Le garçon au coeur plein d'amour

Quoi de mieux, pour une première Pléiade, que les Évangiles. Bien plus même, puisqu’il ne s’agit pas seulement du canon validé par l’autorité de la Rome impériale au moment du premier Concile œcuménique de Nicée, puis les suivants (qui a par ailleurs joué un rôle crucial dans la définition de la doctrine de l'union des deux natures, divine et humaine, en Christ, et la doctrine de la consubstantialité du Fils avec le Père) : 26 textes du Nouveau Testament, des écrits apocryphes chrétiens et des écrits dits gnostiques.

Les derniers sont tirés, pour une bonne partie, des Manuscrits de Nag Hammadi (Égypte) découverts en 1945. Une trouvaille exceptionnelle reconnue par André Breton en son temps, nous apprend Pacôme Thiellement.

Ces textes s’inscrivent de la fin du premier siècle à la fin de l'Antiquité, diffusés dans diverses langues, du grec à l'éthiopien, où s’est très progressivement imposé le christianisme conciliaire face aux doctrines concurrentes, mais sans jamais réussir à les faire totalement disparaître : jusqu'à aujourd’hui, des personnalités comme Carl Gustav Jung ou Philip K. Dick se sont appuyés sur les doctrines gnostiques qui, face à la nécessité de la foi, professent une expérience du divin et un dualisme fondamental entre le monde matériel, vu comme une création inférieure ou corrompue, et un monde spirituel supérieur.

#[pub-1]

L'Évangile de la Vérité en est un exemple : attribué au gnostique Valentin, il ne se concentre pas sur la vie de Jésus mais offre une méditation mystique sur la nature de la vérité et la révélation. Ce texte, retrouvé dans la bibliothèque de Nag Hammadi, se distingue par son approche symbolique et spirituelle, soulignant la connaissance intérieure et la rédemption par la gnose (connaissance). Le salut est atteint par la révélation et la connaissance intérieure de cette vérité divine.

Plus généralement, les textes dits apocryphes, soit non reconnus par les autorités ecclésiastiques comme faisant partie de la doctrine officielle du christianisme, varient grandement en termes de style, de contenu et de théologie, reflétant souvent les croyances et les pratiques de groupes chrétiens divers et parfois hétérodoxes.

Parmi les textes réunis, l'Évangile de Thomas, de Judas, de Marie, de Nicodème, selon Philippe, mais aussi, entre autres, d’autres regards que ceux des quatre apôtres sur l’enfance, la vie et la passion de Jésus : certains se concentrent sur les enseignements mystiques ou gnostiques, d'autres racontent des histoires détaillées du bambin Jésus, d'autres explorent les rôles et les expériences des disciples et des figures féminines dans les premières communautés chrétiennes. 

Comme de coutume avec la Pléiade, ils sont accompagnés d'un appareil critique complet, et ici d'une préface inédite du grand spécialiste de la question, Paul-Hubert Poirier.

L'illustre - pour les étudiants en Histoire antique en tout cas -, maison d'édition Les Belles Lettres, sanctuaire des littératures grecques et latines, réveille l'immortel maître de la SF Isaac Asimov, qui a proposé en son temps son histoire de l'Empire romain. Descendu des astres lointains de l'imaginaire futuriste pour les colonnes majestueuses des temps du Bélier, l'auteur de Fondation partage des visions où se mêlent intrigues politiques et personnages colorés, avant que le temps les fige dans le monochrome des ruines.

Auguste et Caligula, en passant par Héliogabale, le philosophe Marc Aurèle, Constantin et Septime Sévère, Trajan, Dioclétien, Théodoric...  Près de 500 ans brossés comme on faisait de l'histoire avant, à partir des statues.

Une édition de toute beauté, enrichie d'illustrations signées Benjamin Van Blancke et de cartes, qui suit le volume du même Isaac Asimov qui se concentre sur l'époque de la République romaine, publié en octobre dernier. L'auteur du Cycle des Robots se fait chroniqueur à la manière de Tacite ou Tite-Live, plus subjectif qu'il le croit, entre anecdotes, apartés ou élaboration d'une morale, tissée au moyen d'analogies avec son temps.

