#ZLibraryCase – Malgré les tracasseries judiciaires qui rodent comme des vautours en plein désert, Z-Library garde bon pied bon œil. Après une collecte de fonds de plusieurs dizaines de milliers de dollars, le site n’a clairement pas l’intention de jeter l’éponge. Pourtant, deux suspects ont été appréhendés, les autorités américaines ont saisi plus de 200 noms de domaines reliés au site… Et si on quittait internet ?
Le 09/04/2023 à 16:41 par Nicolas Gary
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Publié le :
09/04/2023 à 16:41
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Les 220 téraoctets de données collectées ne furent pas évidents à remettre en place. Les justices américaine, française et indienne tentent d’éradiquer le service, qui résiste encore et toujours. Durant un temps, Z-Library échappa même aux enquêteurs en se réfugiant sur le Dark web. Après 14 années d’existence, « nous subissons une pression jamais endurée », assurent les opérateurs.
De là, cet appel aux dons, ouverte du 15 mars au 1er avril. L’exact montant demeure incertain — d’autant que les précédentes demandes de contributions ont aidé la police américaine à identifier et arrêter deux individus liés au site. Cependant, on estime à plusieurs dizaines de milliers de dollars la somme réunie en soutien au service.
Les millions d’utilisateurs à travers le monde qui recourent à Z-Library ont dernièrement bénéficié d’une nouvelle solution technique. Baptisée Hydra, elle propose à chaque usager avec un compte de naviguer dans son propre espace — créant par conséquent autant de sites que d'inscrits.
À LIRE : Z-Library sort du Dark web et revient sur internet
Pour tenir le choc, l’appel aux dons devenait impératif : désormais, la bibliothèque pirate aura de quoi se maintenir à flot durant quelque temps. Au moins tant que les forces de l’ordre ne relancent pas de nouvelles procédures pour lui couper la tête. Les têtes, d’ailleurs : la solution Hydra rend la plateforme véritablement complexe à démanteler…
Le partage de fichiers et de documents protégés par le droit d’auteur (et le copyright) rend éditeurs et auteurs fébriles, à raison. La communication au public, sans accord, d’œuvres, relève de la contrefaçon, avec tout ce que cela implique… surtout quand on parle de fichiers numériques. Or, Z-Library envisage un pied de nez phénoménal et réfléchit à la création de Z-Points, disséminés dans le monde entier.
Autrement dit, un espace physique où les utilisateurs se procureront et partageront des titres imprimés sur du papier. Et là, on commence à comprendre que les margoulins derrière le site ont véritablement décidé de filer des ulcères à tout ce qui est juriste, avocat ou éditeur de la planète.
Z-Library revendique quelque 12 millions d’ebooks archivés — soit le plus grand catalogue d’œuvres piratées en ligne. Quand le gouvernement américain s’est attaqué au service en 2022, deux ressortissants russes ont fini au centre d’une enquête criminelle. Cette répression atteste autant de l’ampleur du site que de l’angoisse des ayants droit, décidés à obtenir des autorités une réaction inédite.
Sauf qu’en matière de livres papier, lesdits éditeurs se retrouvent impuissants. Totalement.
Que sont ces Z-Points ? D’abord, il faut comprendre que l’argent récolté a servi à de multiples améliorations — comme la prise en charge d’un partage de données hors ligne. Des fonctionnalités, des corrections, des optimisations : la vie classique d’un site. De quoi ouvrir la voie à une action de partage de grande envergure, selon les uns, piratage rétorqueront les autres.
D'autant qu'en s’extrayant de la toile, Z-Library bascule dans un autre monde. « Ne laissez pas s’empiler les livres que vous avez lus ni prendre la poussière sur vos étagères. À la place, ils auront une seconde existence dans les mains de nouveaux lecteurs », explique-t-on. « Cela aide à préserver le patrimoine littéraire, ainsi qu’à diffuser les connaissances et idées que contiennent les livres au plus grand nombre. » Hmm…
Les Z-Points découlent d’un concept au croisement de la Boîte à Livres — on prend, on dépose — et de la bibliothèque publique – on s'inscrit, on emprunte, on ramène. Les premières font encore des nœuds au cerveau, en matière de droit : la perception d’une redevance, sur le modèle de celle dont s’acquittent les hôtels pour la présence d’appareils audio et vidéo, n’est pas exclue.
À LIRE : La redevance Sacem élargie aux boîtes à livres ?
Pour les secondes, des législations nationales encadrent le droit de prêt, tout en conscrivant son principe à des établissements identifiés. Or, les Z-Points auraient deux conséquences : amplifier la portée et l’échelle du modèle de communication entre usagers, d’une part. De l’autre, créer une solution mondial de points de collectes d’ouvrages ainsi donnés.
