Si vous pensiez que les derniers autodafés ont disparu avec les nazis, un récent livre de Mattew Fishburn, qui est sa thèse de doctorat, va vous faire changer d'avis. Et nul besoin de quitter son PC, il suffit de regarder... sur YouTube.
On y trouve en effet des dizaines de vidéos d'ados américains qui s'appliquent à filmer consciencieusement des autodafés de manuels scolaires. On trouvera même l'un d'eux qui tire un coup de fusil dans le livre : il a raison, des fois qu'il ne soit pas tout à fait mort...
Et les commentaires qui accompagnent ces vidéos sont significatifs : « Hmm, le prof nous a donné des livres de maths pour... » ou encore « Mon pote et moi brûlons un livre ». « Certains agissent ainsi pour se débarrasser des livres qu'ils ont pris en haine, ou symboliser un passage dans leur vie », explique Mattew. « Mais l'incendie n'est pas toujours relié à la censure, il s'agit d'abord d'éradiquer. »
Son doctorat commencé voilà 10 ans s'est progressivement orienté vers ce thème, des livres que l'on brûle. Mais c'est en travaillant sur des utopies et des mondes imaginaires qu'il a découverts ce point commun aux deux types de récits. « Détruire les idées dangereuses en brûlant les livres où elles ont été trouvées a toujours donné un pouvoir aux gens ou à ceux qui voulaient du pouvoir. » On pensera sans peine à Farenheiht 451...
Un comportement tout feu, tout flamme
Sauf que l'autodafé peut aussi avoir des vertus thérapeutiques, en tant qu'il incarne une rupture avec un monde archaïque ou diabolique. Excepté que, comme le dit David Hume, tout cela n'est qu'illusion et sophisme. Une attitude ambiguë qui résulte dans tous les cas d'une sorte de tabou frappant la destruction du livre.
Et Mattew de citer un texte de Nathaniel Hawthorne dans lequel des législateurs tentent de purger par le feu tout ce qui au monde est mauvais, même les livres. Ils constateront que la Bible ne se laissera pas faire. « Il montre toute la futilité de vouloir brûler des livres : si on essaye, on a déjà perdu », et l'on ouvre la porte à des doctrines pires que celles que l'on souhaitait voir partir en fumée.
N'est stupide que la stupidité
Mais qu'est-ce qui ressort de son étude ? De multiples raisons interviennent pour justifier d'avoir brûlé de livres, certes, mais Mattew en tire une conclusion : « Je hais cela. Les gens finissent toujours par dire qu'ils se sentent stupides après avoir brûlé un livre. »