#[pub-1]

Isaac Asimov guide les lecteurs, toujours avec cette approche de vulgarisateur qui le caractérise, à travers les quatre siècles de suprématie. L’Empire romain s'est élevé sur les fondations de la République romaine au premier siècle avant notre ère, lorsque Jules César franchit le Rubicon. Un geste rituel minimum pour faire advenir un futur éternel. Auguste, le premier empereur, et deux premiers siècles d'expansion des frontières jusqu'à englober une grande partie de l'Europe, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord.

Le troisième siècle apporte avec lui des turbulences politiques et économiques, avec une succession rapide d'empereurs, souvent proclamés par leurs propres légions. Les incursions barbares et les guerres avec les empires perses érodent progressivement la puissance de Rome. En réponse, Dioclétien divise en 284 l’Empire en deux régions administratives pour en faciliter la gestion : l’Occident latin et l’Orient grec, prémices d'une séparation pour les millénaires.

#[pub-2]

Le cinquième siècle est celui du sac de Rome en 410 par les Wisigoths. L'Empire romain d'Occident s'effondre en 476 avec la déposition du dernier empereur romain, Romulus Augustule, quand l'Empire romain d'Orient perdure jusqu'en 1453, conservant une partie de l’héritage romain. De cette épopée, il en reste beaucoup. « L'Empire n'a jamais pris fin », disait Philip K. Dick, repris par Pacôme Thiellement.

Que garder de la Rome des Sylla et plus tard Julien l'Apostat ? Le Satyricon de Pétrone, les vers de Virgile, les conseils de Cicéron, les histoires de Plutarque, Les Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar.

Nombre d'enfants ont vécu le deuil de leur animal domestique sans savoir comment se débrouiller avec cette première grande séparation. Doivent-ils taire le souvenir de leur compagnon de vie, ou -bien au contraire - laisser parler sa mémoire ? Traité sous la forme d'un récit BD en noir et blanc, Troub's explore, en toute intimité dans ce livre, le souvenir de son premier chat. Un chat tout noir qui a accompagné une tranche de son enfance. Aujourd'hui encore, il occupe largement la mémoire de l'auteur, qui lui rend un bel hommage d'amitié et de fidélité.

Proche de la bande dessinée mais dans la collection que nous avions découvert avec Portrait de chiens et Corps de Ballerine, J'veux pas oublier mon chat de Troub's, également aux Editions Max Milo Jeunesse, est un petit bijou d'émotion sur l'amitié d'un enfant et de son chat avec qui il a toujours vécu. Mais un jour, et c'est la vie, le chat disparait...

PrixFrontieres2024 – Un homme efface toute trace de son passé, y compris son nom, pour recommencer sa vie. Avec 168 548 dollars cachés dans sa voiture, il fuit vers une ville inconnue pour vivre une vie plus simple, loin des privilèges qui ont façonné son identité. Il loue un studio auprès d'une femme étrange nommée Autumn, mais chacune de leurs rencontres est marquée par une méfiance mutuelle.

L'argent s'épuise peu à peu, comme un sablier qui s'écoule. Sugar Street peut être lu comme une réécriture urbaine de Walden de Thoreau, réfléchissant sur le monde moderne et ses dérives. Le narrateur anonyme est en fuite, cherchant à disparaître complètement pour vivre dans la peau de quelqu'un d'autre. Cependant, même en vivant sous une fausse identité et en évitant les technologies de suivi, il est difficile d'échapper au réseau de relations sociales.

Chaque interaction est potentiellement dangereuse pour le narrateur, créant une tension paranoïaque qui monte lentement à mesure que son argent diminue.

, illustrateur et designer français installé à Londres, aime l'architecture. Dans son ouvrage  (Nobrow press) il a d'ailleurs croqué de nombreux bâtiments londoniens, principalement en noir et blanc.

