Abdul Karim Soroush a été choisi par l'ayatollah Khamenei pour 'islamiser' les universités de l'Iran, mais ce dernier a manifestement dévié quelque peu de sa mission : celui qui fut le premier intellectuel public du pays durant une vingtaine d'années s'est retourné contre l'État théocratique. Auparavant vénéré et admiré pour son franc-parler, il a lancé une véritable controverse voilà près de huit mois.
Il expliquait à un journaliste néerlandais que les musulmans ont longtemps cru que Dieu avait dicté le Coran à Mahomet et si la rédaction semble humaine, elle n'en est pas moi chargée de divinité et inspirée par Dieu. Certes. Mais si les théologues défendent que le prophète a plusieurs fois attendu la parole divine, Soroush affirme, lui, qu'il n'a sûrement pas été le perroquet de Dieu.
C'est un peu comme le principe des abeilles et du miel : si Dieu a placé en elles la faculté de produire du miel, ce n'est pas lui qui leur dicte comment faire. De même, quand un verset attribué à Mahomet rapporte qu'il faut trancher une main ou lapider à mort une femme adultère, ce n'est pas une parole divine rapportée, mais plutôt une indication sur les modes de fonctionnement et les règlements à l'époque du prophète. Et plus vraiment des consignes éternelles et applicables de nos jours...
L'hérétique ou le philosophe... ah, mais c'est pareil...
Pour ces propos, et son détachement d'une interprétation stricto sensu du livre, Soroush a été accusé d'hérésie, ce qui est passible de la peine de mort dans le pays. Et pourtant, l'ayatollah est intervenu non pour le frapper d'une fatwa, comme il en a l'habitude avec les écrivains, mais pour sabrer la polémique en affirmant qu'alimenter cette pseudo philosophie ne sert qu'à « pervertir l'esprit de la nation ».
Favorable comme d'autres à la séparation de l'église et de l'État, et surtout la création d'un État laïc, Soroush affirme souhaiter la liberté de religion, pas la liberté issue de la religion. À ceux qui brandissent l'islam et affirment parler en son nom, cet homme semble bien un sage capable de retourner leurs propres paroles.