Au cœur de la polémique, l’écrivain Taslima Nasreen est à la source de nombreuses difficultés diplomatiques pour les autorités de New Delhi. Pourtant première lauréate du prix Simone-de-Beauvoir, Taslima Nasreen a décliné l’invitation de venir en France pour qu’on lui remette cette distinction.
Elle centralise la vindicte d’extrémistes musulmans indiens par des propos et des jugements qui dérangent. Féministe engagée, elle vit depuis la fin novembre dans un endroit gardé secret, près de New Delhi. Tout cela ne se fait pas de son plein gré. L’écrivain n’est pas vraiment libre de ses mouvements.
Originaire du Bangladesh, elle vit en exil depuis 1994, année au cours de laquelle plusieurs fatwas ont commencé à la menacer de mort. Surnommée souvent la « Rushdie au féminin », cela fait des années qu’elle erre sans jamais vraiment trouver sa place.
Après avoir passé dix ans en Europe, elle était rentrée à Calcutta en 2004. Le 22 novembre 2007, elle avait été contrainte de quitter le Bengale-Occidental à la suite de violentes manifestations à son encontre. Passée ensuite de ville en ville, car toujours source de polémiques, les autorités indiennes lui ont cependant renouvelé son visa pour six mois. Nasreen demande la nationalité indienne depuis 2005, mais cela lui a toujours été refusé.
Pour l'Inde, Taslima Nasreen, bangladaise, musulmane et en rupture de ban avec l'islam, c'est une source inépuisable de destabilisation. Or les autorités indiennes font tout pour ménager l’équilibre précaire qu’il peut exister dans ce pays entre les quelques 140 millions de musulmans parmi plus d'un milliard d'habitants. Hindous et musulmans doivent pouvoir continuer à vivre côte à côte.
Pour Mahmood A. Madani, qui siège au Sénat à Delhi et dirige le Jamiat Ulema e-Hind, la plus importante formation musulmane en Inde, le problème n'est pas le féminisme de Taslima, ses tirades contre la burqa ou le statut des femmes dans la religion musulmane. «Nous sommes favorables à tous les débats intellectuels. Mais nous refusons la manière indécente dont elle parle du prophète Mahomet », a-t-il affirmé à l'hebdomadaire Outlook. Jugeant que Taslima a offensé les sentiments de plusieurs millions d'individus.
Le prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes a été créé cette année pour le 100e anniversaire de la naissance de l'écrivain-philosophe, auteur du Deuxième Sexe : une œuvre de référence pour les féministes du monde entier.
Nicolas Sarkozy aurait aimé pouvoir remettre ce prix à l’écrivain lors de sa visite d’Etat. Mais devant le refus affiché par les autorités, il n’a pas été question d’insister. On l’a simplement assuré que Taslima Nasreen pouvait se rendre à Paris si elle le souhaitait pour se voir remettre ce prix.