Et l’ulcère devint infarctus…
Collecte et stockage de livres, dans des espaces brandés Z-Points, voilà l'idée générale. Ces lieux « seront un lien entre ceux qui partagent leurs livres et ceux qui en ont besoin », poursuit Z-Library. « Les détenteurs de livres désireux de les transmettre à d’autres lecteurs enverront leurs titres au Z-Point le plus proche. Et ceux qui souhaitent en bénéficier les prendront pour leur usage. » Pour l’acheminement, l’envoi par courrier marchera tout aussi bien.
En somme, la plateforme vise un Peer-to-Peer construit dans le monde réel, en parallèle du modèle classique des établissements publics de prêt. D’ailleurs, ces derniers s’intégreraient parfaitement dans la logique du projet, au point d’en devenir, pourquoi pas, partenaires ? Les citoyens auront, eux aussi, toute latitude pour se porter volontaires et ouvrir un Z-Point à leur domicile.
Bien entendu, une chambre de bonne parisienne présentera quelques inconvénients, tant pour entreposer que pour organiser la classification et le catalogage (par EAN, présentation, couverture, etc.). Les centres de distribution et services logistiques tiers seront les bienvenus, assure Torrent Freak. Qu’en serait-il des boutiques Emmaüs ou Oxford : elles seraient accueillies à bras ouverts…
Ces dernières années, plusieurs start-ups ont cherché à développer un service reposant sur la mise en relation de lecteurs — Booxup fut l’une des premières sur le territoire français pour la lecture. Avant de couler corps et bien, la société avait même développé une marketplace pour faciliter la commercialisation d’occasions entre particuliers. Mieux : elle avait prévu d’abonder un fonds, à la hauteur de 6 % du chiffre d’affaires généré, pour dédommager les auteurs, ne prétendant pas être en mesure de les rétribuer.
En dépit des échanges avec La Sofia et son président d’alors, Alain Absire, personne n’a saisi la main tendue. L'absence de reversement fut pourtant l’une des récriminations portées contre la société dès sa création, en 2015. Et plutôt que d'accepter ce que les créateurs présentaient comme un début de solution, Booxup fut tuée dans l’œuf. Intéressant : depuis quelque temps, les organisations d’auteurs tentent à tout prix d’obtenir des subsides de la vente d’occasion.
Avoir raison trop tôt, c'est avoir tort...
Voici donc que Z-Library, service honni de tous, débarque avec ses petits sabots et envisage, à une échelle encore jamais imaginée, de faire du prêt de livres imprimés. Et ce, comme s’il s’agissait d’ebooks sur des réseaux pirates. Sans plus aucune perspective de contrôle et avec la législation — européenne, américaine et on en passe — pour elle.
Petit rappel : la Communauté a fixé définitivement la règle de l’épuisement des droits, sur les biens physiques. Cette dernière implique « lorsqu’un titulaire de droits a donné son consentement à la mise sur le marché d’un exemplaire d’une œuvre, il ne peut plus en contrôler les distributions subséquentes sur d’autres territoires ».
C’est d’ailleurs pour cette raison que le Code de la Propriété Intellectuelle, en France, n’imposera pas (en l’état et à cette heure, du moins) de rémunérer les auteurs sur les ventes d’ouvrages de seconde main. Or, le droit américain s’articule sur un principe similaire : les Z-Points ont un boulevard devant eux.
Les plateformes numériques, en s’intéressant à ces solutions d’économie collaborative et de partages de biens, tentent de capter la valeur — et d’en créer pour leur compte. Sauf certainement Inventaire.io, l'exception qui confirme la règle.
Les Z-Points, en se plaçant dans l’univers physique, s’épargnent les critiques et assauts liés à des questions d’échelle, d’un côté. De l’autre, s’abritent derrière une législation portant sur le droit de propriété qu’exerce l’acheteur d’un livre. Le contenu demeure protégé, l’objet lui appartient pleinement…
Existe-t-il une demande pour ce service ? L’essor des Boîtes à Livres partout dans le monde (ou Little Free Libraries) en atteste. La structuration qu’entraînerait ce réseau de Z-Points servirait efficacement à la diffusion de lectures. Tout en mettant, bien entendu, un pan de l’économie et des industries du livre en péril les territoires.
Des internautes du Vietnam, du Brésil, du Portugal, ou encore de Colombie, Iran, Ouzbékistan, Nigéria, Espagne, Inde, Égypte, Argentine et même France, Chine, Ghana, Éthiopie ont salué l’intention. L’heure est à la réflexion, explique Z-Library, qui mobilise toutes les bonnes volontés pour récolter suggestions et propositions tant opérationnelles que logistiques.
