L'empire de l'or rouge. Enquête mondiale sur la tomate d'industrie

Une fillette sans sourire et aux petits yeux tristes se réveille un matin et s'aperçoit que des feuilles mortes envahissent sa chambre. Elles n'en finissent pas de tomber et recouvrent tout de noir. Surtout les idées de l'enfant, empêtrées dans cette humeur automnale. Notre tendre héroïne semble se déplacer doucement, ralentie par un cœur bien lourd. Elle essaie d'exprimer sa solitude, son chagrin, ses angoisses face à un monde auquel elle ne semble pas appartenir. Et puis, parce qu'il faut bien que la mélancolie prenne fin et que les saisons se succèdent, le printemps sentimental arrive.

est un album incroyablement beau, délicat et dense. Shaun Tan, auteur et illustrateur, ne s'abandonne à aucune facilité: chaque page est travaillée comme un tableau unique, riche d'autres couleurs, techniques et effets que la précédente. Il dessine les émotions avec complexité et profondeur. Le texte est à la fois très sensible, poétique tout en restant laconique. Le tout rend une impression de délicieuse mélancolie à laquelle on s'abandonne volontiers. Et la fin nous sauve, optimiste et merveilleusement lumineuse. Elle nous laisse comme la petite fille de l'histoire: pleins d'espoir et souriants. A faire découvrir absolument aux enfants à partir de 10 ans.

Au soir du 11 avril 1915, dans tous les quartiers de Constantinople, les forces de police Jeunes-Turcs font converger tous les Arméniens qu'elles ont pu identifier vers des lieux de rassemblement à partir desquels elles organisent un vaste processus d'exil qui va conduire au de toute une population.

Issus de tous les métiers et de tous les milieux sociaux, ces hommes sont emmenés, sous couvert de rassurantes paroles, qui à pied, qui en bateau, qui en charrette tirée par des mules, qui en train, vers des destinations qui s'éloignent chaque instant un peu plus, qui les éloignent de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs familles.

Ces rassemblements, qui sont diversement appréciés par tous ces hommes plus ou moins bien, plus ou moins mal traités par leurs gardes, avaient été pressentis quand, quelques jours auparavant, traînaient, dans les rues de Constantinople, des rumeurs de listes de noms dressées avec le concours de collaborateurs eux-mêmes parfois arméniens.

Ballottés de lieux en lieux qui ne portent pas ouvertement le nom de prisons, encadrés sévèrement par des foules d'hommes en armes, ces colonnes de détenus, dont il semble que tout soit fait pour ne pas les appeler explicitement ainsi, subissent ce qui va devenir une véritable déportation dans une ambiance qui, parfois, ressemble à une joyeuse foire même si certains perçoivent intuitivement le destin funeste qui attend la grande majorité d'entre eux.

Aram ANDONIAN est de ces hommes raflés !

Des années après, survivant de cet exil où nombre de ses amis ont laissé la vie, il raconte les premiers jours de ces déplacements de populations vers leur enfer.

Ce livre est le recueil de deux textes d'Aram ANDONIAN qui apparaissent comme la transcription de souvenirs de cet épisode dramatique de sa vie, de sa « nation » comme il le dit.

Lien de cause à effet ? Le premier texte n'a pas de fin véritable et se termine sur des pointillés qui interdisent de savoir comment et pourquoi il a réussi à survivre là où tant d'autres ont péri.

Le texte est factuel,, sans ornement ni fioriture. Juste une sorte de journal intime qu'il aurait complété chaque jour afin de consigner les évènements de la journée.

Mais c'est cette application quasi adolescente (évocation de fous-rires, absence persistante de prise au sérieux des évènements, comportements de potaches, de gamins en vacances loin de leur famille, …) qui rend encore plus froide cette marche vers l'horreur qu'un lecteur du XXIème siècle ne peut plus ignorer.

Au delà d'un épisode historique d'un grand intérêt pour moi puisque je n'en connais que la partie émergée de l'iceberg, plusieurs choses m'ont marqué dans cette lecture.

D'abord le fait que cet exil soit exclusivement consacré aux hommes qui tentent, à chaque occasion possible, d'envoyer un mot rassurant aux membres de la famille qui n'ont pas été emmenés.

Ensuite une certaine incohérence dans les victimes de cette rafle qui sont parfois vues comme les seuls membres de l'intelligentsia arménienne de Turquie alors que d'évidence, toute les couches de la population constituent ces colonies de déportés.

