Début des années septante (sic : on est bien en Belgique), le jeune Tom, au cours d'un voyage organisé par les Mutuelles Chrétiennes (une caisse d'assurances ainsi dénommée par opposition aux Mutuelles Socialistes et se disputant avec ces dernières les cotisations d'une population encore fortement imprégnée de morale chrétienne) à l'attention des enfants de ses cotisants, tombe amoureux, sans encore totalement en prendre la pleine mesure, d'un autre enfant, pudiquement nommé Z.
L'histoire aurait pu ne pas avoir de lendemain si la carte scolaire de l'époque n'avait pas tout arrangé pour que, lors de la rentrée scolaire suivante, les deux enfants ne soient (hasard des affectations) réunis dans une même classe et ainsi contraints de se suivre année après année.
S'établit entre eux (qui ne l'est pas du tout pour le jeune Tom lequel découvre progressivement la véritable signification de cette attirance à l'égard de Z) qui n'arrive pas vraiment à s'exprimer dans cette scolarité très masculine où les femmes (filles) sont peu présentes.
A l'exception de sa mère, de sa sœur, de Germaine, la sœur aînée de sa mère et de Wike, la fille orpheline d'une amie de sa mère, le jeune Tom ne voit pas, dans son univers, graviter d'autre représentante du sexe féminin.
Cela ne le préoccupe pas, obnubilé par Z, par le corps de Z, par les rêves qu'il fait de Z.
Jusqu'à ce voyage de fin d'année de lycée que Tom obtient de faire en Grèce plutôt qu'à Rome comme il est dans les habitudes de l'établissement, encore noyauté par un corps d'enseignants à dominante ecclésiastique.
La Grèce où les hasards de l'organisation font que Tom et Z devront partager une chambre commune pendant deux nuits.
J'ai été longtemps intrigué (n'ayant jamais eu l'occasion de lire ou d'entendre parler de Tom LANOYE) par le fait que le jeune héros de ce qui est présenté comme un roman, ait les mêmes nom et prénom que l'auteur.
Jusqu'à ce que j'apprenne par ailleurs (car rien ne le laisse transpirer entièrement dans le livre) d'une part l'homosexualité affichée et revendiquée de Tom LANOYE et d'autre part le caractère partiellement auto-biographique de l'histoire.
Intrigué seulement mais nullement gêné ou autrement perturbé dans ma lecture.
Car c'est un livre très agréable à lire, plein d'humour et de sensibilité, extrêmement bien écrit dans sa traduction, original dans sa construction où apparaissent régulièrement des « images » qui sont autant de points fixes de développement de sujets particuliers qui éclairent le propos du texte, irrévérencieux et anticlérical dans son approche du milieu social et scolaire fortement imprégné de religion, extrêmement sensuel et sexuel.
Je n'ai aucune peine à imaginer aussi bien le succès d'un tel ouvrage lors de sa parution en 1992 que le « buzz » qui a dû l'accompagner.
Vingt ans plus tard, il n'a pas pris une ride puisque même les « boîtes en carton » (qui sont autant de valises identiques distribuées aux jeunes vacanciers pour éviter toute discrimination sociale par la qualité des bagages) disparaissent au fil des pages pour laisser la place à la diversité et l'individualisme du moment.
Et si le sujet est aujourd'hui devenu plus banal et moins polémique (encore que les derniers évènements socio-politiques sont là pour me faire mentie…), voilà une bien belle manière de l'exprimer sans tabou ni trompette.
Ce livre s'inscrit dans la sélection du prix Ligne d'Horizon.