Kid au 1er Sommet des Animaux

Caméléon, Florence Medina veut vraiment toucher à tout. Elle écrit, aussi. Elle irait, versatile, « là où les personnages l’entraînent ».

Dans 17 millimètres, deux chiffres sillonnent l’histoire : 16 (âge de Mona) et 17 (le nombre de millimètres de l'embryon que Mona a potentiellement dans son ventre).

Même si la grossesse non-désirée peut apparaître détabouisée, le récit soulève la question, encore houleuse, de la honte, grossissante, d’être jugée en permanence, en tant que jeune femme qui part à la découverte de son propre corps, qui se lance dans l’aventure, fructueuse ou non, des premiers émois – premiers ébats maladroits.

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La voix de l’adolescente résonne, l'oral nous surprend, et surplombe le récit ; on parvient sans mal à s’identifier, et à se rappeler de notre visage d'ado, juvénile et carrément paumé, qui a un peu honte et qui se sent dépassé·e par ses propres actes sans les comprendre.

La subtilité, elle est surtout dans ce vers libre. L'avantage – ou l’aventure : faire respirer l’histoire, dont le thème reste quand même complexe à faire ressentir sans le rendre trop exagéré, ou trop gros.

Un beau jour, un lion arrive dans une petite ville et déambule dans ses rues, motivé par l'achat d'un chapeau. Jusque là, rien de bien étonnant. Là où l'affaire devient proprement loufoque, c'est lorsque les riverains, terrifiés par ce gros matou à cheveux longs, s'échinent à le chasser.

Notre présumé prédateur prend la fuite et trouve refuge, par le plus grand des hasards, chez la seule personne raisonnable du coin : une fillette prénommée Iris.  Celle-ci va s'efforcer de dissimuler la présence de son nouvel ami à ses parents et, franchement, ce n'est pas chose aisée... Et vous, comment cacheriez-vous un lion?

est un petit livre sans prétention, et pourtant... Pourtant il est joli, avec ses crayonnés enfantins riches en couleurs. Pourtant il est rigolo, grâce à , qui y a mis son humour un peu décalé, exquis et so british !  Pourtant il est tendre, dans ce qu'il raconte d'amitié et de douceur.

Pourtant il est simple, à travers son histoire intelligente, claire et épurée. Pourtant... Pourtant... Pourtant il est parfait ! Alors vous pouvez passer à côté de ce petit bijou, faire fi de notre enthousiasme, ignorer cette trouvaille littéraire et faire sans. Pourtant... Pourtant vous auriez tort !

Une fillette sans sourire et aux petits yeux tristes se réveille un matin et s'aperçoit que des feuilles mortes envahissent sa chambre. Elles n'en finissent pas de tomber et recouvrent tout de noir. Surtout les idées de l'enfant, empêtrées dans cette humeur automnale. Notre tendre héroïne semble se déplacer doucement, ralentie par un cœur bien lourd. Elle essaie d'exprimer sa solitude, son chagrin, ses angoisses face à un monde auquel elle ne semble pas appartenir. Et puis, parce qu'il faut bien que la mélancolie prenne fin et que les saisons se succèdent, le printemps sentimental arrive.

est un album incroyablement beau, délicat et dense. Shaun Tan, auteur et illustrateur, ne s'abandonne à aucune facilité: chaque page est travaillée comme un tableau unique, riche d'autres couleurs, techniques et effets que la précédente. Il dessine les émotions avec complexité et profondeur. Le texte est à la fois très sensible, poétique tout en restant laconique. Le tout rend une impression de délicieuse mélancolie à laquelle on s'abandonne volontiers. Et la fin nous sauve, optimiste et merveilleusement lumineuse. Elle nous laisse comme la petite fille de l'histoire: pleins d'espoir et souriants. A faire découvrir absolument aux enfants à partir de 10 ans.

Quand on est jeune, notre papa est plus grand que nous. Quand on est grand, notre papa fait la même taille. Mais plus le temps passe, et plus notre papa rétrécit, jusqu'à parfois adopter des comportements enfantins.

