Cauchemar en Ecosse. Fantastic Escape Game

Lucy fait des cauchemars. Des cauchemars si terrifiants que la jeune fille se réveille trempée au matin… Et quoi de plus humiliant que de faire pipi au lit, quand on est au lycée, et qu'on partage une chambre avec sa meilleure amie? Pour se protéger de ces rêves prémonitoires, Lucy pratique la magie et grave des bougies, brûle des herbes et fait des incantations. Mais nuit après nuit, l'angoisse monte: les cauchemars concernent son amie Drea. Lucy sait que la mort se rapproche, mais elle ignore comment sauver son amie. Par le passé, elle a échoué une fois déjà à sauver une fillette… Alors quand Drea commence à recevoir les appels téléphoniques d'un détraqué, Lucy panique.

L'ambiance de est réellement angoissante, et le lecteur, pris au piège par la panique de la jeune narratrice, se questionne jusqu'au bout sur l'identité du psychopathe. Le suspense mis en place par est oppressant: un thriller fantastique efficace. Trois autres tomes suivent.

En décembre dernier, j'ai eu le privilège de participer au jury du prix René Goscinny qui fait la part belle au métier de scénariste (en toute logique !) et qui sera remis la semaine prochaine.

Après de longs débats, nous avons couronné deux œuvres singulières, très différentes l'une de l'autre mais qui se rassemblent par l'ambition artistique qui les traverse.

Le prix du scénariste fut attribué à Thierry Smolderen pour "Ex Machina" (Dargaud), curieux et délicieux album dont la sortie m'avait échappé. Smolderen développe un récit réflexif mêlant espionnage et polar sublimé par les dessins de Jorge Gonzales. Captivant, habile et très drôle, on sent un auteur en pleine maîtrise de ses moyens et qui s'amuse à construire une intrigue bien ficelée où les références abondent avec légèreté.

Le prix du jeune scénariste fut de son côté décerné à Mieke Versyp pour "Peau" sorti chez Ça et là. Dans ce très bel album, l'autrice belge, évoluant davantage dans le milieu du théâtre, compose deux portraits de femmes extrêmement touchants. Développant un langage poétique singulier, elle déploie un récit éminemment subtil et sensible au sein duquel elle interroge la quête de l'équilibre, de l'épanouissement personnel ou encore le rapport amoureux à différents instants de la vie.

Les échanges furent absolument stimulants, animés et leurs trajectoires étonnantes. Qu'il fut agréable de parler de bande dessinée, qui plus est d'albums que nous avions tous lu, avec des personnes passionnées et passionnantes !

Louise, dix ans et demi, est EHS : électrohypersensible. C'est-à-dire allergique à tout ce qui fait notre monde moderne. Les ondes lui provoquent de graves saignements et crises de douleur. Ses parents achètent donc un vieux château, abandonné au fin fond de la France depuis des décennies – et pour cause : dans un rayon de plusieurs kilomètres, impossible de capter le moindre réseau téléphonique.

Louise devrait enfin pouvoir y vivre normalement. Mais c'était sans compter le passé mystérieux du domaine : est-il vraiment maudit, comme le murmurent les gens du village, ou est-ce l'isolement qui fait sombrer ses occupants dans la démence ?

Chaque soir, Louise entre dans une sorte de transe : le stylo à la main, elle raconte l'histoire de Shanoé, une jeune sorcière pourchassée dans ce château, quelques siècles plus tôt, par la folie meurtrière des paysans. Plus l'esprit de la disparue emporte Louise dans son récit, plus les fantômes des lieux viennent la hanter…

Si Flaubert ou Maupassant avaient vécu à l'ère d'Internet, ils auraient sans doute raconté l'histoire de . Voilà un roman qui s'inscrit dans la grande tradition du fantastique, mise au goût du jour par . Tout y est réuni pour nous angoisser à souhait : les sous-sols glacés du château, un voisin que seule Louise semble voir, une tempête meurtrière et, surtout, le sombre récit de Shanoé.