Avec ce nouveau livre, destiné à un jeune public (8-10 ans), il propose à l'enfant d'imaginer puis de dessiner sa maison. Conçu comme un livre de coloriages et d'activités graphiques, de manière progressive et amusante, le lecteur imite, colorie ou élabore lui-même des habitations diverses, se spécialise sur des points de détail, du mobilier ou des éléments spécifiques à la conception d'une maison (menuiseries extérieures, toitures…), développe son imagination, libère des émotions.

Sans didactisme, l'ouvrage présente à l'enfant quelques courants architecturaux, montre la diversité des constructions en fonction des pays, des cultures, des époques,  les illustrent par des monuments célèbres et ouvre ainsi le regard du lecteur, éveille sa curiosité et son imaginaire, l'air de rien. Il lui donne confiance, lui procure l'envie de se lancer ensuite, à son tour, dans la réalisation de dessins personnels ou d'achever les ébauches de l'artiste.

Avec près de 200 pages, l'artiste offre la possibilité de créer, de s'initier avec ou sans cadre, en suivant un rythme personnel, en acceptant ou non les nombreuses propositions. Avec liberté, le lecteur adopte ou se détache de la progression de l'ouvrage, peut refuser certaines consignes, en ajouter d'autres, aller même au-delà. Dans ce livre « tout est permis » souligne l'éditeur.

Ce livre renferme de quoi susciter des vocations précoces et surtout présente une manière ludique et interactive d'amener l'enfant à observer avec intérêt le monde qui l'environne. Sensible à la ville, à ses constructions, il deviendra sans doute plus respectueux et soucieux de l'espace dans lequel il vit et conscient aussi qu'il a peut être un rôle à jouer dans les perspectives urbanistiques futures.

Selon une progression auquel l'enfant n'est pas impérativement tenu (le livre peut être consulté au hasard des pages), il pourra notamment découvrir les différents types de maisons dans le monde, leurs particularités culturelles, les portes et leurs détails (heurtoirs, poignées), quelques styles architecturaux et architectes célèbres  (Art déco,  Bauhaus, Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Alvar Aalto …) et s'en inspirer.

Il aura tout loisir également d'imaginer des maisons insolites (péniches, cabanes dans les arbres, caravanes …) d'apprendre le sens du détail en décorant les intérieurs (papier peint, carrelage, luminaires, robinets, vases, mobiliers divers …). Les décors de la ville lui seront aussi présentés, donnés en modèle (les gargouilles, types de fenêtres, cheminées, boîtes aux lettres, ouvrages d'art, fontaines, girouettes …).

A coup sûr, ce lecteur deviendra vite un fin observateur de sa ville, à l'affût des curiosités qui l'entourent, désormais prêt à vous accompagner pour découvrir ce patrimoine à portée de crayons, libérateur de rêveries et d'imagination.

Après une guerre de religion interplanétaire qui a dévasté la galaxie 200 ans plus tôt, quatre divinités, surnommées « Le Grand Quatuor », ont décidé d’établir un nouvel empire. Ces dieux ont instauré une dictature violente et répressive, éliminant toutes les autres formes de religions sauf celle qui leur est dédiée. 

Malgré la surveillance des Légions divines créées pour faire respecter cet ordre, les différents peuples et espèces continuent de vénérer en secret leurs anciennes croyances. Dans ce contexte est apparu un nouveau métier : celui des chasseurs de reliques. Ces individus parcourent l’univers à la recherche d’artefacts sacrés. 

Xia et Little Mercur, considérés comme deux des meilleurs chasseurs de reliques, sont engagés dans une mission périlleuse pour retrouver un mystérieux bio-grimoire. Ils sont accompagnés de Vitellius, un ancien centurion déserteur.

Attention : voici un album pour affamées et affamés… Religion, despotisme, dictature, manipulation, mensonges d’État, le tout au niveau intergalactique… Le tout avec action, intrigue et humour dans un univers de science-fiction foisonnant. ActuaLitté aime. Moi, j’adore. 

