Procès de la Team Alexandriz : un poème, ultime pied de nez à l'édition
L’audience qui conclura le procès intenté par l’édition française à la Team Alexandriz se tiendra ce 14 mai. L’équipe accusée de piratages (ou partages ?) de livres numériques n’a pas manqué la date : c’est assez logiquement avec un dernier tweet qu’Androgyn3, qui se présente comme « accessoirement fondateur », s’adresse à l’industrie du livre. Mais pas n’importe comment : un poème, érudit, construit, référencé... démontrant que derrière ceux qu’on accuse de contrefaçon, se cachent des lecteurs.
Le 11/05/2021 à 13:36 par Nicolas Gary
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Publié le :
11/05/2021 à 13:36
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Douze prévenus identifiés, et une interprofession qui entend faire pendre métaphoriquement les pirates qui l’auront tant chahutée. Le procès ouvert ce 14 avril s’achèvera ce 14 mai, porté par le Syndicat national de l’édition, ainsi que les maisons Albin Michel, Gallimard/Flammarion, Grasset ainsi que Actes Sud et Hachette. Richard Malka, l’avocat de cette Sainte-Alliance circonstancielle, soutenu entre autres par le juriste du SNE et la responsable juridique du groupe Gallimard, auront plaidé : coupables.
Coupables d’avoir numérisé des ebooks qui n’étaient à l'époque pas commercialisés pour certains, d’avoir corrigé les coquilles d’un prix Goncourt, coupables d’avoir mis en péril « la diversité culturelle » autant que « porté atteinte à la rémunération des auteurs ». Des faits incontestables, certainement, et une chasse aux sorcières qui dure depuis 2011. Et ce, alors que la Team a annoncé en 2012 qu’elle cessait ses activités, justement suite aux pressions juridiques…
On comprend mieux dans quel état d’esprit Androgyn3, « terrosiste [sic ?] poétique et accessoirement fondateur de TAZ » a pu aborder l’écriture de ce texte, directement adressé au Syndicat national de l’édition.
Nous le reproduisons ici dans son tweet originel, et sans l’accord de l’ayant droit, dans son intégralité, que chacun puisse le consulter à l’envi.
Accompagné de ces quelques mots laconiques, « triste et inattendue nouvelle », le poème se présente sans titre. Nous en avons corrigé quelques coquilles, mais certains termes resteront sous Licence Poétique.
En infinie méditation du haut de mon inébranlable phare
Effaré, un songe m’a réveillé, anamnèse d’un passé oublié.
Hier, nous citions Hugo en NFO, aujourd’hui je crie « les misérables » !
Ester quelques personnes âgées après une décennie...
Peut-on faire preuve de plus d’ignominie ?
Misérable procès de misérables vauriens,
Une farce dont les acteurs maktaiens
Se déguisent de robes et perruques poudrées,
À la main, une balance pipée.
Après une enquête sans queue et encore moins de tête,
Quelque menu fretin au fond des rets.
J’ai presque honte depuis ma pénombre anonyme,
De souhaiter courage aux victimes.
À mes frères d’armes, forbans au long cœur
Mes vieux amis, avec qui, bénévolement et pour autrui, j’ai passé tant d’heures.
Un seul et unique regret, telle une épine me serre la poitrine d’un nœud gordien,
Celui de n’avoir pas su mieux protéger les miens.
Quant au mystérieux Andogyn3, n’y croyez pas trop...
Platon disait qu’il était un mythe issu du Chaos.
Fantôme du web, mi-homme mi-machine, incompréhensible,
Qui exerçait son kung-fu sur des murs de feu et des ondes invisibles.
Il y a bien longtemps qu’il a quitté les rivages du net pour Avalon.
Net qu’il ne comprend plus, abandonnant Scène et néons.
Les marchands ont envahi le temple, ils auraient pu tout me prendre, mais tel Cyrano, jamais mon panache.
Que mes Dieux me donnent la même épitaphe
« Ne le plaignez pas trop : il a vécu sans pacte, — Libre dans sa pensée autant que dans ses actes. »
Ils rêvent d’échafaud en fumant leur houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
— Hypocrite lecteur, – mon semblable, mon frère !
Les prévenus risquent des peines allant d'une amende de 5000 € à la peine de prison de six mois avec sursis, assortie de 10.000 € d’amende, selon le réquisitoire du procureur.
DOSSIER - Team AlexandriZ : pirates de livres ou distributeurs de savoir ?
Crédits photo : Jr Korpa/ Unsplash
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1 Commentaire
Hmmm
13/05/2021 à 08:15
« « porté atteinte à la rémunération des auteurs ». Des faits incontestables, certainement, »
Ça, il faudrait le prouver ! Nulle part, il n'a jamais été prouvé qu'une œuvre piratée aurait été achetée (c'est la stratégie des majors : à chaque œuvre piratée, c'est un manque à gagner par achat manqué).
La réalité est nettement différente. Déjà, il n'y a pas UN profil de « pirates », mais bien une longue série de lecteurs (visualiseurs, etc.) aux attentes bien différentes.
Il y a le boulimique collectionneur, qui télécharge tout et ne regarde rien. Celui-ci n'achètera jamais rien de toute façon.
Il y a le collectionneur d'œuvres spécialisés, qui ne trouve pas tout dans le commerce (essayez d'acheter certaines œuvres dans leur format d'origine par exemple). Celui-ci achètera volontiers ce qu'il n'a pas quand il le trouvera. Le manque à gagner est toujours nul pour les majors : au contraire, cela les oblige à développer un catalogue pour inclure ce qu'ils ont la frilosité (généralement financière) de proposer.
Il y a l'occasionnel, celui qui trouve un truc pour le tester. On ne débourse pas 20 balles tous les 3 jours pour se retrouver avec une merde mal écrite ou mal montée. Ça a un côté joyeuse arnaque qui ne fonctionne qu'une fois chez les gens qui ont plus d'un neurone. S'il a le coup de cœur, en général, il achètera l'œuvre originale. Le manque à gagner : seulement pour les producteurs de merde (et là, ça peut faire pas mal étant donné qu'il s'agit quand même de la majorité de la production). Pour les autres : c'est tout bénéfice.
Bref, le tableau est brossé à gros trait, mais il est bien plus proche de la réalité que ce que tente de faire valoir l'édition. Les méchants « pirates » contre les gentils éditeurs.
On aurait aimé que ces « gentils » éditeurs déploient autant d'énergie et d'argent :
- pour produire des contenus de qualité (avec une reprise éditorial qui valorise un scénario, une vraie correction orthographique et grammaticale)
- payer correctement les auteurs (qui curieusement, arrive dans l'équation au moment de se plaindre des pirates, mais pas quand il faut les payer et les traiter correctement).
Bref, c'est un monde d’hypocrites et de faux-culs : le « piratage » leur rapporte en fait plus qu'ils ne leur en coûte, mais ça permet de jouer les pères-la-vertu alors qu'ils seraient plutôt des mères maquerelles.