Gentlemen's Barber mug

Amorcée en 2008, la série Wormwood tient du petit bijou entre humour noir et potache, comme Ben Templesmith (au dessin ET au scénario), sait en concocter. Le pitch est un brin lugubre : Wormwood est un asticot, originaire d’une dimension lointaine, qui a vécu des milliers d’années (et peut-être plus encore). 

Dans son jeune temps larvaire, lui et ses frères ont dévoré la chair de dieux et déesses morts, tout en absorbant une partie de leurs pouvoirs, aussi bien que de leur connaissance. Puis, Wormwood est parti à la découverte du TRÈS vaste monde, avant de s’installer sur Terre, conquis par trois arguments imparables : la bière, les cigarettes et le sexe.

Il a élu domicile dans l’orbite vide d’un cadavre, qui lui permet de se déplacer et d’avoir une présence. Et s’est constitué une équipe : M. Pendule, robot entièrement construit par ses soins, avec une tronche de chanteur de ZZ Top, Medusa, son ex et Phébée, sa garde du corps. Toutes deux sont immortelles, et travaillent dans une boîte de strip-tease, qui abrite une porte interdimensionnelle.

Secouer le tout, le cocktail démoniaco-satirique est totalement dingue, hilarant et dessiné avec une ambiance extraordinaire. Ajoutez des créatures infernales ou plus simplement débiles, dégustez glacé. Quatre volumes sont aujourd’hui parus : lançons une pétition pour que les deux derniers soient enfin traduits.

Barbe-bleue, Blanche-neige et Pinocchio sont des personnages que l'on ne présente plus. Des personnages de contes célèbres, des récits que nous connaissons sous leur forme originale ou par le truchement de l'une des nombreuses adaptations qui leur vaut une grande popularité : film de cinéma, dessin animé, opéra... et bande dessinée, bien sûr ! 

chronique BD avec BDfugue

Philippe Bonifay, scénariste talentueux et prolifique nous propose aujourd'hui une autre façon de revisiter ces classiques. Les sources d'inspiration pour un écrivain sont, on le sait, très diverses, mais pour les contes, on peut penser que c'est la tradition orale qui vient en premier. 

Eh bien, imaginons plutôt que l'histoire personnelle de Charles Perrault, des frères Grimm ou de Carlo Collodi soit à l'origine de leur œuvre !!! Trois titres paraissent simultanément chez Glénat, avec à la clé des bonheurs de lecture variables. 

Graphiquement, le niveau est très bon : Stéphane Duval, Fabrice Meddour et Thibaud de Rochebrune font du beau travail, avec leur personnalité propre. On peut préférer l'un ou l'autre, mais le dessin est toujours cohérent avec le ton adopté pour chaque album. ne manque pas d'atouts : Philippe Bonifay part de l'hypothèse que les frères Grimm découvrent dans un livre le destin tragique d'Otilie, une très jeune fille dont le père est séduit par l'écuyère d'un cirque, une femme belle et cruelle. 

La Barbe-bleue, sur BDfugue.com

Glénat, 18,50 €

Une femme prête à tuer tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Les nains du cirque donnent un caractère de légende germanique façon Nibelungen qui n'est pas désagréable. Mais les allers-retours entre l'histoire d'Otilie et les discussions des frères Grimm me semblent chaotiques et lassants... 

Pinocchio nous amène à Paris en 1875, et plus précisément dans les coulisses de l'Opéra, où une petite fille débordante d'énergie et à l'imagination sans limites est devenue la mascotte des lieux. Pour expliquer ses absences à l'école, elle raconte des histoires incroyables à son père adoptif Gaston, le gardien du Palais Garnier, mais se trahit en se grattant le nez à chaque fois qu'elle ment ! 

Un beau jour, montant sur une chaise pour atteindre des bocaux de sucreries, elle fait tomber sa poupée dont le nez se brise et doit être remplacé par une branchette en bois. Figurez-vous que Gaston a un ami italien nommé Carlo Collodi... C'est charmant, et l'atmosphère de ce théâtre où les rois sont les artistes est bien agréable, mais je trouve que le scénariste se triture les méninges pour faire correspondre l'histoire à son postulat de départ !!! 