Avec Mon petit Papa, sorti chez Sarbacane, Davide Cali et Jean Jullien livrent une histoire pleine d'humour et de tendresse sur l'amour filiale et sur la vieillesse. À travers ce récit, les auteurs racontent la sénilité, les dégénérescences qui accompagnent le grand âge, mais aussi les responsabilités et les affections qu'impliquent de tels états.

Malgré la gravité d'un tel sujet, ils évitent avec subtilité le pathos et proposent une fable étonnamment réjouissante.

Les dessins de Jean Jullien comptent pour beaucoup dans la bonne humeur qui plane sur l'album. Allant à l'efficacité, l'auteur ne s'encombre pas de décor et ressère les images sur la relation entre un fils et son père. Son trait vibrant, tremblant et matiéré, confère aux images une belle énergie et traduit un plaisir de faire palpable et communicatif.

"Mon petit Papa" est un album plein de vie qui aborde avec originalité et douceur une thématique peu traitée dans l'album jeunesse et pourtant si essentielle car touchant beaucoup de nos aînés.

Ouhhh, que c'est bon, ce roman !
Dans un futur plus ou moins lointain, le monde est dominé par un Capitole tout puissant, qui écrase de sa tyrannie les Douze Districts. Afin de leur rappeler qui est le chef, le Capitole organise chaque année les , les Jeux de la faim. Chaque district doit fournir un garçon et une fille, et les vingt-quatre élus s'affronteront jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un. Pour sauver sa petite soeur désignée par le sort, Katniss se porte volontaire pour les Jeux. La population est obligée de suivre à la télévision le massacre.

C'est cruel à souhait, haletant et drôlement bien fichu, mâtiné en outre d'une réflexion sur notre part d'humanité et d'un triangle amoureux tout sauf guimauve.

Le roman rappelle furieusement Battle Royale (en nettement moins sanglant), Running Man ou Marche ou Crève (de Richard Bachman/ Stefen King) pour le suspens, et le cheminement intérieur des héros, ainsi que le plus récent (et magnifique) Combat d'Hiver (de Mourlevat) pour la relation qui se noue entre les héros.
Apparemment, ce roman, premier d'une trilogie (oui, encore, mais celle-ci vaut le coup), fait un tabac aux EU : c'est mérité. Le second devrait paraître en mai.

Ca y est. Barnabé a franchi le pas.

Il a enfin déclaré sa flamme à la jolie Pauline par l'intermédiaire d'une lettre glissée dans ses affaires de classe. Mais voilà qu'en plein cours sur l'impératif, le gros Dédé vole le précieux courrier et qu'un drôle d'individu prend la classe en otage et menace tout le monde avec un pistolet. C'est certain, la leçon de conjuguaison va être pour le moins originale aujourd'hui.

Dans ce court roman, nous parle tout simplement d'amour. Le vrai, le beau, celui qui fait vibrer le coeur ... même quand on a 10 ans !

L'histoire d'Amour, impératif et pistolet est toute simple et en même temps extraordinaire. Extraordinaire tout d'abord, car ce n'est pas tous les jours qu'une maîtresse d'école voit débarquer en classe un admirateur éconduit une arme à la main.

Simple ensuite, car il est question de conjuguaison et de sentiments amoureux, choses que tout un chacun maîtrise, certes parfois avec quelques difficultés, mais qui font partie néanmoins de notre quotidien.

Cocasse, amusant, touchant, ce récit trouvera sans aucun doute le chemin du coeur des enfants et... celui de leur parents bien sûr.

« Il a fallu que le seul coup d’un soir de ma vie soit mon nouveau patron... »

Trompée par son fiancé après des années de relation, Yu Jian, rédactrice dans un magazine de mode, décide de partir sur un coup de tête à Paris où elle y rencontre un beau Coréen avec qui elle passe la nuit. Son premier coup d’un soir ! Pas le temps de pouvoir avoir son nom, elle s’enfuit le matin même en lui laissant un simple mot de remerciement.

Les ennuis commencent quand elle retrouve ce bel inconnu dans son bureau. C’est son patron ! Pire encore, il a l’air de, non seulement se souvenir d’elle, mais en plus d’être assez agacé d’avoir été laissé en plan...