Imaginez pouvoir vivre dans une gigantesque maison ! Trois cuisines, quatorze bibliothèques et quatre-vingts salles de jeux ! Ce serait plutôt sympathique. Sauf si vous y rencontrez le diable. Dans ce cas, cela devient problématique... Voici ce qui arrive à un bonhomme vivant dans une immense demeure. « C'est un monde ! » s'écrit-il à chaque fois que le diable apparaît. Et les phénomènes qui se produisent dans sa maison sont de plus en plus étranges. Ce sont même de véritables catastrophes ! À moins qu'ils ne soient la solution pour s'ouvrir, enfin, au monde.

Avec de subtils collages et superpositions de matière, crée un album riche de sens et d'interprétations. Les illustrations regorgent de détails et, comme l'histoire, elles partent dans différentes directions. Coup de crayon sur la page du texte, inversion des pages, phrase tarabiscotée : tout dans cet album symbolise l'anarchie... pourtant bien maîtrisée par l'auteur-illustrateur. Et quelle récompense, à la fin, de comprendre le titre entier ! Avec C'est un monde, vous partirez loin. Qui sait si vous reviendrez ?

Déborah Durand

Kate Beaton, on est tous très fans à la librairie de son album jeunesse La Princesse et le Poney. Attention, changement de ton, radicalement différent, avec ce roman graphique de près de 450 pages, sacré comme son préféré en 2022 par Barack Obama. 

Kate Beaton, la petite vingtaine, va avoir besoin d'une rentrée d'argent si elle veut pouvoir rembourser son prêt étudiant... Et cela va l'amener à traverser le Canada, quitter la Nouvelle-Ecosse pour aller en Alberta et travailler dans l'extraction du pétrole dans les sables bitumineux. C'est bien payé mais les conditions de travail sont dures, crasses, et la plongent dans un univers très masculin...

La toxicité du titre est alors double, celle de son environnement industriel mais aussi celle de ces hommes qui, si certes ils ne sont pas tous à blâmer, sont terriblement nombreux à avoir des comportements qui peuvent culminer au cauchemar.

Lecture dense, faisant monter graduellement l'oppression du quotidien, avec une Katie courageuse et résignée, mais qui n'en est pas moins victime.

Vincent Cuvellier et Charles Dutertre n'en sont pas à leur coup d'essai. Nous les avons découvert dans Tu parles Charles paru en 2002 aux éditions du Rouergue. Ils ont renouvelé l'expérience en 2006 avec La première fois que je suis née chez Gallimard et nous les retrouvons aujourd'hui dans cet album : . Une histoire d'amitié, de différence et de relativisme !
Josef est né tout petit, « un rien du tout de bébé », mais après un mystérieux voyage loin de son village de Mitidescu, le petit Josef ne va plus jamais cesser de grandir, grandir, grandir…
Si, dans un premier temps, ce phénomène inexpliqué lui permet d'aller à l'école puis de travailler, très vite, cette taille devient insupportable et le grand Josef s'éloigne du monde et s'emprisonne dans la maison de sa mère.
Heureusement, son meilleur ami, Karel, va le faire voyager et, face à la mer, face à la montagne, l'humain, quel qu'il soit, est toujours tout petit !
Les illustrations de Charles Dutertre sont ici plus complexes avec des tampons, des collages, des jeux d'ombres ainsi qu'un petit côté retro qui convient particulièrement bien au récit.

Un livre carré en carton résistant abritant un hippopotame rose ? Oui, mais pas seulement. Cet album contient aussi des mots, pas si faciles, disposés face à face et au sens opposé. Nous avons par exemple « positif/négatif, carré/rond, opaque/transparent, etc. ». Le tout permettant à l'enfant de mieux comprendre les contraires et ainsi de mieux les mémoriser.

Un hippopotame rose pour apprendre ? En voilà une drôle d'idée !

Dans ce gros album rigide, parvient de façon très juste à rendre vivant notre hippopotame rose. Aucun texte pourtant, sauf les deux mots que l'animal illustre. L'auteur se sert des couleurs, des tailles, de la matière aussi. En effet, certaines pages sont tactiles comme celles consacrées à « doux » et « rugueux ». La simplicité de cet album lui confère toute sa dynamique. L'ensemble est tout à la fois joyeux, ludique et instructif. Un véritable dictionnaire pour les 0-2 ans ! Nous, on en redemande !