Car la profondeur du roman se trouve là, au cœur de cette relation étrange entre une jeune fille morte et sa « biographe » vivante. Elles n'ont rien en commun, sinon l'expérience du rejet et de la solitude. Shanoé, parce qu'elle était étrangère et sorcière ; Louise, parce que ce monde envahi de technologies la rend malade. Et comme dans tout bon roman fantastique, vous vous poserez la question jusqu'au bout : la morte force-t-elle Louise à écrire pour trouver l'apaisement… ou n'est-ce finalement que le dédoublement hallucinatoire d'un esprit malade ?

Je fais un rêve récurrent. Je marche le long d'une plage.

C'est par ces deux phrases que le lecteur entre dans l'univers haletant de «  ». Alex, le personnage principal rend visite à son grand-père, Bob Mackay, dans sa maison de retraite et apprend que celui-ci est mort depuis un mois. Il récupère une petite boîte avec les effets personnels du défunt et, très vite, le train-train d'Alex vire au cauchemar : problèmes au boulot, tempête dans son couple, passage à tabac et bien pire encore. Alex est persuadé que le décès de son grand-père cache des événements plus louches, mais plus il cherche à les éclaircir et plus il s'embourbe.

Il semble perdre petit à petit tout contact avec la réalité qui était la sienne, quelques jours plus tôt.

Le lecteur, dont la curiosité est piquée dès les premières planches est aspiré par cet univers malsain et intrigant. Comme Alex, il veut comprendre qui est la mystérieuse jeune femme blonde à lunettes noires et où se trouve cette plage isolée qui hante les rêves du héros.

Il lui faudra dévorer cent soixante planches au découpage identiques (deux rangées de quatre cases verticales), dessinées en noir et blanc (et colorées d'une seule teinte brunâtre pour renforcer les jeux d'ombre), se laisser bercer par le rythme hypnotique du format inlassablement répété, pour trouver la réponse, à mi-chemin entre rêve et éveil.

Malaise et thriller

Difficile de lire « Sin Titulo » sans penser au magistral « Comme un gant de velours pris dans la fonte » de Daniel Clowes. En effet, les deux albums font subir à leur personnage principal une dérive cauchemardesque assez similaire, forçant le lecteur à pénétrer dans un monde à la fois glauque et triste, mais surtout complètement étrange. Si les deux titres s'appuient en outre sur un dessin assez classique en noir et blanc, proche de la ligne claire, c'est pour permettre une immersion totale et aisée dans un univers déroutant.

Les points communs s'arrêtent là, cependant, car le récit de « Sin Titulo » finit par contraindre le lecteur à franchir la frontière du fantastique, de manière à résoudre, voir à expliquer, la plupart des phénomènes perturbants qui se sont succédé. Daniel Clowes, pour sa part, s'était permis de préserver jusqu'au bout les mystères et les paradoxes, dont son gant de velours est tissé.

Final décevant

Stewart Cameron n'a pas la même audace scénaristique, il préfère prendre appui sur les ficelles formatées du scénario hollywoodien pour boucler son histoire. Pour ma part, j'ai été un peu déçu par cette solution de facilité. Le recours aux explications rationnelles (dans un monde pourtant irréel) et à la canonique opposition entre le bon et le méchant, le faible et la brute, a déjà été tant lue qu'elle est très usée. Et la scène finale où le héros puise en ses faiblesses accumulées une pugnacité quasi surhumaine, qui le mène à la victoire, et donc, à la résolution de ses problèmes personnels, est devenue si banale, si attendue, qu'on s'en veut un peu d'avoir été avalé par les cent-quarante planches qui la précèdent.

N'empêche, malgré son final stéréotypé et faiblard, « Sin Titulo » est l'un de ces trop rares albums qui donnent le vertige, mêlent angoisse et fascination pour contraindre le lecteur à tourner les pages sans s'arrêter. Ce serait dommage de passer à côté.