Édition papier du Webtoon du même nom, The Runaway mélange comédie et amour, et plaira à tous les fans de romance. Un livre qui se lit facilement, qui fait sourire et rire.

Une héroïne à la personnalité assez maladroite et sans filtre, un patron aussi froid qu’irrésistible, un voisin papa célibataire complètement craquant, un ex un peu trop collant : il y a tous les ingrédients nécessaires pour réussir une bonne comédie romantique.

Yasuro et Misuko forme un couple comblé. La vie vient de leur offrir une magnifique petite fille qu'ils nomment Aya. La fillette grandit et montre une grande inclination pour la musique. Mais un jour, assistant à un spectacle avec son père, une révélation s'impose à elle. La musique ne lui suffit plus. Elle apprendra à danser et deviendra une Geiko, une Geisha de Kyoto. Envers et contre tout, Aya s'apprête à accomplir son destin.

Magnifique histoire illustrée de dessins subtils et délicats, est un album stupéfiant de poésie et de délicatesse.
Dorothée Piatek y conte le destin contrarié d'une petite fille devenue femme dans la grande tradition des drames orientaux et plonge le lecteur dans un Japon envoûtant. Les odeurs, les couleurs, les sensations qui se dégagent de l'histoire sont sublimées par les illustrations de Magalie Fournier entre rondeurs enfantines et fresques délicates.
Geishas, Maikos, samouraïs, riches admirateurs et directrices de maisons de Geiko aux fourbes desseins, peuplent le parcours d'Aya jusqu'à son tragique et émouvant dénouement.
Les éditions Petit à Petit nous offrent avec Blanc, un album d'une grande qualité que l'on pourrait presque ranger dans la catégorie beaux-livres et une immersion dépaysante et fascinante dans le Japon d'Edo. Un seul mot s'impose : Arigatai !

Leïla Pelfresne

Souriceau a une bien jolie maison qu'il aime beaucoup. Oui, mais voilà... Un jour il se rend compte qu'une de ses fenêtres est de travers. Il est trop petit pour la redresser. Saperlipopette ! Heureusement, Ours passe par là. Il est assez grand, lui, pour la remettre droite. Oui, mais voilà... La fenêtre se brise entre ses pattes. Saperlipopette de saperlotte ! Par chance, Souriceau a de nombreux amis... tous plus maladroits les uns que les autres. De fil en aiguille, la maison se retrouve en très mauvais état, et Souriceau est bien malheureux. Heureusement, quand tout va mal, on peut toujours compter sur ses amis...

Dans la vie, c'est important d'avoir des amis même si parfois, à vouloir bien faire, ils ne font qu'aggraver les choses. Mais il ne faut jamais baisser les bras et se laisser submerger par le désespoir, car l'amitié triomphe toujours. Et si tout n'est pas toujours parfait, ce n'est pas bien grave : il faut savoir se contenter de ce qu'on a. C'est ce que nous enseigne dans , un joli album aux couleurs automnales.

Les illustrations de Sally Anne Garland nous dépeignent un monde tendre et doux dans les tons bruns, bleus, verts, roses, avec de mignons personnages qui feront craquer vos enfants. Avec, en fin d'album, une page à rabat pour faire de la nouvelle maison de Souriceau une vraie surprise…

Certaines personnes n'ont pas les pieds sur terre. On dit d'eux qu'ils ont la tête dans les nuages. Le petit héros de cette histoire n'a pas seulement la tête: c'est tout entier qu'il vit dans là-haut. Il rêve, sans arrêt. Il trouve que le monde, celui qui est sensé être vrai et réel, n'a rien d'attirant. Il a tissé un fil imaginaire, très très loin du sol, sur lequel il se promène en funambule des songes. Certains essaient de le ramener en bas, d'autres montent parfois lui rendre visite. Ce qui est sûr, c'est que ce petit garçon est triste à l'idée de quitter son univers. Sa maman le console en lui faisant un joli cadeau, le plus beau de tous. Elle seule le comprend, et pour cause…

nous livre avec Funambule une histoire très personnelle, puisqu'il s'agit de la sienne. Cet hommage sensible à l'auteure de ses jours saura toucher les petits lecteurs qui se sentiront chez eux dans cet univers chimérique et poétique. Quant aux illustrations de Virginie Rapiat, c'est tout simplement un feu d'artifice sur papier, explosant à chaque page. Un ravissement de couleurs, d'effets et de détails qui saura arrondir les pupilles, qu'elles soient petites ou plus grandes déjà. Enfin, ce joli livre constitue un excellent prélude à l'œuvre d'Italo Calvo, Le baron perché, un rêveur, encore, mais pour plus grands.

