Dîner de gala. L'étonnante aventure des Brigands Justiciers et de l'Empire du Milieu
Ce livre raconte les aventures, dans la première moitié du XXe
siècle, de la cohorte des Bandits Justiciers, autrement appelés
Redresseurs de Torts ou Brigands Rouges : ainsi nomme-t-on
l’Armée des communistes chinois qui triomphera en 1949,
après de longs et coûteux combats. Leur chef est un fils de
paysans du Hunan, destiné à régner sans partage sur le Parti
puis sur la Chine. Quand le récit commence, le pays est
déchiré par la guerre civile. Les puissances étrangères –
France, Angleterre…, mais surtout l’envahisseur japonais – se
disputent les dépouilles de l’Empire, tandis que le Kuomintang
de Tchang Kaï-Chek tente de prendre le pouvoir, luttant à la
fois contre les étrangers et contre ses rivaux communistes.
Mao s’impose d’abord dans un petit fief reculé des montagnes.
Il construit patiemment l’Armée Rouge avec quelques
comparses et, tout en combattant les Japonais, parvient à
repousser quatre campagnes successives de Tchang Kaï-Chek.
La cinquième campagne sera terrible : le Kuomintang engage
un million d’hommes, et l’Armée Rouge doit fuir, harcelée par
les nationalistes et par les habitants des régions traversées,
minée par des rivalités intérieures. La Longue Marche,
d’octobre 1934 à octobre 1935, voit le corps d’armée dirigé
par Mao perdre près de cent mille hommes sur cent trente,
avant de trouver refuge dans une zone communiste stable. Ce
désastre sera plus tard transformé par le Président-poète en
triomphe légendaire. Mao, qui a appris des Soviétiques la
pratique des purges, assoit son emprise sur le Parti. En 1949, il
proclame l’avènement de la République populaire de Chine.
Viendront ensuite les épisodes terribles des Cent Fleurs, du
Grand Bond en avant et de la Révolution Culturelle... Cette
épopée cruelle et picaresque nous est racontée sous la forme
d’un récit d’aventures à la façon de Au bord de l’eau. Les
personnages ont nom Tête-de-Fouine, Petit-Chien dit Rouge-
Vertu, Liu-Gros-Nez, le Mandarin-Versatile, le Dragon-
Borgne, l’Ours-Téméraire ou Deuxième-Couteau. Le ton,
plein d’ironie narquoise, n’est pas celui du récit historique,
bien que l’auteur s’appuie sur une documentation
extraordinairement précise, jusque dans le moindre détail de la
vie quotidienne de ces combattants légendaires : il n’y manque
pas une sandale à semelle de paille ni une écuelle de porc au
piment. Le récit est à la fois pétillant d’humour et nourri d’une
quantité d’anecdotes souvent affreuses ("La Révolution n’est
pas un dîner de gala", faisait observer le grand Timonier).
Philippe Videlier confirme, avec ce livre, l’invention d’un
genre : le conte historique, genre qu’il avait déjà expérimenté
dans ses ouvrages précédents. Le résultat est saisissant
d’intelligence, et l’humour grinçant qui baigne le texte replace
l’atrocité des faits dans le grand manège de l’histoire des
hommes, avec sa musique lancinante.
09/2012