Rien de concret, donc. Mais on y participera à cette adresse…
Illustration : Z-Library
DOSSIER - Z-Library : histoire d'une chasse à l'offre de livres piratés
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
8 Commentaires
JCC
10/04/2023 à 06:10
Légal ou pas légal ?
Lorda
10/04/2023 à 16:44
Très intéressant. Si je peux me permettre, je rajouterai que pour ce qui est des œuvres artistiques, il existe ce qu'on appelle le droit de suite : lors d'un échange commercial entre particuliers d'une œuvre, s'ils passent par un professionnel celui ci doit reverser un pourcentage du prix à l'artiste. Ce n'est toutefois pas le cas pour les œuvres littéraires.
En revanche, pour ce qui est des efforts liés à la transition énergétique, développer le marché du livre d'occasion est un must, hors étendre ce droit de suite au marché du livre pourrait être un frein à ce développement.
J'en profite également pour rappeler qu'il existe un logiciel libre de gestion de stock de librairie avec connexion au FEL qui s'appelle Abelujo ==> http://abelujo.cc/
Bibop
11/04/2023 à 11:15
Très jolie plume !
On verra où tout ceci mènera. L'idée d'un Robin des bois de la publication est très séduisante. En revanche, les auteurs sont les grands perdants de l'histoire du fait de la gourmandise des éditeurs.
Merci pour cet article clair et informatif!
H
11/04/2023 à 16:40
D'accord avec vous !
Néanmoins, pour ce qui est des auteurs grands perdants -et c'est bien vrai- des éditeurs, ce sont avant tout le diffuseur et le distributeur qui obtiennent des marges fortes sur le prix du livre (d'où le fait qu'un petit éditeur qui parviendrait à éviter ces grands circuits tout en imprimant en grande quantité pour amortir les coûts de mise en route pourrait réduire drastiquement le prix du livre ; cela existe). Néanmoins, le modèle économique actuel de l'édition imposant des bénéfices annuels bien plus élevés que par le passé (bonjour les actionnaires !) est aussi une nuisance, puisqu'il est tout de suite plus avantageux de publier disons, un best-seller qu'un roman expérimental, par exemple. Bref, on est d'accord, il y a une marge de progrès !!
Ribiata
11/04/2023 à 11:50
bonjour,
si je suis bien, la différence entre un point Z et une bibliothèque publique ou un point lecture, c'est que le point Z s'assoit sur tous les droits, notamment ceux des auteurs, et s'inscrit ouvertement contre l'économie du livre sur laquelle, néanmoins, ils capitalisent car sans la production éditoriale, ils n'auraient rien à mettre dans leurs points ? Je saisis mal la position d'Actualitté qui semble se faire le porte-parole de cette démarche... ou j'ai mal compris qq chose ?
Piesti
09/05/2023 à 09:27
"L’essor des Boîtes à Livres partout dans le monde (ou Little Free Libraries) "
Qui a jugé nécessaire de placer l'expression anglaise ici ? Crainte que je ne comprenne pas ma langue ?…
Dom
11/05/2023 à 09:29
Sans doute parce que le sujet concerne principalement les Etats-Unis avec l'opposition entre le FBI, qui a saisi les noms de domaine et les pirates. Outre-atlantique, Ils n'utilisent pas le terme "boite à livre" (qui est français) mais "Little Free Libraries" (qui est anglais).
Vous noterez que l'auteur utilise principalement le terme français pour des questions de compréhension. Je lui suis personnellement reconnaissant d'avoir indiqué le terme "Little Free Libraries", car je ne connaissais pas la terminologie anglaise.
Mais bon, on est curieux ou on ne l'est pas...
Piesti
11/05/2023 à 13:02
Cher Dom.
Merci de votre réponse. Vous n'étiez pas obligé de tenter de me faire passer pour un débile : « Ils n'utilisent pas le terme "boite à livre" (qui est français) mais "Little Free Libraries" (qui est anglais).
Vous noterez que l'auteur utilise principalement le terme français pour des questions de compréhension. Je lui suis personnellement reconnaissant d'avoir indiqué le terme "Little Free Libraries", car je ne connaissais pas la terminologie anglaise.
Mais bon, on est curieux ou on ne l'est pas... »
Mais bon, comme vous dite, heureux d'apprendre qu'aux US on parle anglais… Heureux aussi de savoir que vous avez enrichi votre vocabulaire pour votre prochain voyage là-bas. Et félicitations pour votre talent à trouver des excuses bidons pour un usage abusif qui n'en a pas.
Bien à vous.
Signé : Un peu curieux, malgré tout…