Katherine Mansfield décédait il y a 100 ans où un peu plus (le 9 janvier 1923 précisément), mais qui est donc cette illustre inconnue ? C’est précisément ce que va s’attacher à faire Madame la Professeure Henriette Levillain qui a publié chez Flammarion cette biographie, Katherine Mansfield. Rester vivante à tout prix, vous la faire connaître.

Brève biographie de l’aveu de son autrice, d’une femme morte de la tuberculose près de Fontainebleau à 34 ans. Née à Wellington en Nouvelle-Zélande, nous savons dès la quatrième de couverture que cette femme a eu une vie différente de la vie conventionnelle que devaient avoir les jeunes femmes de son époque. « Parvenue en Angleterre en 1908, elle s’affranchit de toutes les convenances, persuadée que sa création littéraire bénéficierait de cette libération ».

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Danseuse et chanteuse pour gagner sa vie, elle cumulera les aventures sans lendemain, fera une fausse couche, deviendra stérile et renaîtra de ses cendres grâce à l’écriture. Une âme faite pour écrire. L’écriture comme drogue, nécessaire pour « rester vivante à tout prix ».

En refermant ce livre, nous regardons ce portrait, un échange de regard entre ce qui est et n’est plus et nous espérons presque qu’elle ressente la légère honte que nous avons à ne pas l’avoir connue plus tôt. 
Le mal est réparé chère Katherine Mansfield, ceux qui liront cette biographie ne vous oublieront plus !

L'héroïne de cette histoire, Maddy, est une adolescente. Jusque là, rien de fou, nous direz-vous. Elle aime décalquer les pierres tombales, vit seule avec son père, médecin légiste de sa petite ville proprette et sert de faire-valoir a sa meilleure (et unique) amie, la flamboyante Hazel. Son quotidien est relativement routinier, tranquille, à peine bousculé par les morts successives et présumément accidentelles de trois de ses camarades du cours de cuisine. Il y a bien deux gothiques qui la persécutent en douceur mais à part ça, elle reste parfaitement invisible. Jusqu'à l'arrivée de Stamp, le stéréotype du beau gosse, fraichement (et providentiellement) arrivé  dans son lycée, qui lui, la repère illico. Seulement, le soir où elle fait le mur pour le rejoindre, elle prendra un coup de foudre.  Ce n'est pas une métaphore mais bien un éclair qui va lui défoncer la calotte crânienne. Et après avoir inhalé de la boue pendant deux trois heures, elle se réveille, un peu différente...

Avec , cède à la mode du mort-vivant, en nous en proposant une version ado riche de tous les codes et repères de la série B amerloque, le second degré en plus! Il y a tout, le questionnement existentiel, les choix inévitables, les secrets, la rivalité entre filles, le triangle amoureux, le bal de fin d'année version trash avec des meurtres dans les toilettes et tout le toutim.  C'est un premier tome d'une série qui s'annonce efficace sans pour autant vous grignoter la cervelle !

Lorsque Mélanie traite Émile de gros naze parce qu'il jette un papier par terre, le jeune adolescent s'interroge: sera-t-il un gros naze lorsqu'il sera adulte? Pour le savoir, il a une idée. Se rendant chez son grand-père Vlad, Émile décide d'emprunter son passage secret permettant de voyager dans le temps. Et le voilà en 2065 ! Émile découvre alors sa ville engloutie par l'océan, des voitures qui fonctionnent grâce aux déchets et un climat fortement réchauffé. Et puis, Émile rencontre aussi Alaska, une curieuse fille aux beaux yeux. Mais qu'est devenu le vieil Émile ? L'enquête commence.