Blanche-neige, sur BDfugue.com, 

Glénat, 17,50 €

La Barbe-bleue est par contre une franche réussite. En 1694, Charles Perrault se recueille sur la tombe de son frère jumeau et lui confie d'où vient son inspiration pour ce terrible conte : la vie des jumeaux Marc et Jean, grandissant dans la maison des Perrault 300 ans plus tôt. 

En allant chercher du secours pour soigner ses parents contaminés par la peste noire, Marc est renversé et piétiné par un cheval. Défiguré, il grandit dans l'ombre de Jean, en apprenant comme lui la sculpture sur bois. Devenus adultes, les frères se partagent les faveurs des modèles qui posent pour eux. Mais l'inspiration de Marc devient morbide, il bascule dans une folie sanglante, et tue les conquêtes féminines de Jean les unes après les autres. 

L'ambiance est étouffante, digne d'un film d'épouvante, les dialogues sonnent justes et le récit est fluide, bien construit ! Mais à ne pas lire aux enfants : le cauchemar est assuré...

Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître... mais qu'ils peuvent découvrir en lisant (Casterman) de Rodolphe et Jacques Ferrandez ! Un album qui rassemble à peu près toute l'œuvre commune de ces deux hommes, débutants dans la BD à la fin des années 70.

La Chronique BD, avec 

Dispersés entre différents éditeurs lors de leur dernière parution il y a trente ans, ces récits empruntant au genre du polar, du récit historique, de la chronique de mœurs ou de la science-fiction sont donc réunis aujourd'hui dans un beau volume augmenté d'un dossier et d'une longue interview des auteurs.

Des suppléments qui nous transportent à une époque où de telles histoires courtes - l'équivalent des nouvelles pour la littérature générale - se trouvent dans les pages de prestigieuses revues comme Pilote, Métal Hurlant ou (À suivre).

Le vicomte et autres récités

de Rodolphe et Ferrandez

sur BDfugue.com

Pourtant, Rodolphe et Ferrandez s'engagent très vite dans le projet d'une histoire complète, L'homme au bigos, première mouture des Enquêtes du commissaire Raffini, mais on leur conseille de faire leurs gammes avec des récits brefs.

Les revues ont des lignes éditoriales très typées... et autant de fortes personnalités à leur tête : Jean-Pierre Dionnet et Philippe Manoeuvre aux commandes de Métal Hurlant, c'est la garantie d'une ambiance assez, heu... rock'n roll, on peut le dire !!!

Réalisées pour les numéros thématiques de Métal Hurlant, les histoiressont du coup fort diverses, et peuvent étonner quand on lit ce que nous propose Ferrandez aujourd'hui, qu'il s'agisse des Carnets d'Orient ou de l'excellent Alger la noire (Casterman).

Dans ces années 80, il navigue entre un fantastique à la Bilal, de la SF très Moebius, et la noirceur de Tardi... Autant de défis très formateurs et très enrichissants pour un auteur qui se cherche. 

Changement de ton avec Le Vicomte, chroniques sur le thème de l'escroquerie, publiées dans le journal Pilote : ambition littéraire et profondeur psychologique y trouvent leurs sources dans la vie d'escrocs célèbres.

Les incidents de la nuit

de David B.

sur BDfugue.com

Rodolphe avoue sa fascination pour les escrocs "de haut vol", alliant l'élégance à l'intelligence. Des Sherlock Holmes à leur manière, dont le talent pour analyser les individus est ici utilisé pour les gruger. Les tribulations du Vicomte retracent le parcours de toute une vie, depuis les coups flambants de sa maturité jusqu'aux arnaques minables d'une vieillesse misérable...

Il y a une certaine nostalgie dans le constat fait par Rodolphe et Ferrandez, amenés à se pencher sur leurs travaux de jeunesse : pour un auteur d'aujourd'hui, l'alternative semble être le blog ou l'histoire complète, et la pression est plus grande, l'incertitude matérielle éprouvante. La convivialité, l'émulation entre dessinateurs se croisant dans les bureaux des magazines n'est plus possible, ceux-ci ayant à peu près tous disparu !

Mais jetez un coup d'œil à celui-ci...
Les incidents de la nuit de David B. (L'association) jadis parus en trois volumes dans l'épatante collection "Mimolette" nous reviennent sous forme d'une intégrale inachevée, hélas ! C'est le David B. du début des années 90 et du Cheval blême, partant de ses rêves et de son quotidien pour nous plonger dans un univers follement inventif, stupéfiant d'érudition et de liberté !!!