À noter que Mon hippopotame est une réédition et a été sélectionné en 2011 pour le Prix Sorcières du meilleur album. 

Paris n’avait pas assez du titre de Ville Lumière : elle devint également la capitale mondiale des Arts et de la Sorcellerie. Un univers réglementé où même la procréation médicalement assistée a basculé dans un mode opératoire magique. Manon et Mila y avaient placé tous leurs espoirs de devenir mères.
Avant.

Parce que depuis la Déchirure, la magie a disparu. Et la cité est brisée, reposant sur les ruines d’un désastre que l’on n’explique pas. Une brigade dédiée à la traque des artefacts encore en circulation tente de maintenir un semblant de paix civile.

Non qu’avant, ce fut vraiment la joie : les opposants à la magie ne manquaient pas…

Mais désormais, tout cela ressemble à une fragile illusion de société. Surtout quand des sorciers, dont les pouvoirs semblent toujours actifs, partent en chasse d’une jeune fille et de son chat géant.
Un premier opus au rythme haletant, dans un univers extrêmement bien pensé.

Voilà près de 50 ans que le Condor a vu le jour, sous la plume de James Grady. L’écrivain américain lui donnait vie dans Six Days of the Condor, en 1974 – il avait tout juste 23 ans. Depuis, quand on parle de thriller d’espionnage, son roman s’impose comme l’une des références.

Rivages a fait paraître en octobre dernier Roulette russe (traduction d’Hubert Tézenas, Russian Roulette of the Condor en version originale), qui joue habilement avec les ressorts modernes et les tensions géopolitiques internationales.

Le tout, sur fond de pré-retraite, dirait-on : d’employé de la CIA en bas de l’échelle, le Condor est devenu l’une des références de l’agence. Mais là, c’est comme un coup de vieux… Surtout quand il comprend que les plus grands scandales de la Guerre froide se reproduisent de nos jours.

Et plus encore, car ce livre comporte en réalité six récits – on apprécie l’allusion au barillet du pistolet à six coups : reste à savoir, quand on joue à la roulette russe, si l’emplacement est vide… ou s’il contient la balle mortelle du joueur.

Splendide pour les connaisseurs et idéal pour découvrir.

Les aventures magiques et merveilleuses d' et de sa noble table ronde. Les enfants ont 7/8 ans et veulent tout faire comme les grands ! est déjà amoureux de (et réciproquement) et , apprenti magicien, tente sur ses petits camarades des expériences plus que douteuses.

Dans le 1e tome ; Un grimoire pour Merlin, le jeune enchanteur qui a récupéré le vieux grimoire de son père tombé d'une pile de livres, s'essaie sur Lancelot…et rate ! Exclu de la bande d'amis, il va se retrouver prisonnier de la sorcière de la forêt ! Mais l'amitié est là. Merlin parviendra non seulement à être libéré, mais également à redonner discrètement le grimoire à son propriétaire.

Dans le 2e tome ; Des soucis pour Lancelot, Merlin enrôle Lancelot, le jour anniversaire de Guenièvre, pour trouver la fameuse fontaine de jeunesse éternelle. Malheureusement, cette dernière est gardée par un horrible nain. La méchante sorcière intervient de nouveau (voir T1) pour tenter de se venger et au final, les deux méchants barboteront comme les enfants qu'ils sont redevenus dans l'eau de la fontaine merveilleuse.

Beaucoup d'humour et d'émotions pour les deux premiers tomes de cette série dont on attend impatiemment la suite !

Julie Maré

Dans les méandres sentimentaux d'un protagoniste des temps actuels, on découvre une fusion détonante entre humour décalé, rêveries excentriques et quête de sens. Vincent, reclus dans son cocon urbain, est un maître incontesté de l'art de remettre à plus tard.