Dans ce roman d'anticipation, le monde a vraiment changé mais ni robots ni machines ne gouvernent la Terre. Dans , ce sont surtout les inégalités qui perdurent et une lutte entre ceux qui veulent sauver la planète avec écologie et ceux qui pensent surtout aux pertes financières. Jean-Michel Payet nous décrit un monde possible et, si nous ne faisons rien, ses malheureuses prédictions se réaliseront.

En attendant de connaître le futur, nous découvrons celui que voit Émile et son aventure pleine de suspense incite grandement à réfléchir. 2065 est aussi un roman qui fait rire, grâce à de nombreuses scènes pleine d'humour, et qui intrigue: qui est vraiment Alaska? Quelles sont les organisations espionnes dont il faut se méfier? Quelles sont les erreurs de demain à ne pas commettre aujourd'hui? Pour le savoir, partez dans ce voyage dans le temps avec Émile!

Tout helléniste qui se respecte illustra cette citation de Churchill, « de la sueur, du sang et des larmes », en traduisant cette phrase attribuée à tort et à l’historien grec Xenophon (430 à 354 av. J.-C.), contemporain de Platon : « Ουκ έλαβον πόλιν, αλλά γαρ ελπίς εφή κακά. » Car, phonétiquement, elle se prononce : « Ouk elabon polin, alla gar elpis ephè kaka… »

Hilarité dans les rangs. Consternation aussi.

Dans la collection Pataquès de Delcourt, Karibou poursuit son entreprise de déstabilisation scientifique. Après la Salade César et Waterlose avec Josselin Duparcmeur, le duo s’empare de la mythologie avec Troie Zero. 

Le tout, option humour Fabcaro : une vignette unique, déclinée en saynètes sans le moindre mouvement. Ou comment Beckett aurait pu être drôle. Mais pas que. Heureusement. Le pitch est connu : Ménélas, dans la mélasse, depuis que bonne poire, il a vu filer Hélène — alors que c’est plutôt Pénélope qui tisse d’ordinaire.

Or, le vil Alexandre Pâris a conquis le cœur de la belle grâce à sa recette du kebab. Conclusion, branle-bas de combat chez les Achéens : direction Troie, pour sauver l’honneur. Rien de moins évident, considérant l’équipe de bras cassés qui l’accompagnent — ou comme le dirait Ulysse : « Vaudrait mieux pas être trop à cheval sur l’horaire… »

Troie zéro, irrévérencieux, burlesque, délicieux. Un moment de bonheur Et toute ressemblance avec un score de match de coupe du Monde de 1998 serait totalement fortuite : c’est pour le plaisir du calembour, aucun Brésilien n’a été humilié durant l’aventure.

Quel étrange ouvrage que La constituante de Louka Butzbach édité aux éditions Matière.

Maximillienne débarque à Paris en autostop pour vivre de la bande dessinée. Elle trouve rapidement un atelier grâce aux petites annonces, près de la Bastille, alors même que la révolte populaire semble faire rage. En effet, tandis que les bds de Diderot et Mirabeau sont passées de mode, un certain Marat semble agiter les foules. 

Louka Butzbach nous emmène dans un univers étrange, un monde rêvé, fantasmé, où l'histoire avec un grand H s'emmêle les pinceaux, se retrouve passé à la moulinette des fantaisies de l'auteur.

Il règne ainsi dans cet album un anachronisme perpétuel qui ne trouve pas vraiment de sens, qui ne semble pas véritablement s'ancrer dans une démarche réflexive : et c'est justement là que réside la poésie de cet album qui resplendit d'un simple désir de faire, parce qu'on peut le faire, parce que c'est drôle d'imaginer que Diderot ait été auteur de bande dessinée, parce que c'est drôle de se dire qu'on aurait pu aller prendre la Bastille en taxi, parce que c'est beau d'imaginer les révolutionnaires comme de jeunes gens beaux épris d'idéaux ! 

Ce petit livre possède ainsi le charme d'une mauvaise copie d'un devoir d'histoire, le songe éveillé d'un cancre dont l'esprit gambade durant ses heures de cours et qui restitue ses douces rêveries en une œuvre unique dont le lyrisme nous emporte à notre tour. 

