Recommandé par Stephen King, le premier roman , ne devrait effectivement pas déplaire aux amateurs de littérature fantastique, gothique et policière, prêts à s'immerger dans une ambiance obscure et angoissante suffisamment resserrée autour de quelques personnages pour qu'elle devienne vite oppressante, troublante et fascinante.
Empreinte de superstitions religieuses déroutantes et assez glaçantes, mais proches finalement de certaines convictions populaires traditionalistes, l'histoire inquiète autant qu'elle passionne, exerce sur le lecteur tension et malaise. A la fois perturbante et énigmatique, inattendue, elle nécessite un peu de distance pour ravir et conquérir celui qui s'en empare. Mais au final, on applaudit tout de même, à l'instar du cinéaste Danny Boyle (Trainspotting) qui devrait prochainement l'adapter.
Comme chaque année à Pâques, Une petite communauté très religieuse quitte Londres en minibus pour se rendre dans un lieu de pèlerinage, le Loney, situé dans le Lancashire. Accompagnés, d'un nouveau pasteur, le père Bernard (après la mort tragique du père Wilfred), le couple Smith espère, à travers ses prières, guérir son fils aîné, Andrew, déficient mental et le sortir de son mutisme. Entourés de leur autre fils, narrateur de l'histoire, d'un couple d'amis, Mr et Mrs Belderboss, de Miss Bunce, l'employée du presbytère et de son fiancé David, Pabsent et Momon se préparent, lors de cette semaine, dans le respect de rites sacrés et de traditions précises, de pénitence et de prières, à accueillir Dieu dans l'espoir d'un miracle.
"Quiconque séjournant ici s'en irait en meilleure santé qu'à son arrivée."
Mal perçus par les habitants de cette région isolée ("un espace béant qui s'ouvrait sur les eaux grises"), déstabilisée par ce prêtre nouveau, des événements inquiétants, la communauté se disloque assez rapidement ; la peur s'installe, intense et le pèlerinage se transforme progressivement en une expédition menaçante et malveillante, terriblement angoissante.
"Des jours de brume et de pluie battante […] Le ciel obscurci par un nuage d'humidité tourbillonnant au ras du sol, quelque part entre le brouillard et la bruine."
Extrêmement habile à décrire la nature du Lancashire, attentif aux moindres détails, d'une précision acérée, l'auteur place le lecteur et les personnages principaux (la communauté des pèlerins) en situation de faible visibilité, sous la menace sourde mais omniprésente d'une grisaille, du brouillard et de la pluie, les insécurisent face aux marées inhabituelles et à la densité des forêts, à la brutalité des habitants peu loquaces, presque sauvages.
De même, par des allers-retours entre passé et présent, des révélations lâchées par bribes, le rythme lui-même, volontairement saccadé, indispose et oppresse mais agace aussi parfois, par quelques longueurs. Si les personnages regroupés dans la vieille bâtisse ont une certaine consistance, de l'envergure, les autres personnages, plus évanescents (malgré leur importance) semblent moins convaincants et l'intérêt du lecteur vacille de temps à autre ; d'autant plus que l'auteur ne révèle pas tout, laisse quelque mystère, de l'ambiguïté et frustre un peu le lecteur en mal d'explications. Mais l'atmosphère obsédante, l'écriture précise, poétique et très visuelle valent le détour.