Avant la notoriété que lui apporte quelque temps plus tard L'ascension du haut mal...

Une chose amusante, alors que l'on annonçait la sortie d'un inédit d'Arsène Lupin aux éditions Balland.

Les autopsies, à la fin du XIXe siècle, ne ressemblaient guère à celles qui se pratiquent de nos jours. C’est l’histoire d’un apprentissage, celui d’un homme et celui d’une discipline : la médecine légale.

Ange-Clément Huin, Apache de vocation, suit l’enseignement d’Alexandre Lacassagne (qui lui fut véritablement l’un des fondateurs de l’anthropologie criminelle).

Entre fiction et réel, autour d’un cadavre de femme mutilé, une affaire de mauvaise graine… qui donnera de belles pousses.

L'envahisseur est à nos portes...de poulaillers. On ne sait pas d'où il vient et ce qu'il veut mais les poules commencent à prétendre que les vers de terre viennent à manquer. Une seule solution, bâtissons des murs si hauts que ces petites créatures ne puissent franchir et protégeons nous! Et c'est ce que firent les poules devant la basse-cour médusée. Pourtant, tout l' hiver durant, les poules étaient tellement occupées à se mettre à l'abri que la vie et les saisons filèrent, sauf l'envahisseur, puisque il fut pris au piège dedans.

L'amitié et la méconnaissance de l'autre semblent des sujets qui tiennent à cœur à . Il nous avait amusés avec son personnage paranoïaque Edgar le rat. Il fait une petite apparition dans ce nouvel album et il prit, rappellez-vous, sa queue pour un importun. Au delà de la petite histoire drôlissime et absurde, l'album pose un second niveau de lecture traitant de la xénophobie, Jean-François Dumont y glissant quelques allusions évidentes pour qui sait regarder. Le choix des poules et du hérisson fait référence aux dits "voleurs de poules et mangeurs de hérissons", les Roms. Un niveau existant sans l'autre mais les deux se complétant, Une poule derrière un mur est un album plus riche d'enseignements que ne le suggère sa simplicité.

En 1961, l’Allemagne est divisée en deux. Toute personne qui tente de traverser le mur de Berlin illégalement risque sa vie. 

Conrad, Julius, Ludwig et Hanna ont l’habitude de le traverser pour la contrebande, pour séduire des femmes, pour se sentir libre... 

Du jour au lendemain, ces inconnus doivent concevoir ensemble un plan pour faire évader des habitants de Berlin-Est… mais rien ne se passe comme prévu.

Un hommage sobre aux victimes du gouvernement est-allemand.

Après une terrible et ravageuse épidémie de peste animale, les humains se sont vus dans l'obligation de ceinturer la Terre d'un gigantesque mur. Au sud, des terres désolées et des animaux féroces, au nord, les Hommes qui survivent dans des villes surpeuplés où les pauvres vivent dans la fange et les riches en hauteur, dans des quartiers protégés. C'est dans une de ces villes que Ellie, 12 ans a disparu il y a 1 an. Tout le monde la croit morte, seul Mika, son jumeau garde espoir. Quand on lui propose à l'école de participer à un nouveau jeu vidéo et qu'on l'oblige à boire des "boissons vitaminés", le jeune garçon sent que sa quête pour retrouver sa sœur va commencer et que les étranges pouvoirs qu'il semble développer devrait l'y aider. Mais la vérité se trouve de l'autre côté du mur ...

Voilà un excellent roman d'anticipation que nous offre les Editions Pocket jeunesse. Dans la droite lignée des classiques du genre mais avec une modernité étonnante, est une très bonne surprise. Parfaitement ancré dans le réel, ce roman aborde par le biais de la science-fiction des thèmes qui résonneront dans l'esprit des lecteurs tels que la répartition des richesses, la malbouffe, la protection de l'environnement entre autres. Par ailleurs, en positionnant une partie de son récit dans un univers où les loisirs vidéo ludiques ont une importance capitale, sait capter l'air du temps et s'en servir pour enrichir la fiction. Les personnages principaux sont très attachants et c'est un vrai plaisir de les suivre dans ces aventures au suspense savamment élaboré.

Amateurs de science fiction mais aussi profanes du genre, n'hésitez plus et plongez-vous dans ce premier tome captivant et très prometteur pour la suite!