Les dessins sont joyeux, emportés, d'une belle maladresse parfois. Touchants, ils incarnent merveilleusement bien cette folle liberté !

Jakub Zulczyk est un privilégié : Rivages lui offre dans ses plus belles couvertures. De quoi attraper le regard. Les sujets du polonais attirent aussi (moi en tout cas) : après les nuits de Varsovie d’Éblouis par la nuit, l’alcoolique Marcin de Feedback.

Ce dernier, musicien, a connu un certain succès avec son groupe, notamment grâce à un titre phare, Je t’aime comme la Russie… Avant de sombrer complètement dans les addictions : « Je m’appelle Marcin Kania, et je suis – sans doute – un assassin. » Un matin, le visage tuméfié, il se rend à son groupe de discussion tourné vers la sortie de la dépendance. Il n’avait pas bu depuis quasi deux ans.

Que s’est il passé hier soir ? Le coup de l’amnésie, et la sensation que ce fut grave. Il a la tête retournée. Son fils a disparu… Le roman de Jakub Zulczyk vaut pour ses personnages interlopes,  cette grisaille du pays de Gombrowicz, et sa figure principale, sorte d’hédoniste victime de ses excès, et bientôt de la criminalité post-communiste.

De ses années fastes, il a tout de même tiré 7 appartements, de quoi attirer les convoitises… L’alcoolisme est raconté par quelqu’un qui le connaît bien : « La vodka, c’est une belle corde de musique argentée qui traverse toute la réalité, l’étire, la remet droit, qui fait que tout tient la route, c’est une incantation qui marche à tous les coups. Dingue que des gens aient inventé un truc pareil. »

C’est rythmé et construit comme une série. Netflix l’a vu après l’avoir lu, et en proposera une adaptation. On aurait préféré HBO, qui s’était emparé de son précédent roman, Éblouis par la nuit.

« La raison pour laquelle le monde manque d’unité et gît brisé et en morceaux, c’est que l’homme est séparé d’avec lui-même »

Les splendides éditions Allia republient La Nature, la toute première œuvre de l'américain Ralph Waldo Emerson (1803-1882) qui synthètise toute la pensée de son auteur.

Cohérence intime de l’univers, plénitude et harmonie de l’esprit individuel, correspondance symbolique entre lois naturelles et lois morales, toutes ces notions réunies en un concept : le transcendantalisme.

Maux bien souvent invisibles voir invisibilisés, les maladies psychiques sont une réalité. Dans ce recueil de nouvelles introduites par Gringe sont rassemblées dix auteurs qui ont fait de la santé mentale leur muse le temps d’un texte.

Les écrits s’enchaînent sans se ressembler abordant tour à tour bipolarité, dépression, anxiété et addictions faisant entrer ces pathologies et ceux qui en souffrent dans nos réalités.

Sans tabou, Olivier Adam, Julia Kerninon ou encore Mathias Malzieu nous montre comment laisser une place à ceux qui sont souvent discriminés, car méconnues et mal compris.

Récit de Juan Escobar, fils de Pablo Escobar à l’origine du plus vaste empire de la drogue du siècle dernier.

À travers ses yeux d’enfant (une dizaine d’années), il nous raconte une partie de sa jeunesse « entourée de luxe et d’extravagance », et toujours accompagnée de « tueurs à gages néfastes, grotesques et violents », ses seuls amis.

Le ton extrêmement léger de l'histoire met en avant l’humanité de ces tueurs à gages-nourrices. On ne voit plus un gang, mais une famille (un peu barré bien sûr…)

Un tout petit album est paru aux Editions Thierry Magnier il y a quelques semaines et c'est certainement l'un de plus drôles qu'il m'ait été donné de lire ces derniers mois.
d'Alexandra Pichard raconte comment Dominique, la moule domestique de Herman, décide de quitter la maison suite à l'émission «Thalassa».
Dominique éprouve alors un grand chagrin et trouvera peut-être du réconfort auprès de Marie-Claude une huître de la région de Noirmoutier.
La fin est une surprise teintée d'humour noir, les très jeunes lecteurs pourront ainsi apprendre que les histoires ne finissent pas toujours bien...