Alors que la saison 6 vient de s'achever en France, et qu'elle laisse impatients des millions de téléspectateurs, cet ouvrage, absolument passionnant, original et convaincant,  est une opportunité à saisir pour prolonger le plaisir, rester en contact avec les personnages. Mais surtout, il offre au lecteur téléspectateur, une approche inédite de la saga extrêmement pertinente qui va lui permettre de poser un regard plus approfondi sur la série, stimuler sa réflexion et, de ce fait,  décupler son engouement.

Une approche philosophique accessible, habilement mise en scène, dynamique et rigoureuse, interactive et divertissante, didactique mais sans ennui, toujours fluide. Une invitation à l'analyse où le lecteur est personnellement mis à contribution, initié avec précision et peut-être même au final, mieux armé que quiconque pour prévoir la suite et anticiper l'accession au trône de fer. Ou comment, facilement, devenir consultant de la saga auprès de votre entourage, l'étonner et le ravir. Ne vous privez pas de ce plaisir, lisez l'ouvrage de !

Ce voyage philosophique dans le royaume des Sept Couronnes prend soin, pour ne pas égarer le lecteur éloigné des principaux courants de pensée philosophiques moraux, de rappeler brièvement les grands principes des thèses développées par Kant, Spinoza, Machiavel, Descartes, Hobbes, Nietzsche, Platon ou encore Freud et Sartre notamment en matière de politique et d'art de la guerre, de morale, de vérité, de liberté, de religion et invite le lecteur à se soumettre ensuite (sous forme de tests) à des expériences de pensée et ainsi adopter un point de vue philosophique personnel qui le rangera aux côtés d'une famille précise.

Engagé lui-même dans une réflexion, il chemine avec les différents personnages, pleinement intégré à leurs différents actes, revisite ses propres émotions face à certaines scènes, apprend à nuancer ses propos, évolue même face à des personnages qu'il jugeait antipathiques,  se questionne sans cesse sur ses jugements moraux,  est amené à réfléchir sur des problèmes d'éthique concrets et sur les rouages de la société humaine.

Page après page, son raisonnement s'affine, devient plus subtil, tantôt déstabilisant tantôt enthousiasmant et le plaisir, le contentement, sont alors quasi-jubilatoires (et légitimes).

Lire pour observer plutôt que regarder Game of Trones  est la promesse d'une belle et étonnante récompense, la garantie d'une prochaine saison encore plus époustouflante. Lire pour s'interroger sur l'euthanasie, l'homosexualité, la prostitution, l'inceste, l'existence de l'âme, la religion, le plaisir et la souffrance, la fatalité et la liberté, la nature humaine, le rôle de l'Etat, etc. tout en évitant l'excès de sérieux et la confusion justifie, sans conteste,  la  pleine réussite de cet essai et la grandeur de cette série : "une école de tolérance et de respect."

Liar Game tome 1 de Shinobu Kaitani publié chez Tonkam nous plonge dans un jeu à la limite de la torture mentale où avoir de solides nerfs, une bonne connaissance de la psyché humaine et une certaine facilité à mentir sont des qualités vitales. Clairement.

Nao Kanzaki est une jeune fille très honnête et très gentille à la limite de la naïveté, ce qui lui a d'ailleurs valu le surnom de « Nao la Naïve ». Un jour, elle reçoit un colis accompagné d'une carte. Sur celle-ci, on lui annonce qu'elle a été sélectionnée parmi 100 000 personnes pour participer au Liar Game Tournament. De petits caractères précisent qu'elle ne doit ouvrir le colis que si elle accepte de participer.

Ouhhh, que c'est bon, ce roman !
Dans un futur plus ou moins lointain, le monde est dominé par un Capitole tout puissant, qui écrase de sa tyrannie les Douze Districts. Afin de leur rappeler qui est le chef, le Capitole organise chaque année les , les Jeux de la faim. Chaque district doit fournir un garçon et une fille, et les vingt-quatre élus s'affronteront jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un. Pour sauver sa petite soeur désignée par le sort, Katniss se porte volontaire pour les Jeux. La population est obligée de suivre à la télévision le massacre.