Prisonnier de ses rêveries, il hésite, tergiverse, et parfois, se laisse emporter par des impulsions déconcertantes. Et puis, il y a Julia. Cette mystérieuse voisine qui, un beau jour, frappe à sa porte, bouleversant son quotidien et ajoutant une touche de piquant à ses journées déjà si singulières.

Matthieu Chiara explore avec beaucoup d’humour les affres d’un jeune trentenaire qui découvre avec sa voisine un être au monde bien plus immédiat que le sien, peut-être plus sain, du moins en parfaite contradiction avec une manière d’être profondément cérébrale, où tout s’intellectualise.

Il nous emporte avec finesse dans une comédie dramatique où les tons se superposent, où l’humour domine, où l’humour délivre bien plus que du rire, où l’humour, comme le disait Desproges, est la politesse du désespoir.

Vous connaissez AirBed ? C’est un service de mise en relation entre propriétaires et vacanciers qui souhaitent louer appartements et autres. Benette Driscoll, 50 ans, n’ayant plus rien à faire de sa vie – sa carrière est au point mort et son mariage, pas mieux.

En fait, ses peintures ne se vendent plus et son ex-femme s’est tirée avec un gestionnaire de fonds spéculatifs new-yorkais. La classe.

Alcoolique, il décide donc de louer un studio, à l’arrière de sa maison, avec AirBed. Et de devenir Super Hôte.

Les rencontres de locataires s’enchaînent, toutes passablement démoralisantes, jusqu’à Emma, une artiste abandonnée par son Britannique de mari. Qu’espérer de mieux qu’un personnage totalement égocentrique, entre bonne humeur et histoires sentimentales décousues ?

Pour avoir mérité qu’Albert Camus lui consacre un ouvrage, Caligula, bref empereur romain, et troisième depuis qu’Auguste instaura ce nouveau régime, incarna une cruauté et un despotisme tout particulier. Et sa haine pour le Sénat lui attire, de la part de plus fidèles serviteurs de Rome, une critique acerbe.

Caius Maximus Claudius, centurion aux faits d’armes connus de tous, compte parmi les détracteurs. Mais Caligula a le pouvoir, et pour faire taire l’opposant, lui confisque son existence : famille, citoyenneté, possessions… Caius se retrouve réduit à l’état d’esclave. Mais cette déchéance n’est pas assez : pour l’empereur, une ultime épreuve s’impose.

Lors des festivités des Némorales — trois journées de célébrations en l’honneur de Diane, devenues l’Assomption dans la religion catholique — un esclave peut retrouver la liberté. À condition d’échapper à une chasse à l’homme des plus meurtrières.

Un monde antique au despote devenu fou et assoiffé de mort… quelques petits dérapages dans les textes, qui auraient mérité une attention pour éviter de malencontreuses répétitions, mais un concentré de testostérone et de rage de vivre. Hautement recommandable.

Un éditeur m’expliquait que les nouvelles, en France, ce n’est pas la panacée, et que franchement, il n’est pas évident de tirer de l’ombre un jeune auteur qui en maîtrise le geste. Fait d’autant plus probant selon lui, il faut s’être fait (re)connaître auprès du grand public pour que le recueil se vende. C’est son métier après tout, je ne le contredirais pas.

Quelques ombres, ce sont huit nouvelles qui donneraient de l’eau au moulin de ce brave éditeur. Pierre n’en n’est pas à son coup d’essai, avec ses treize romans depuis 1982. En revanche, il possède les clefs d’un récit assez concis et cinglant. Particulièrement.
Un homme et une femme achètent un appartement minuscule, dont la dame tombe amoureuse. Sa petitesse, son charme discret : tout lui évoque une vie future merveilleuse, pour eux et leur enfant à naître. L’homme passe un mois à aménager l’endroit, pour le rendre praticable. Il sue, travaille chaque nuit… « Maintenant, c’est moche », lui dit-elle lorsqu’elle voit le résultat.

Point final. C’est… âpre. Rugueux et ça vous macère dans la cervelle de longues minutes encore après avoir tourné la page. Or, ce n’est qu’un amuse-gueule.