Personne ne sait véritablement ce qui a pu unir Matt Murdock, alais Daredevil, à Elektra. On imagine en revanche bien que Frank Miller se decide à donner une nouvelle chance à ces héros, pour un final en apothéose.

Elektra est morte.

Matt Murdock est devenu l’ombre de lui-même. Mais le danger guette, et les ennemis demeurent.

C’est si peu dire que ce roman graphique est exceptionnel que même de l’écrire rend la chose presque fade. Nul besoin d’aimer les comics, d’ailleurs, c’est un polar, voire une tragédie grecque que l’on découvre. Admiration totale. Génie de l’ellispe et de la case.

Brillantissime.

« Avoir une nationalité, un amant, une famille, un collègue, un voisin… la mère voit bien que toutes ces attaches sont fondamentalement absurdes, étant donné qu’elles sont accidentelles – mais elles sont en même temps les tyrans de toute vie. » 

Blandine Watkins, mystique fascinante, vit avec trois colocataires dans un HLM d'Indiana. Victime d'un passé troublé et de relations tendues, elle trouve refuge dans la spiritualité pour surmonter l'âpreté du monde. Tess Gunty, dans son premier roman « Écoutez-moi jusqu'à la fin »,lauréat du National Book Award 2022, dépeint l'Amérique postindustrielle et ses victimes du capitalisme par une multitude de points de vue. Humour, bizarrerie et réalisme magique s'entrelacent pour illustrer les ravages sociaux, économiques et culturels de cette Amérique dérangée. Une œuvre dense sur la solitude, la fragilité, et la quête de liberté. 

#PrixFrontieres23 – Arrivée en France, Polina a dû se battre. Un nouveau pays, une nouvelle culture, une nouvelle langue... un nouveau prénom ? On l’a obligée. Et l’autre, l’ancien, le vrai ? Elle en a été privée, dépossédée. Il a été modifié et transformé.

Quand elle rentre à l’école, un « e » change tout. Pauline. Cette simple lettre était censée faciliter son intégration en France. Un changement qui, parvenue à l’âge adulte, ne plaît pas du tout à la jeune femme. Ce prénom, c’était le sien. C’était son histoire, son passé. Et pas seulement le sien, mais aussi celui de sa grand-mère.

Quand elle voulut inscrire Paulina sur ses papiers d’identité, rien n’est allé comme prévu. Elle essuie un refus ferme : désormais, Pauline a remplacé Polina. Mais ces syllabes incarnaient plus qu’une sonorité : elles portaient tout un héritage. Et son objectif, c’est de le regagner.

Commence alors une bataille entre Polina et la justice pour retrouver officiellement son prénom de naissance.

Ulysse a 15 ans et veut mourir. C'était son grand père, avec lequel il était très lié, qui l'élevait jusque là. Mais le vieil homme décède brutalement, et Ulysse se voit contraint d'emménager chez son père, un homme avec lequel il n'a jamais eu de contact. Le jeune ado se sent incapable de se faire à cette vie, entre un père toujours absent et une belle-mère pour le moins antipathique. Le jour où cette dernière écrase son chat, Ulysse comprend que ce n'est plus possible. Il passe ses nuits sur le forum « Le soleil et la mort », en compagnie d'autres ados aux envies suicidaires. Ils sont quatre surtout, les fidèles du forum, chacun avec une histoire difficile voire sordide, à vouloir mettre fin à leur jour. Menés par le charismatique Vlad, le webmaster manipulateur, ils décident de passer enfin à l'acte, à Pâques, sur une petite île déserte.

Ulysse, le narrateur, emprunte le style concis et percutant cher à , et fait du Soleil et la mort (le titre vient de la citation de la Rochefoucauld : « Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face ») un roman dérangeant, inquiétant, mais jamais morbide. Le lecteur est bousculé, il a mal en même temps que ces jeunes qui ont oublié que l'espoir existait, que tout pouvait changer. Le suicide chez les adolescents n'est pas un sujet facile à traiter, mais Elise Fontenaille s'en sort à merveille et a écrit un récit très fort, poignant, et dans lequel c'est finalement la vie qui l'emporte. Une réussite, comme toujours.