dynamique de rivalité et de mystère entre Vera et son homologue du poste opposé, Costa, chacun cherchant à percer les intentions de l'autre. Dans cet environnement hostile et isolé, la frontière entre les deux camps commence à se brouiller, symbolisant une remise en question des préjugés et des animosités entre les deux côtés.

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Ce récit explore les thèmes de l'isolement, de la survie et des relations humaines dans un contexte de tensions géopolitiques, tout en mettant en lumière l'absurdité des conflits territoriaux face à l'immensité et à la beauté brute de la nature sauvage.

#PrixFrontieres23 – 1943, en Albanie, Alexo erre. Il subit un périple compliqué et douloureux à cause de la guerre. Il n'a plus rien et est donc obligé d'aller de l'autre côté : en Grèce. Un voyage qui s'annonce difficile : pauvreté et mendicité sont les mots (maux...) principaux.

1943, en Albanie, Sofia, la sœur d'Alexo, est coincée. Elle ne peut pas traverser la frontière et se retrouve prisonnière dans un pays, complètement seule et touchant du bout des doigts ce village grec. Tellement proche de celui-ci, elle peut voir sa mère et entendre les cloches qui tintent. Mais on ne la laissera pas passer.

1990, Shpejtim, petit fils de Sofia, décide de quitter l'Albanie pour la Grèce. En allant dans le village de ses ancêtres, il est accueilli chaleureusement par les Albanais immigrés, mais il se rend vite compte que ce pays est bien différent de ce dont il s'imaginait.

Alex et Jenny vivent à des milliers de kilomètres l'un de l'autre, l'un en Italie, l'autre en Australie. Rien ne les prédispose à se rencontrer. Pourtant ils se connaissent depuis des années. Un lien les unit depuis leur plus tendre enfance : ils communiquent par télépathie.

Lorsqu'ils décident de se rencontrer pour la première fois, ils sont persuadés de vivre une folle aventure. Ils ne pensent pas si bien dire… Pourtant, le jour de leur rendez-vous, ils sont tous les deux au même endroit au même moment mais ne peuvent se voir. Pourquoi ? Et s'il existait des univers parallèles ? Enfin comment Alex et Jenny pourront-ils enfin se rencontrer ? Autant de questions auxquelles ils devront répondre… avant la fin du monde !

Univers parallèle, télépathie et amour adolescent sur fond d'apocalypse, voici l'univers de cette nouvelle dystopie Young Adult signée . Si la lecture de est dans l'ensemble agréable, il convient cependant de pointer quelques petits défauts. L'intrigue est en effet un peu confuse et il est facile de se perdre dans les différentes dimensions, au même titre que les personnages eux-mêmes !

Malgré tout, c'est très divertissant et plutôt addictif.

Les péripéties et rebondissements inattendus s'enchaînent. Quant aux personnages, si Jenny est plus insignifiante, Alex lui est plus intéressant et complexe. Mais entre tous les personnages, le meilleur est sans conteste Marco, le meilleur ami d'Alex. Ce crack en informatique, handicapé physique depuis un grave accident de voiture qui a coûté la vie à ses parents, donne une touche de "fantaisie" au roman. On regrette presque de ne pas le voir assez souvent !

Salem et Laya vivent au sommet d'une colline. Ensemble, ils créent des poteries qu'ils vendent au marché. Avant, une large rivière coulait dans la vallée mais aujourd'hui, il ne reste qu'un mince filet d'eau. Désormais, l'argile se fait rare autour de leur maison. Et sans argile, ils ne peuvent plus faire de poteries, ni gagner de quoi se nourrir. Salem décide alors de partir explorer les terres lointaines, pour trouver de l'eau. Et ce qu'il rapporte de son voyage pourrait bien changer leur vie…

Dans la lignée des contes orientaux, offre au lecteur une histoire douce et lyrique qui fait vivre l'espoir. Salem et Laya, un couple dont l'amour rayonne, illustrent le bonheur d'être à deux, avec tendresse et complicité. La quête de l'eau, fil conducteur de cet album, est construite comme une métaphore filée de la vie, où la réussite est due au partage et à l'entraide.

Le texte est poétique, harmonieux, et joue avec la musicalité des mots qui résonnent dans le désert et chantent l'appel de l'eau. La beauté des illustrations est tout aussi remarquable, photos de tissus chatoyants assemblés avec talent. À chaque page, un nouveau flamboiement de couleurs, ocre comme le sable, violet comme le ciel, bleu comme la vie.

Mickaël El Fathi nous offre pour son troisième album un hommage à la vie, à l'amour et à la terre. Un moment de poésie à partager.