C'est cruel à souhait, haletant et drôlement bien fichu, mâtiné en outre d'une réflexion sur notre part d'humanité et d'un triangle amoureux tout sauf guimauve.

Le roman rappelle furieusement Battle Royale (en nettement moins sanglant), Running Man ou Marche ou Crève (de Richard Bachman/ Stefen King) pour le suspens, et le cheminement intérieur des héros, ainsi que le plus récent (et magnifique) Combat d'Hiver (de Mourlevat) pour la relation qui se noue entre les héros.
Apparemment, ce roman, premier d'une trilogie (oui, encore, mais celle-ci vaut le coup), fait un tabac aux EU : c'est mérité. Le second devrait paraître en mai.

1774. Port de Pirée. C'est l'heure pour la frégate française Le Scylla de charger sa cargaison, de larguer les amarres et de d'affronter la houle.

Mais le voyage ne sera pas de tout repos. «Courses poursuites» avec des navires de guerre anglais, morts étranges sur le navire mais également dans les ports où il fait escale … le Scylla va être bientôt pris dans la tourmente des vagues mais aussi des hommes. Heureusement Messieurs de Saint Preux et Verlanger vont tenter de résoudre toutes ces énigmes.

ressuscite avec Lame de Corsaire les grands romans marins. Dans un style dynamique et précis, il nous embarque dans les aventures du Scylla pour ne plus nous lâcher. Passionnant de bout en bout, son roman mêle aventure et enquête policière pour notre plus grand plaisir.

Le lecteur est ainsi complètement immergé dans le monde de la marine grâce notamment à la large utilisation du vocabulaire très particulier des loups de mer, et ce, sans que pour autant le lecteur ne soit perdu ou lassé. De la même manière, les différents mystères auxquels les héros devront faire face sont extrêmement bien construits et tiennent véritablement en haleine.

Pour toutes ces raisons, Nicolas Cluzeau rejoint avec ce Lame de Corsaire ébouriffant et palpitant, les grands auteurs de récits d'aventure. Merci!

Estelle se lève à 5h tous les matins. Durant sa longue journée d’infirmière à la maison de retraite Les Coquelicots, elle jongle entre la vie fantasmée de Madame Thomas, les blagues de Germano, les parties de cartes.

Etre infirmière, c’est aussi faire face : au deuil, presque quotidien, aux rêves inachevés, aux angoisses nocturnes …

« Depuis dix ans, je passe mes journées à m’occuper d’eux. Je les soigne. Je les nourris. Je les lave. Je les fais rire. Je les prends dans mes bras. Et puis d’un coup, ils partent. »

Sans jamais tomber dans l’angoisse ou le voyeurisme, ce poétique récit sur la fin de vie questionne. Un bel hommage aux soignant.es, sublimé dans cette bande dessinée au ton bleu monochrome et au graphisme bouleversant.

Pas facile d'être une grande dame. Pas facile non plus d'être un petit monsieur. Et pas facile pour la grande dame et le petit monsieur de se parler. Pourtant, ils peuvent s'aimer !
L'histoire est très simple et chaque double page est un régal pour les yeux et les oreilles. Les sonorités chantent aux oreilles, les mots riment, les vers coulent et le charme opère. Quant aux illustrations, elles bouleversent et transcendent les habitudes : les jeux avec la mise en page sont nombreux, provoquant des lectures de l'image originales et passionnantes. Les couleurs alternent, les choix graphiques aussi, pour notre plus grand plaisir. L'attention est retenue sur des détails ou sur de gros éléments, et le jeu sur la typographie intègre habilement le texte à l'image.
Une fois que la dernière page de est tournée, une seule envie nous oppresse : recommencer cet instant poétique et graphique en le relisant.