Des parents d’une cité pauvre abandonnent leurs enfants dans un centre commercial avant que de se suicider en ouvrant le gaz. Si par miracle l’enfant parvient à revenir chez lui, que pensera-t-il de cette maman qui laisse une mouche lui rentrer dans la bouche.
Second uppercut.

Un comédien imbus de lui-même, assiste à une cérémonie de remise des prix. Le théâtre, c’est un milieu qu’il pratique depuis longtemps. Assuré de sa victoire, comment réagira-t-il en contemplant son plus grand rival remporter Les Lauriers ?

Ça grince toujours ?

Admettons que vous tombiez amoureux, et donniez rendez-vous à la douce, dans un café, pour la revoir. Elle ne vient pas. Mais vous l’aimez. Et enquêtez sur son silence soudain. Vous apprenez de son concierge qu’elle est partie précipitamment de chez elle le jour de votre rendez-vous… mais qu’elle s’est fait renverser par un bus. Elle a les deux jambes tranchées. À l’hôpital depuis tout ce temps… Et les autres qui ne voient qu’une infirme en elle.

Là, ça démange encore, non ?

Quelques ombres, ce sont des récits accablants qui détaillent méthodiquement tous les aspects de l’inconfort, du désastre quotidien. Ce qui dérange et rend insupportable le siège dans lequel vous lisez. On cherche une position pour aborder les histoires mais chacune porte un méchant revers au moral, et bringuebale son lot de déprime et de sinistre mélancolie.

Bien écrites, et plutôt efficaces, les nouvelles vous immergent dans la noirceur, ménageant leurs effets, triant avec précaution les fils d’une mise en scène qui finira mal.

Car l'ombre, c'est surtout ce que l'on traine derrière soit et qui peut vous suivre ou vous poursuivre...

On supporte, ou non. On n’en sort pas vraiment indemne. Juste un peu écoeuré, si l’on ingurgite toute cette mixture d’un trait.

Un bon livre ? Il ne me semble pas que l’on puisse parler de « bon » ou de « mauvais » dans ce cas. C’est à encaisser, dans tous les cas. Ou à éviter de toute urgence si vous avez un tempérament sensible.

“Reviens, tout est pardonné !” Tout Benjamin est là. Publié en 1928, Rue à sens unique, presque une réponse aux chemins qui ne mènent nulle part : de petits textes fragmentaires, ou plutôt des collages à la Dada ou Burroughs, et de la pensée au travers de souvenirs d’enfance, notes autobiographiques, scènes de la vie de l'asphalte et de réflexions des plus volatiles. 

Walter Benjamin est un penseur exigeant, car tous ses axiomes s’éloignent radicalement de l’intuitif, tout en étant intégralement, en dernière analyse, du ressort de l’intuition totalisante. Benjamin fait de la philosophie en poète, comme Nietzsche, et parle de la Modernité. Déjà, les marchandises de Chine, le ministère de l'intérieur, mais aussi les salons de coiffure pour dames, le bureau des objets trouvés…

Sa technique d’écrivain : “Ne laisse aucune pensée passer incognito, et tiens ton carnet de notes de façon aussi draconienne que les pouvoirs publics tiennent le registre des étrangers”.

“Le travail d’une bonne prose comporte trois niveaux : un niveau musical, dans lequel elle est composée ; un niveau architectonique, dans lequel elle est construite ; enfin un niveau textile, dans lequel elle est tissée.”

Qu’est-ce donc que de créer ? Oh, la jolie question que développe Patrice Pluyette dans ce nouveau roman.

Et d’adopter le prisme d’un jeune cinéaste, pour tâcher d’y trouver une réponse. Il est juste que s’attaquer à une adaptation de Roland furieux de L’Ariosto, pour sa première aventure cinématographique n’est pas chose aisée. Mais quand les éléments s’en mêlent et vous placent des bâtons, devenus d’énormes rondins dans les roues…

Affublé d’une équipe de tournage calamiteuse et intenable, d’acteurs dont le talent réside plus dans l’incompétence crasse que dans l’interprétation, voici un ouvrage plaisant. Il se meut en making-of surprenant des aléas d’une production audiovisuelle, dont l’avenir est plus que compris. 

