Invitée d'honneur de la Foire du livre de Francfort cette année, malgré les nombreuses arrestations qui sévissent dans le pays, au détriment de la liberté d'expression, la Turquie accuse un sérieux contrecoup dans le domaine de l'édition.
Ce domaine, plutôt jeune, dans le pays, naquit sur les friches d'un empire ottoman où le taux d'alphabétisation restait faible, probablement du fait de l'utilisation de la langue arabe écrite, et le fossé entre oralité et écrit produisait peu de livres. L'avènement de la République turque, en 1923 va changer la donne. L'introduction de l'alphabet latin par Mustafa Kemal, et les crédits accordés à l'éducation vont littéralement inverser cette situation.
D'autre part, le gouvernement se fait éditeur en grande part, et jusqu'en 1980, il est l'acteur principal dans le domaine de l'édition. À cette époque, le secteur se privatise, quand en décembre 1983 Turgut Özal devient premier ministre. Dès lors, des éditeurs indépendants fleurissent, et aujourd'hui le pays en compte près de 1700, si humbles soient certaines, pour une production annuelle évaluée à 32.000 livres, selon l'association des éditeurs turcs.
Des livres gratuits... un handicap pour l'édition
Si l'on est parti de très bas, tous les les secteurs, même celui des livres scolaires, du fait d'efforts gouvernementaux, ont alors accru leur production. Ainsi, le gouvernement actuel de Recep Tayyip Erdoğan a récemment décidé la distribution gratuite de livres scolaires à tous les enfants du secondaire du pays. Que des bonnes nouvelles en somme ?
Pas vraiment. Car justement, l'industrie accuse le coup et subit une baisse de l'engouement initial, avec près de 20 % des livres scolaires de moins vendus cette année, l'industrie pointant en partie l'initiative gouvernementale de distribution gratuite. Metin Celal, le secrétaire général qui a dévoilé cette baisse, ajoute cependant que de nombreuses petites librairies d'Anatolie ont largement profité de ces dons, bien que l'avenir de l'industrie ne soit, à long terme, pas des plus réjouissant.
Avec des auteurs de grand talent, enfin publiés en Turquie, comme Orhan Pamuk, ce futur pourrait connaître un tout autre parcours...