Enfin un étonnement profond devant le mépris et la haine dont l'orateur fait preuve à l'égard des Turcs et dont il est évident qu'ils sont bien antérieurs et donc ne sont pas une conséquence de cette journée du 11 avril 1915. Ce constat m'a profondément troublé au point de brouiller un peu la qualité du témoignage.

C'est cela cependant qu'il convient de retenir : un témoignage ! Envoyé du cœur d'une opération de destruction massive.

Comme l'exprime avec beaucoup plus de talent que moi R.H. KEVORKIAN dans la préface de ce livre, de « nombreux matériaux d'archives (…) montrent avec évidemment plus de rigueur » une situation qui était inaccessible à l'auteur car « il lui manquait le recul nécessaire, le savoir-faire de l'historien (…). Ce qui n'enlève rien à la force de son travail ».

Pour la mémoire, celle-là et toutes les autres qui ont vu l'homme s'acharner sur l'Homme en génocidaire, cette lecture est utile.

Quel bel objet à manipuler que ces (Dargaud) ! Il y a un pur plaisir sensuel à toucher la couverture : essayez ! Et comme le ramage vaut le plumage... Thierry Smolderen au scénario et Alexandre Clérisse nous proposent ici un étourdissant voyage dans le temps et l'espace, un hommage émouvant à la science-fiction et plus généralement aux années 50. Il m'émeut jusqu'aux larmes en me renvoyant à mon adolescence, époque où j'achète tous les volumes des éditions J'ai lu consacrés aux "Pulps". 

chronique BD et séquence nostalgie

avec BDfugue

L'immense Jacques Sadoul - décédé il y a peu - réalise un travail d'anthologie, dans tous les sens du terme, en regroupant les meilleurs textes des écrivains de l'âge d'or de la science-fiction. Des pionniers publiés dans ces magazines aux couvertures spectaculaires, et au papier de mauvaise qualité, issu de la pulpe du bois, d'où leur surnom de "Pulps". Souvenirs de l'empire de l'Atome...

Le titre est déjà un clin d'œil au roman d'Alfred Van Vogt, L'empire de l'Atome ! Et le personnage principal est Paul, écrivain de récits d'anticipation, inspiré par Cordwainer Smith: un des épisodes del'histoire se situe sur la planète Shayol, le titre d'une des nouvelles composant le cycle des Seigneurs de l'instrumentalité écrit par cet auteur. Qui, à l'instar de Paul, fait un long séjour en Chine lors de son enfance...

Les strates narratives abondent dans cette histoire. 

Pourtant, cette complexité ne nuit en rien à la fluidité du récit. Tentons un résumé : Paul, rêveur et un peu mélancolique se promène au Mexique avec sa fille et repense à son enfance.

Depuis un traumatisme lié à cette période, il est en contact télépathique avec Zarth Arn, grand chef militaire galactique vivant dans un millier de siècles. Les notes qu'il prend sur cet empire du futur alertent ses employeurs au Pentagone, qui le considèrent finalement comme un cas relevant de la psychiatrie !

Souvenirs de l'empire de l'atome

SMOLDEREN /  CLÉRISSE

sur BDfugue

Le médecin qui le soigne publie un article qui attire l'attention de Gibbons Zelbub, consultant pour le gouvernement et l'industrie militaire. Au cours d'un brainstorming se déroulant dans sa propriété, Zelbub utilise l'hypnose pour contraindre Zarth Arn, par le truchement de Paul, à révéler les secrets scientifiques du futur. 

Dès lors, une terrible lutte s'engage ! Zarth Arn est en prison pour vol de documents confidentiels et ne comprend pas l'attitude de Paul, qui en apparence trahit leur amitié. Paul essaie de s'en expliquer et de contrecarrer les projets mégalomanes de Zelbub, alors que son esprit et celui de collègues chercheurs est manipulé par ce génie du mal. 

Passé, présent et futur se frottent, se mélangent dans une réalité teintée de rêve. Lire Souvenirs de l'empire de l'Atome, c'est renouer avec un plaisir d'enfant, celui de se plonger dans un livre d'aventure ou une bande dessinée en oubliant que le monde alentour existe.

On s'amuse beaucoup, et on a la gorge serrée lorsque Paul étreint la princesse Alura, un personnage de fiction qu'il aime tant... au point qu'elle devient un petit peu réelle !

Mélange de nostalgie et de fascination, cet album est un chant d'amour pour une époque où le design naissant embellit le quotidien, où le progrès semble annoncer un âge d'or.

Un gros clin d'œil aussi à la BD franco-belge : Zelbub m'évoque un certain... Zorglub ! Et Franquin himself apparaît en génial hurluberlu. Quant au dessin de Clérisse, il touche au sublime : élégant, expressif et paré de couleurs joyeuses !!!