J’étais très inquiet, cette fois-ci, la situation nous échappait pour de bon.

Aussi, bien que ce film soit voué à l’échec, comme son titre le laisse entendre, notre cinéaste n’en incarne pas moins un idéal chevaleresque — à l’image de Roland. Lequel, comme on s’en souvient, périt à Roncevaux, brisant son épée mythique Durandal. Mort au champ d’honneur pour défendre sa patrie… un sacrifice ultime que l’on ne demandera pas à ce jeune créateur.

Dans cette petite ville, chacun connaît l'ange, cette statue noircie par le temps qui sert de repère dans la ville. Un jour, l'ange disparaît. D'un coup, sans explication ! La peine est immense pour tous les habitants. Puis, petit à petit, la vie reprend son cours et quelques petits miracles sont accomplis. Mais jamais l'ange ne sera oublié et chacun continuera à penser à lui.

est un album très poétique, tant par la musicalité du texte que par la subtilité des illustrations. L'auteur a su trouver les mots pour évoquer des sentiments confus, grâce à des phrases courtes et simples. Quant à l'illustrateur, il joue sur les gros plans et les panoramiques pour faire surgir l'émotion, et les couleurs choisies sont toujours appropriées (sombres pour les tristes pages et plus claires lorsque l'humeur est de nouveau bonne). Textes et images s'accompagnent et forment, en cohésion, une œuvre saisissante qui incite grandement au rêve et à la réflexion. Après tout, ne connaissons-nous pas un ange, nous aussi, que nous oublions souvent de remercier ?

Déborah Durand

Entamée en janvier 2021, la série Elecboy de Jaouen Salaün mêle le post-apocalypse et son flot de questionnements sur la survie de l’espèce humaine. Naissance, Révélations puis La Data Croix, en attendant le final opus, Le Mur du temps (août prochain), voilà déjà de quoi savourer un univers aussi complexe qu’aride.

Nous sommes plongés dans les premières décennies du XXIIIe siècle : les États-Unis sont un territoire brûlé, la civilisation réduite à sa plus simple expression, dans ce qui relève plutôt du bidonville.

Et l’eau devient la ressource première, l’enjeu primordial.

Une communauté indienne reconstituée a pris le pouvoir, sous l’égide d’un chef chaman. Hors de leur empire s’étend cette ville branlante, où Joshua vit, seul avec son père. Ce dernier est puiseur : il est responsable avec son équipe de l’eau. En travaillant sur l’un des espaces d’approvisionnements, les voici attaqués par des créatures cybernétiques, qui en ces lieux paraissent irréelles. Et pourtant intrinsèquement corrélées à la quasi-extermination de l’humanité, quelques dizaines d’années plus tôt.

Joshua porte en lui un secret dont il ignore tout. Entre brutalité, sauvagerie et vengeance, le passé occulté revient avec force. Au risque de tout emporter sur son passage.

Un port, ses bateaux, son phare ; l'espace, ses planètes, astronautes et vaisseaux spatiaux ; la jungle, ses singes, perroquets et autres animaux ; le monde aquatique, ses poissons, crabes et sous-marins ; la fête, ses jongleurs, acrobates et musiciens… Avec , bébé part à la découverte de l'univers dans lequel il vit.

Avec ce nouvel opus de la collection Avec mon doigt…, l'enfant développe son sens du toucher grâce aux volets et rabats à ouvrir, aux trous et rainures à parcourir, aux matières à tripoter du bout des doigts. Douceur, rugosité, mollesse, les sensations se succèdent pour que l'enfant appréhende au mieux le monde qui l'entoure. L'ouïe est aussi de la partie avec, pour chaque double-page, deux univers sonores en rapport avec la scène représentée à déclencher. Les plus grands s'amuseront à chercher sur les illustrations de Stella Baggott le détail associé à chaque son.

Les éditions Usborne proposent aux tout-petits un album ludique et coloré à feuilleter et découvrir du bout des doigts, tout seul ou avec sa maman ou son papa.