Ceux qui les ont côtoyés peuvent témoigner de la grande fierté des Britanniques pour leur identité, voire de l'arrogance diront certains, et ce malgré la laideur de la plupart de leurs villes, et la gelée à la menthe.

« Nous sommes un peuple unique, avec notre propre caractère, notre propre histoire, nos propres façons de vivre ensemble, une certaine qualité douce-amère, une conscience sociale et un sens de l'humour particulier », disait George Orwell. « Ce sceptre isle, cette terre de rois, ce royaume d'Angleterre », décrivait Shakespeare dans son Richard II.

Une singularité insulaire dont ils tirent leur force : « Régner sur les vagues » des océans grâce à sa flotte navale. Une domination de thalassocratie louée dans la chanson patriotique, Rule, Britannia, composée au milieu du XVIIIe siècle. Par extension, elle évoque leur empire, qui va prendre son essor le siècle suivant.

Si l'Empire britannique commence véritablement à se former à la fin du XVIe siècle avec les premières colonies en Amérique du Nord et dans les Caraïbes, Les Guerres Napoléoniennes (1803-1815), dont il sort renforcé, et surtout la Révolte des cipayes en 1857, qui marque le début de la formation de l'armée des Indes, constituent des moments clés de l'expansion british.

#[pub-1]

Ce soulèvement majeur dans le pays de Tagore contre la Compagnie britannique des Indes orientales mena à la prise de contrôle directe du pays par la couronne britannique. Suivront la Guerre anglo-zouloue dans l'actuelle Afrique du Sud, la terrible Guerre des Boers et ses camps de concentration, la rivalité entre l'Empire britannique et l'Empire russe au XIXe siècle, centrée sur l'Afghanistan et des territoires d'Asie centrale, et baptisée Le « Grand Jeu ». Mais aussi le soulèvement anti-impérialiste, anti-étranger et anti-chrétien en Chine entre 1899 et 1901, dit la Révolte des Boxers, sans oublier les deux guerres mondiales...

Une fin en 1947 après un lent déclin, avec le retrait de l'Union Jack d'Inde et du Pakistan, mettant fin à trois siècles d'expansion impériale britannique. L'apogée est dans ce XIXe siècle victorien, quand la reine régna sur près d'un quart de la superficie terrestre et de la population mondiale, avec des territoires dans le sous-continent indien, l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Asie du Sud-Est et l'Océanie.

Celui qui proposa une biographie de Rommel, Benoît Rondeau, adopte une perspective impériale, englobant toutes les possessions britanniques, et examine les aspects politiques et militaires du colonialisme qui ont propulsé la Grande-Bretagne au rang de première puissance coloniale, dotée de l'une des armées les plus puissantes de son temps. 

#[pub-2]

Robert Clive, Disraeli, Montgomery, Lawrence d'Arabie, Gordon, Kitchener, Baden-Powell, Douglas Haig, Churchill... Les batailles de Plassey, Khartoum, d'Isandlwana, de la Somme, d'El-Alamein, de la Normandie... Et la mentalité, l'organisation, les caractéristiques et l'évolution de l'armée et de la marine britanniques... Tout une épopée démente, colonialiste et finalement contre la menace nazi. Le tout narré avec maestria par l'historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, qui va jusqu'à donner un aperçu de la vie quotidienne des combattants, pas toujours aisée, qu'il avait déjà présenté dans une précédente étude, Le Soldat britannique.

L'esprit britannique, cette mosaïque complexe de résilience, de tradition, et d'innovation, dont émane un profond sentiment de continuité historique, marqué par la stabilité des institutions, le respect du droit et une folie contenue, révélée par un humour absurde et sans sourire.

Et en bonus, le conseil d'un immense film signé John Huston, tiré d'une nouvelle d'un certain correspondant de guerre britannique né en Inde, Rudyard Kipling, L'Homme qui voulut être roi. L'oeuvre raconte la quête extraordinaire de deux aventuriers britanniques pour devenir les monarques d'un royaume perdu dans les montagnes inexplorées de l'Afghanistan, où on se souvient encore d'Iskandar...

Dans ce bel album au format atypique, nous conte une vision personnelle de l'enfance du poète et peintre du XIXè siècle, . Il nous dresse le portrait d'un enfant doux, introverti, à l'imaginaire riche et foisonnant en privilégiant la période où l'artiste est séparé de sa mère, après la mort de son père, pour entrer à l'internat de Marlborough College où on le destine à la prêtrise. Nous devenons les confidents de ses chagrins contenus, ses vagues à l'âme et son cheminement intérieur, jalonné d'observations sur la Nature, qu'il détaille avec un lyrisme charmant dans son fameux Carnet Rouge.

Carnet qui représente bien des choses pour notre héros : journal de bord, recueil, carnet à dessins, compagnon de souvenirs. William fera tout pour ne pas en être privé lorsque sa tendance à la rêverie poussera un de ses professeurs, Mr Brody, à le lui confisquer. Mais parfois, une difficulté peut se muer en opportunité d'apprendre, grandir et envisager des perspectives nouvelles… Le carnet rouge est un très beau livre. Agata Kawa nous propose de merveilleuses illustrations, nourries de symbolismes, d'allégories désuètes qui rappellent un style un peu passé dont les amateurs du genre raffoleront. Le trait est fin, sûr, les détails sont légion. Elle jongle avec aisance entre les décors et paysages réalistes et les fugues imaginaires et oniriques. Le tout est simplement exquis.

Alors que l'armée de Poutine se revendique comme l'héritière de l'Armée rouge, il est essentiel de comprendre ses mécanismes, ses défauts, ses vulnérabilités et sa résilience.

Née en 1918 au cœur de la plus tragique des guerres civiles, l'Armée rouge a traversé des époques sombres, étant à la fois chérie par le régime stalinien et victime de ses exactions. Malgré ses ressources colossales, elle a failli être vaincue par une Wehrmacht plus expérimentée. Après des revers dévastateurs, elle a su se relever, repousser et anéantir son adversaire, mais à un prix exorbitant.

#[pub-1]

L'Armée rouge a joué un rôle majeur dans la victoire de 1945, tout en contribuant à l'oppression des nations d'Europe de l'Est. À travers analyses, témoignages, photos et infographies, ce livre retrace l'histoire de l'une des forces militaires les plus singulières du XXe siècle.

Les experts de Guerres & Histoire offrent une étude exhaustive, sans équivalent dans l'édition française.

« Les inégalités de richesse n’ont jamais été aussi grandes qu’aujourd’hui. »

« C’est toute la limite du féminisme d’État qui défend l’égalité professionnelle pour le haut de la hiérarchie des emplois, mais pas l’égalité économique au sein de la famille. »

Une passionnante synthèse d’études qui se lit très facilement. Faire discuter des chats des inégalités de richesse relève du génie !

Hattie et Dolorès, deux amies proches, décident de sauver un vieux cheval de l'euthanasie et s'embarquent dans un van à travers les États-Unis.

Hattie est sage, déterminée, Dolorès intrépide et casse-cou, elles se complètent, se soutiennent. Leur objectif est d'atteindre Blue Earth, la terre bleue, un lieu magique et sauvage où Speed pourra enfin gambader dans la nature. Mais il s'agit aussi pour elles d'échapper à la pression familiale (les deux jeunes filles ont une vie de famille compliquée, en particulier Dolorès, que sa mère vient de mettre à la porte et dont le père a quitté le foyer il y a des années. Les parents de Hattie,  quant à elle, sont divorcés et elle vit avec sa mère) et de trouver leur voie. Leur décision folle de traverser les États-Unis seules chamboulera leurs familles et permettra de ressouder les liens défaits.  Mais, Hattie et Dolorès arriveront-elles au bout du voyage ? 

Un beau roman, frais et distrayant, aux deux héroïnes attachantes avec leur sensibilité et leur amitié indéfectible. Les péripéties du voyage vont les rapprocher, de confidences en fous rires. L'amitié est au cœur du livre, mais pas seulement, la question de la mort et de la nécessité de vivre sont aussi très présentes. Les deux amies sont à la recherche de la reconnaissance de leur famille. Le héros de cette histoire est le cheval Speed,  arrivera-t-il à destination vivant ? Parviendra-t-il à passer l'hiver ?

est un road trip que nous propose l'auteur Joseph Monninger, un voyage initiatique, l'occasion pour ces deux adolescentes de grandir. Les personnages sont hauts en couleur comme les cowboys. L'écriture est simple, poétique et positive, l'auteur n'a pas cédé au misérabilisme et a vraiment livré un roman de qualité et dépaysant : une vraie bouffée d'air frais. Après Le garçon qui rêvait de requins, l'auteur nous captive sur la route des grands espaces américains.

Un roman optimiste qui séduira les passionnés de chevaux, les optimistes convaincus et fans de grands espaces. À découvrir d'urgence.